Pourquoi l’Etat espagnol fait son grand retour au capital de Telefonica

Madrid s'offre 10% des parts de Telefonica, 26 ans après sa privatisation complète. Le gouvernement veut défendre ses intérêts stratégiques, et surtout limiter l’influence du saoudien STC, qui a créé la surprise en prenant récemment 9,9% du capital de l’opérateur historique.
Pierre Manière
Telefonica traverse une période difficile. L’opérateur reste très endetté : ses dettes avoisines les 27 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros.
Telefonica traverse une période difficile. L’opérateur reste très endetté : ses dettes avoisines les 27 milliards d’euros pour un chiffre d’affaires de 40 milliards d’euros. (Crédits : SERGIO PEREZ)

Un séisme politique. Voici ce qu'a provoqué, au début du mois de septembre, l'arrivée d'un nouvel actionnaire chez Telefonica. L'opérateur historique, fleuron ibérique des télécoms, a vu Saudi Telecom Company (STC), groupe semi-public et champion du mobile en Arabie saoudite, prendre 9,9% de son capital. Présentée comme « amicale », l'opération a d'emblée provoqué des cris d'orfraie dans la sphère politique, et particulièrement au sein du gouvernement de gauche. Personne n'avait, semble-t-il, été prévenu en amont. Y compris José Maria Alvarez-Pallete, le PDG de Telefonica.

Dans le détail, STC a mis le grappin sur 4,9% de l'opérateur. Mais il dispose d'une option pour grimper à 9,9% via des produits dérivés. Il a, alors, vocation à devenir le plus gros actionnaire du géant espagnol des télécoms, et, nécessairement, à peser sur son avenir. Une perspective jugée inacceptable pour l'exécutif, qui n'a guère tardé à réagir. Ce mardi, Madrid a indiqué qu'il s'offrirait 10% de Telefonica. Le gouvernement signe, avec cette manœuvre, le grand retour de l'Etat au capital de l'opérateur historique, 26 ans après sa privatisation complète. Il deviendra, ainsi, le premier actionnaire de Telefonica devant STC, les banques espagnoles BBVA (4,87%) et CaixaBank (4,48%), et le fonds américain BlackRock (4,48%).

Une initiative inédite

Cette opération, dont le coût avoisine les 2,1 milliards d'euros, lui permettra de disposer d'un voire deux membres au conseil d'administration. En Espagne, l'initiative est inédite. « Depuis la privatisation de grandes entreprises publiques comme Endesa, Tabacalera, Argentaria, Iberia et Telefónica elle-même, principalement dans les années 1980 et 1990, aucun gouvernement n'avait jamais réalisé une opération d'une telle ampleur, tant d'un point de vue financier que stratégique », souligne El Pais, le premier quotidien du pays.

Pourquoi Telefonica est-il, aux yeux de l'exécutif, aussi « stratégique » ? Parce que les télécommunications sont considérées comme un secteur sensible, d'« intérêt national », et vital pour la préservation de la souveraineté technologique du pays. L'accès à Internet est, de manière générale, devenu essentiel pour les particuliers et les entreprises. Or, Telefonica n'est rien de moins que le premier opérateur en Espagne, et emploie quelque 100.000 personnes dans le monde. Cette multinationale demeure aussi « un acteur clé dans d'autres domaines stratégiques », souligne la Sociedad Estatal de Participaciones Industriales (SEPI), qui gère les participations de l'Etat. De fait, Telefonica a tissé des liens étroits avec le secteur de la défense, avec qui le groupe a noué d'importants contrats.

Les grandes difficultés de Telefonica

Dans ce contexte, le gouvernement souhaite avoir son mot à dire sur les orientations stratégiques de l'opérateur historique. Surtout que Telefonica traverse, aujourd'hui, une période très difficile. L'opérateur reste très endetté : ses dettes avoisinent les 27 milliards d'euros pour un chiffre d'affaires de 40 milliards d'euros. Il souffre également d'une très forte concurrence, et d'une violente guerre des prix sur le marché espagnol. En parallèle, son état-major craint l'arrivée d'un rival particulièrement menaçant si ses concurrents Orange et MasMovil parvenaient à se marier. C'est pourquoi Telefonica a décidé de supprimer 3.400 postes en Espagne.

Ce contexte pourrait inciter la direction de Telefonica à prendre des décisions radicales pour renflouer les caisses du groupe. Comme, par exemple, vendre une partie de ses précieux réseaux à d'autres acteurs, comme des fonds d'investissement, qui en sont particulièrement friands. Si cette possibilité venait à être évoquée, Madrid aurait, alors, le poids nécessaire pour s'y opposer. C'est, d'ailleurs, la raison pour laquelle l'UGT, un des syndicats de Telefonica, a salué l'arrivée de l'Etat au capital. Cette annonce « élimine les incertitudes liées à la vente éventuelle d'actifs de Telefonica à des tiers », a-t-il immédiatement réagi.

Pierre Manière

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Commentaire 1
à écrit le 22/12/2023 à 20:37
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ils ont fait n'importe quoi avec leurs augmentations de capital, donc cette boite n'interesse plus personne, c'est passe de investment a entreprise speculative..........et maintenant qu'on se rend compte qu'il faut investir et que ca risque de deroui...

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