Qui sont les utilisateurs de cryptomonnaies dans le monde ?

FOCUS DATA. Plus de 100 millions de personnes détiendraient des cryptomonnaies dans le monde, soit trois fois plus qu'il y a deux ans, d'après un comptage de l'université de Cambridge. Où se situent-ils ? Alors que ces nouveaux portefeuilles sont plus difficilement localisables, la société Chainalysis a analysé la provenance du trafic Web de ces activités. Ainsi, l'Ukraine, la Russie et le Venezuela tirent leur épingle du jeu et vont même jusqu'à dépasser - proportionnellement à la population et au niveau de revenu - les États-Unis et la Chine, selon l'étude de la société américaine qui permet également de montrer un « Top 20 » des pays. Toutefois, l'usage de ces monnnaies numériques en tant que moyen de paiement est aujourd'hui encore très limité.
(Crédits : LT)

Alors que le Covid-19 fait exploser l'usage des moyens de paiement dématérialisés, les cryptomonnaies, qui ont prouvé leur solidité face au Covid-19, à l'image de leur cours de Bourse, attirent. Désormais, on compterait 100 millions d'individus dans le monde à détenir ces actifs numériques via la blockchain, ce grand registre partagé qui permet d'échanger de manière décentralisée, tracée et infalsifiable, selon des données de l'Université de Cambridge de septembre 2020. Mais où se situent ces nouveaux portefeuilles ? Qui sont leur propriétaire et pour quels usages quotidiens ? La question est complexe car, de par la nature décentralisée, il est plus difficile d'extraire une adresse, un montant envoyé ou reçu sur chaque "chaîne" de blocs émis pour un jeton numérique.

Or, en septembre, Chainalysis, une société privée spécialisée dans la blockchain, a publié une étude analysant l'activité des cryptomonnaies sur chaque plateforme d'échanges ainsi que la provenance géographique de leur trafic web. Tandis qu'on référence des milliers de monnaies, la société américaine a analysé les échanges de 30 cryptomonnaies (Bictoin, Litecoin, Ethereum, PAX...) pour établir un classement de 154 pays plus ou moins propices à l'adoption de ces monnaies. Parmi elle, la plus célèbre, le bitcoin, cette monnaie numérique créée en 2009 ayant atteint jusqu'à 20.000 dollars l'unité à son plus haut, est celle qui pèse le plus dans les échanges. «Le Bitcoin représenterait environ 60% de la capitalisation totale des crypto-actifs», souligne Romain Saguy, chief revenue officer de la plateforme française Coinhouse.

Là où la crise prospère...

Première surprise, alors que les plateformes de cryptomonnaies les plus importantes se trouvent aux Etats-Unis et en Chine, l'Ukraine, la Russie et le Venezuela sont à la tête du classement des pays dont la population a le plus adopté l'usage de ces monnaies électroniques. Un élément rassemble ces trois Etats : ils ont tous subi une crise politique et/ou économique ces dernières années (crise ukrainienne depuis 2013, crise du rouble en Russie depuis 2014, crise économique au Venezuela depuis 2013).

N.B. Selon l'étude du trafic web effectué par Chainalysis entre juin 2019 et juin 2020 et publiée en septembre. Plus le pays est proche de 1, plus son indice d'adoption des cryptomonnaies par sa population est élevé. Méthodologie en bas de page (*).

Face à ces différentes crises, les monnaies nationales ont ainsi dévissé. Le Hryvnia ukrainien (UAH) a été divisé par quatre depuis 2014 (1 dollar américain (USD) équivaut à 28 UAH contre seulement 8 en 2014). Effet boule de neige, la devise russe a subi une première phase de dévaluation liée à la crise ukrainienne, puis une seconde dû à la crise du pétrole. Le rouble a ainsi perdu la moitié de sa valeur depuis 2014. Plus violent encore, l'inflation au Venezuela a atteint 130.060% en 2018 (selon la Banque centrale du pays), plongeant le pays dans le chaos et réduisant à néant la valeur de la monnaie nationale, le bolivar.

Lire aussi : 130.060%, le triste taux d'inflation du Venezuela

 «La dévaluation est un facteur de fonds pour l'essor des cryptomonnaies. En temps de crise, la population cherche des valeurs refuges et pour ceux qui ont la connaissance et l'accès à Internet, ces monnaies sont une solution», selon Romain Saguy de CoinHouse.

Le Nigeria, le Brésil ou encore la Colombie sont d'autres exemples où l'utilisation des cryptomonnaies par la population est importante (ils font partie du Top 20, selon Chainalysis) et où la monnaie nationale a été divisée minimum par deux ces dernières années.

Néanmoins, les pays dont la monnaie a chuté ne se sont pas tous tournés vers l'utilisation des monnaies virtuelles. Ainsi, l'Argentine, dont la valeur du peso a été divisée par plus de 4 depuis 2014, se trouve seulement à la 28ème place du classement de Chainalysis.

La défiance du politique profite aux cryptomonnaies

L'effondrement de la monnaie est en effet loin d'être le seul facteur de la montée en puissance des monnaies virtuelles dans certains pays.

«La perte de confiance dans le système traditionnel est un facteur important dans l'adoption d'un autre système comme celui des cryptomonnaies», affirme Romain Saguy à La Tribune. « En Inde par exemple, la décision du gouvernement de retirer de la circulation les coupures de 500 et 1.000 roupies en fin d'année 2016 a conduit à la disparition de 86 % des billets en circulation, le pays a dû faire face à une crise de confiance qui a pu contribuer à l'adoption des cryptomonnaies », estime-t-il.

Une partie de la population s'est effectivement détournée du système traditionnel puisque l'Inde se trouve à la 11ème place du classement mondial de Chainalysis. Face à cet essor et à une série de fraudes l'accompagnant, la banque centrale de l'Inde avait interdit les transactions de ces monnaies électroniques en 2018 puis a finalement perdu la bataille juridique en mars 2020 auprès de la Cour suprême.

Une crise de confiance s'est également illustrée au Kenya en 2016 lorsque la banque centrale a pris le contrôle de trois établissements bancaires, sur fond de malversations des dirigeants. Le Kenya se trouve aujourd'hui à la 5ème place des pays dont la population utilise le plus les cryptomonnaies.

Des transferts d'argent plus avantageux

Autre constat, en se glissant à la septième place du classement, l'Afrique du Sud suit de près les Etats-Unis sur l'utilisation de ces monnaies virtuelles. Comme pour d'autres pays d'Afrique subsaharienne, les cryptomonnaies permettent à la population sud-africaine d'économiser des frais de transactions souvent très élevés. Le coût des envois de fonds inférieurs à 200 dollars entre deux pays d'Afrique subsaharienne s'élève en effet en moyenne à 9%, contre 6,8 % pour la moyenne mondiale, d'après une étude de la Banque mondiale, alors que «pour un ripple (une des cryptomonnaies), les frais ne dépassent pas quelques centimes», selon Romain Saguy.

L'avancée à deux vitesses des pays développés

Enfin, les pays développés ne sont pas tous ouverts à l'utilisation de ces monnaies sur la blockchain. Il faut dire que leur usage en tant que moyen de paiement est encore très peu développé. En effet, même parmi les détenteurs de cryptomonnaies, seuls 30% les utilisent régulièrement (au moins une fois par mois) comme un moyen de paiement, d'après le consortium de portefeuilles "Foundation for interwallet operability" en 2018. «La promesse du Bitcoin d'être utilisé au quotidien comme les monnaies traditionnelles ne peut pas être tenue puisque sa volatilité est trop forte pour cet usage. Les stablecoins, indexés sur l'euro ou le dollar pourraient venir résoudre ce problème, le cadre réglementaire doit néanmoins être précisé», analyse Romain Saguy.

Toutefois, les Etats-Unis et le Royaume-Uni - respectivement à la 6ème et 14ème place du classement - se démarquent par un usage quotidien plus important.

La Chine quant à elle offre un rayonnement des cryptomonnaies dans la "zone asiatique" qui l'entoure, alors que la France - comme d'autres pays européens - tarde de son côté à se lancer. Pourtant, plus de sept Français sur dix connaissent ce moyen de paiement et près d'un sur cinq serait «prêt à régler ses achats avec des cryptomonnaies», selon une étude CSA de janvier 2020.

Lire aussi : Cryptoactifs: l'épineux jeu d'équilibriste de la Commission européenne

(*) Composantes de l'indice: Valeur reçue sur chaîne ("on-chain"), pondérée par la parité de pouvoir d'achat par habitant; Nombre de dépôts sur chaîne, pondéré par le nombre si les internautes; Valeur au détail sur chaîne, pondérée par la partie du pouvoir d'achat par habitant; Volume des échanges P2P, pondéré par la parité de pouvoir d'achat par habitant et le nombre d'internautes. L'indice mondial d'adoption de la cryptomonnaie classe les 154 pays sur une échelle de 0 à 1 pour produire le classement général. Plus le score final du pays est proche de 1, plus son taux d'adoption est élevé.

Commentaires 2
à écrit le 22/10/2020 à 10:39
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La monnaie n'est qu'un moyen d'échange et n'a que la valeur que l'on veut bien lui donner... a part ça son utilité est nulle sinon un motif de destruction de notre planète!

à écrit le 21/10/2020 à 19:02
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Théoriquement ce sont des délinquants, puisque, aux dernières nouvelles, l'émission de la monnaie est une prérogative des états ou des organisations auxquelles ce pouvoir a été délégué. L'émission de monnaie par des particuliers ou des groupements...

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