Reprise des échanges entre les ministres de la Défense chinois et américain : Taïwan au coeur des discussions

Alors que Pékin avait décidé de rompre les discussions militaires de haut niveau avec Washington après la visite de la cheffe démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, à Taïwan, l'archipel a, sans surprise, figuré au centre des discussions entre les deux représentants de la défense, mardi, et plus largement, les rivalités en mer de Chine méridionale.
Mardi, les ministres de la Défense américain et chinois se sont entretenus par visioconférence.
Mardi, les ministres de la Défense américain et chinois se sont entretenus par visioconférence. (Crédits : Reuters)

C'était une première depuis un an et demi : mardi, les ministres de la Défense américain et chinois se sont entretenus par visioconférence. L'occasion pour Lloyd Austin et Dong Jun de « discuter des relations de défense entre les Etats-Unis et la République populaire de Chine et des questions de sécurité régionale et mondiale », a indiqué le porte-parole du Pentagone Pat Ryder dans un communiqué.

Lors de cet entretien, les deux hommes se sont accordés sur le renforcement de la coopération entre la Chine et les Etats-Unis. Lloyd Austin a ainsi « mis en avant l'importance de continuer à ouvrir les lignes de communication militaires » entre les deux puissances quand Dong Jun a estimé que « le secteur militaire est crucial afin de (...) stabiliser le développement des relations bilatérales et de prévenir les crises majeures », appelant à davantage de « confiance » entre les deux puissances, selon un communiqué de son ministère.

Rivalités concernant Taïwan

Mais surtout, ces discussions ont, sans surprise, abordé la question de Taïwan. La Chine considère toujours ce territoire insulaire de 23 millions d'habitants comme l'une de ses provinces, bien qu'elle n'exerce aucune souveraineté sur lui ni sur ses îles adjacentes, et maintient qu'elle pourrait en prendre le contrôle un jour, par la force si nécessaire.

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De leurs côtés, les Américains ne réclament, certes, pas l'indépendance de Taïwan, mais lui fournissent un appui militaire et s'opposent à tout changement du statu quo par la force. Début avril, le président américain Joe Biden avait d'ailleurs, de nouveau, réclamé « la paix et la stabilité » autour de l'île, au cours d'un entretien téléphonique avec son homologue chinois Xi Jinping. Ce qui n'avait pas manqué d'irriter ce dernier. « La question de Taïwan est la première ligne rouge infranchissable dans les relations sino-américaines », avait-il mis en garde, selon des propos rapportés par l'agence de presse officielle Xinhua.

Lors de l'entretien avec son homologue chinois, Lloyd Austin a, de son côté, « réaffirmé que les Etats-Unis continueront de voler, naviguer et opérer en toute sécurité et de manière responsable, partout où le droit international le leur permet » et il a « souligné l'importance du respect de la liberté de navigation en haute mer garantie par le droit international, en particulier en mer de Chine méridionale », dans laquelle se trouve Taïwan.

Ce à quoi n'a pas manqué de répondre Dong Jun, estimant que « les Etats-Unis doivent considérer la paix comme étant la chose la plus précieuse » et « la stabilité comme le plus important », selon des propos rapportés mercredi par le ministère chinois de la Défense. Mais surtout, le ministre a réaffirmé la position chinoise vis-à-vis de Taïwan, indiquant que cette question « est au coeur des intérêts fondamentaux de la Chine, et les intérêts fondamentaux de la Chine ne doivent pas être lésés », a-t-il souligné. L'armée chinoise « ne se taira et ne se résignera jamais face aux actions séparatistes prônant l'indépendance de Taïwan et face aux connivences et soutiens venus de l'extérieur », a-t-il insisté, formulant ainsi une critique voilée de Washington, principal soutien militaire de Taipei.

Respecter la souveraineté de Pékin en mer de Chine méridionale

Il a également appelé les Etats-Unis à respecter les prétentions de souveraineté de son pays en mer de Chine méridionale, où Pékin revendique une grande partie des îles et récifs et où les tensions sont montées récemment avec les Philippines. « Les Etats-Unis doivent reconnaître la position ferme de la Chine et prendre des mesures concrètes pour sauvegarder la paix régionale », a-t-il affirmé. Cet échange survient moins d'une semaine après un sommet inédit à Washington entre dirigeants américain, philippin et japonais, au cours duquel ils ont notamment condamné le comportement jugé « dangereux et agressif » de Pékin dans cette zone maritime stratégique. Dans un avertissement clairement destiné à la Chine, le président américain Joe Biden s'y était engagé à défendre les Philippines en cas « d'attaque ».

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C'est d'ailleurs le sujet de Taïwan qui avait conduit le pouvoir chinois à rompre les discussions militaires de haut niveau menées avec Washington, et ce, après que la cheffe démocrate de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, s'y soit rendue en 2022. Le dernier échange important du chef du Pentagone avec son homologue chinois remontait ainsi à novembre 2022, date à laquelle il avait rencontré le ministre de la Défense d'alors, Wei Fenghe, au Cambodge.

Autre élément de tension entre la Chine et les Etats-Unis : le survol du territoire américain par un ballon chinois au début de l'année 2023. Selon des responsables du Pentagone, un ballon est, en effet, entré dans l'espace aérien américain une première fois le 28 janvier au-dessus de l'Alaska, avant d'entrer au Canada le 30 janvier, puis de re-rentrer dans l'espace aérien américain au niveau de l'Idaho, dans le nord-ouest des Etats-Unis, le 31 janvier. De son côté, Pékin a affirmé qu'il s'agissait d'un « aéronef civil, utilisé à des fins de recherches, principalement météorologiques » qui aurait « dévié de sa trajectoire ».

En dépit de ces tensions, Joe Biden et Xi Jinping avaient acté, en novembre dernier lors d'une réunion de travail début avril entre représentants militaires américains et chinois à Hawaï, la reprise du dialogue sur la sécurité militaire entre les deux puissances.

Commentaires 2
à écrit le 17/04/2024 à 14:44
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Si cela se passe comme les échanges entre russes et français, à quoi bon?

à écrit le 17/04/2024 à 14:07
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