« Ce qui va sans doute se passer maintenant est à l'image de tout ce quinquennat finissant : une catastrophe. » Ces propos très amers d'un député PS du sud-est de la France, soutien d'Arnaud Montebourg, illustrent le désarroi dans lequel se trouve le parti socialiste. Qui peut croire un seul instant que le parti se réunifiera par enchantement au lendemain du second tour du 29 janvier, quel que soit le vainqueur, Manuel Valls ou Benoît Hamon. « Si c'est la ligne social-libérale incarnée par Manuel Valls qui l'emporte, ce sera la fin du PS façon Epinay », assure ce même député totalement désabusé qui ne peut pas imaginer que le parti pourra se ranger en ordre de bataille derrière l'homme qui a théorisé le concept des « gauches irréconciliables ». De fait, il paraît très difficile de penser que les troupes socialistes acceptent de suivre l'ex Premier ministre, chantre de la politique de l'offre et qui a « dégainé » le 49-3 pour faire adopter la très emblématique loi El Khomri.
Ligne de fracture
Mais, hypothèse la plus probable, si c'est Benoît Hamon qui sort vainqueur, la situation va être tout aussi compliquée. Là, aussi, on ne voit pas « la gauche de gouvernement » soutenir le thuriféraire du revenu universel ou de la dépénalisation du cannabis. Plusieurs ministres ont ouvertement pris fait et cause pour Manuel Valls, telles Najat Vallaud-Belkacem ou Juliette Meadel, il est difficilement imaginable de les voir, par discipline de parti, faire campagne pour Benoît Hamon, qui est l'antithèse de ce que représente Manuel Valls dans l'offre politique.
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Les aubrystes soutiennent Hamon
Certes, après le relatif échec de leur "opération Peillon" - qui a tout de même privé Manuel Valls d'un paquet de voix - les aubrystes ont décidé dans un appel solennel de soutenir Benoît Hamon :
"Dimanche prochain, nous voterons Benoît Hamon et nous appelons les électeurs de gauche à se mobiliser nombreux pour lui donner la force, demain, de rassembler les gauches que nous n'avons jamais cru irréconciliables (...) et, après-demain, l'énergie pour conduire la France vers une société plus juste, plus forte et plus durable."
Appel notamment signé par les députés Jean-Marc Germain, François Lamy et l'ancienne ministre de la Fonction publique, Marylise Lebranchu. Les aubrystes sont à la manœuvre pour sauver le parti. Mais on peut se demander s'il n'est pas trop tard. De fait, devant le risque de débandade annoncée, plusieurs dizaines de députés socialistes songent au lendemain du second tour de la primaire, voire même juste avant selon certaines sources, à passer avec armes et bagages dans le camp Macron pour tenter de sauver leur siège lors des législatives de juin. Sinon, en effet, ils risquent de se retrouver avec des candidats « macronistes » face à eux.
Vers un ralliement contraint à Macron?
En fait, si ces députés mettent vraiment leur menace à exécution, ils ne feront sans doute qu'anticiper un mouvement « officiel » du parti qui pourrait se produire en mars. Si, à ce moment-là, le vainqueur de la primaire socialiste ne bénéficie d'aucune dynamique et reste encalminé dans les sondages alors qu'Emmanuel Macron apparaît comme « le troisième homme » de l'élection présidentielle, que va faire l'appareil socialiste ? Il va sans doute, contraint et forcé, devoir annoncer un ralliement à Emmanuel Macron, « pour faire barrage à la droite et à l'extrême droite »... Et surtout, pour sauver les meubles aux législatives. Bien entendu, la gauche du parti n'acceptera jamais une telle capitulation et de nombreux électeurs socialistes de base préféreront voter Jean-Luc Mélenchon. Bref, le PS sera dans la panade la plus complète, partagé par une ligne de fracture qui est loin de se résorber, et le futur et incontournable congrès du parti s'annonce très chaud. C'est tout le bilan du quinquennat de François Hollande qui sera alors dans le collimateur...
Pendant ce temps-là, dans le camp d'Emmanuel Macron, on ne peut que se réjouir du résultat de la primaire qui se dessine. On souhaite, bien entendu, la victoire de Benoît Hamon, ainsi Emmanuel Macron disposera d'un espace politique plus large que si c'est Manuel Valls qui l'emporte. De fait, l'ancien Premier ministre et son ancien ministre de l'Economie sont grosso modo sur le même créneau politique, celui d'un libéralisme tempéré par une dose de « social ». Tous les deux se posent en héritiers de Michel Rocard. D'ailleurs, à droite, dans le camp Fillon, on souhaiterait davantage une victoire de Manuel Valls à la primaire des socialistes, afin que celui-ci vienne marcher sur les plates-bandes d'Emmanuel Macron et ainsi l'affaiblir. Évidemment, du côté de Macron, on a conscience qu'en cas de victoire de Manuel Valls, la compétition va s'affirmer dans les semaines décisives à venir. Mais Emmanuel Macron dispose d'un avantage certain : il a les mains libres. A la différence de Manuel Valls, qui devra tenir compte de son « opposition » au sein du PS. Bien entendu, en cas de victoire de Benoît Hamon, les choses seront plus aisées car, de nombreux électeurs socialistes pro Valls viendront « naturellement » rejoindre les rangs de Macron, sans parler des parlementaires, on l'a dit, soucieux de tenter de sauver leur siège.
Un dénouement en mars
Des renforts qu'Emmanuel Macron ne rejettera pas, tant il a encore besoin d'électeurs supplémentaires pour tenter de souffler à François Fillon ou Marine Le Pen une place au second tour.
Le dénouement de toute cette histoire se produira sans doute en mars. Si le candidat issu de la primaire socialiste continue de stagner à une cinquième place dans les sondages, il devra alors se désister pour empêcher que François Fillon et Marine Le Pen monopolisent le second tour et, surtout, pour « négocier » dans la perspectives des législatives. Autant de perspectives peu réjouissantes pour un parti socialistes qui, malgré des moments difficiles, n'a jamais été dans une telle situation de désarroi depuis sa création en 1971.