Macron en Europe : combien de divisions ?

Le nouveau président français est tombé à Bruxelles en terrain ami, mais certainement pas conquis. Revue de quelques atouts et handicaps pour les négociations à venir.

L'élection d'Emmanuel Macron a été accueillie par l'immense majorité des dirigeants européens avec soulagement, au pire, enthousiasme, au mieux. La commissaire à la concurrence Margrethe Vestager, une vieille connaissance, a par exemple lâché un "formidable !" et remercié les Français au nom de l'Europe. C'était bien le moins vu les diatribes anti-bruxelloises de son adversaire et le choix assumé d'Emmanuel Macron de se présenter comme un "pro-européen".

La question du "pour" ou "contre" l'Europe ayant été tranchée sans ambiguïté dimanche, restent celles du "Quelle Europe ?" et du "Comment ?". Le président élu a promis une "refondation" et esquissé quelques pistes. Or trouver une place, pour lui et son futur gouvernement, dans le jeu institutionnel et diplomatique bruxellois sera une tâche difficile pour un président qui ne semble pas prêt à se ranger derrière l'un des deux grandes forces politiques européennes : le Parti populaire européen (centre-droit) et le Parti socialiste européen.

De l'utilité des "lignes rouges" parlementaires

Dans le groupe des chefs d'Etat et de gouvernement des Vingt-Huit, le président élu se place résolument du côté des partisans d'une Europe que l'on pourrait appeler "communautaire", comme ses homologues allemand ou néerlandais Angela Merkel et Mark Rutte, par opposition aux défenseurs de l' "Europe identitaire", qui s'est cristallisée pendant la crise des réfugiés autour du chef du gouvernement hongrois Viktor Orban et comprend notamment la Première ministre polonaise issue du parti nationaliste PiS, Beate Sydlo.

Mais ce conflit interne au conseil européen n'épuise pas toutes les oppositions possibles. Tout à l'ambition de rendre à la France sa place dans le concert européen, d'en faire un moteur, il s'est abstenu jusqu'à présent de préciser les points sur lesquels les intérêts français pourraient s'opposer à ceux de l'Allemagne et de ses autres alliés. Or il part avec comme principal handicap... la faiblesse de ses propres contre-pouvoirs en France.

Angela Merkel n'a pas tant construit son autorité au sein du Conseil européen sur sa capacité de proposition que sur celle de dire "non". Comment ? En invoquant les contraintes de sa propre majorité de gouvernement composée de chrétiens-démocrates et de sociaux-démocrates. Avant et après chaque sommet, la chancelière se présente devant ses députés au Bundestag, écoute, explique, justifie. Et entre deux sommets, elle mène une diplomatie continue en direction de ses partenaires.

Aux Pays-Bas, par exemple, le contrôle du Parlement s'est avéré à la fois une contrainte et une arme dans le dossier de l'accord de libre échange avec l'Ukraine que les Européens ont du ajuster pour tenir compte des réserves de l'opinion néerlandaise relayées par le Premier ministre libéral récemment reconduit Mark Rutte.

Le problème (français) irrésolu de la légitimation

Emmanuel Macron a, lui, un "mandat" européen à la fois général, généreux et fragile si l'on tient compte de l'importance du vote eurosceptique. N'étant pas responsable devant le Parlement, il ne pourra pas le préciser et le renouveler au fur et à mesure de son mandat en fonction des circonstances. Or l'expérience a montré que faire reposer toute la force de la parole française sur un suffrage universel est risqué. On se souvient que le célèbre "retour de la France en Europe" annoncé par le président Sarkozy après son élection en 2007 n'avait pas trouvé matière à se concrétiser, ainsi que des promesses non tenues de renégociation de traité et de plan de relance faites par François Hollande.

De ce point de vue, l'idée, entendue pendant la campagne, de faire appel à des "experts" pour améliorer les traités commerciaux de façon à ce qu'ils soient mieux acceptés par l'opinion, laisse songeur. En réalité les parlements nationaux et régionaux, comme on l'a vu pour le traité CETA avec le Canada, se sont déjà emparés d'un rôle de contre-pouvoir à la Commission européenne qui mise, justement, sur l'expertise pour préserver ses prérogatives.

Au Parlement, les libéraux, seuls alliés naturels

Dimanche soir, Manfred Weber, président du groupe PPE (centre-droit), le premier groupe au parlement européen, se réjouissait que "les Français aient voté pour l'Europe, pour les réformes et pour l'avenir". Mais aussitôt le député CSU appelait de ses voeux une victoire des... Républicains aux élections législatives et la mise en oeuvre d'un agenda hardi de réformes. "Les problèmes de la France ne devraient pas être d'abord réglés à Bruxelles mais en France", déclarait-il lundi matin à la chaîne ZDF.

Son homologue du Parti socialiste européen, Gianni Pittella s'est dit "soulagé", avant de lancer cet avertissement : "nous appelons également le nouveau président à répondre aux doutes exprimés par des millions de Français sur l'Europe et sur son programme".

Dans les rangs écologistes, aucun député français n'a apporté son soutien à En Marche!, ce qui est logique compte tenu de l'alliance entre Benoît Hamon et Yannick Jadot. En revanche, de nombreux élus verts d'autres pays voient dans l'élection d'Emmanuel Macron une chance de faire levier contre les politiques chrétiennes-démocrates et le poids de Berlin. "Il ne faut plus cacher que l'emprise allemande sur l'UE renforce la frustration vis-à-vis de l'Europe dans beaucoup de pays" et explique le succès de Marine Le Pen, souligne une pétition mis en ligne entre les deux tours de l'élection française par le député allemand Sven Giegold, qui reprend les propositions de réforme de la zone euro portées par le président français.

Les seules forces susceptibles d'apporter un soutien indéfectible au nouveau président se trouvent dans les rangs des libéraux. Six des sept députés français du groupe ont explicitement rejoint les rangs de En Marche! Parmi eux Sylvie Goulard, dont le nom circule pour entrer au gouvernement, et Jean Arthuis, élus respectivement sur des listes Modem et UDI. L'influent président du groupe ALDE, le Belge Guy Verhofstadt, chargé de suivre les négociations du Brexit pour le Parlement, a aussi été un soutien de la première heure. Mais fort de 68 élus sur 751, l'ALDE ne peut jouer qu'un rôle d'appoint dans d'éventuelles coalitions.

Il faudra attendre de connaître la composition de la majorité de gouvernement en France pour voir sur quoi pourrait reposer son assise partisane au sein de l'Assemblée européenne laquelle amende et vote directives, règlements, budgets. La question sera cruciale pour "délivrer" sur quelques sujets clés comme la politique commerciale, les perturbateurs endocriniens ou l'environnement. Dans le passé, le gouvernement fédéral allemand s'est souvent appuyé sur l'alliance entre PPE et PSE qui fait miroir à la coalition en place au Bundestag, quand il s'est agi par exemple de défendre Volkswagen dans le dieselgate ou sur les émissions de CO2.

Emmanuel Macron est très loin de pouvoir prétendre à cela. S'il veut réussir, il lui faudra faire passer la politique européenne de "hobby" du Président de la République à une véritable politique nationale. Une vraie révolution, dont rien ne dit qu'il soit possible de la mener dans le cadre des institutions de Cinquième République.

Selon nos confrères du quotidien belge Le Soir, le mouvement La République en Marche! et Emmanuel Macron rejoindraient l'Alliance démocrate et libérale européenne (ALDE), dont est notamment membre le Premier ministre néerlandais Mark Rutte, l'ancien Premier Ministre belge Guy Verhofstadt et la commissaire à la concurrence Margrethe Vestager. « Cela dépendra sans doute de la coalition qu'Emmanuel Macron nouera après les élections législatives », a précisé la source du quotidien belge.

Mis à jour le 8 mai 2017, à 20h19

Commentaires 28
à écrit le 09/05/2017 à 23:37
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Macron se fout de l'Europe : seuls les capitalistes et patrons l'intéressent. L'égalité des chances, c'est comme Fridoom : pour eux. De toute façon, c'est l'Allemagne qui dirige. Elle-même dirigée par les us.

à écrit le 09/05/2017 à 18:34
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Il est probable qu'il se fera rouler dans la farine par Frau Merkel, et qu'il ne fera pas le poids face aux bureaucrates de Bruxelles

le 10/05/2017 à 6:39
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C'est déjà dans le tuyau, il suffit de lire la déclaration de Junker d'hier. Je cite "UE: "Les Français dépensent trop" et "au mauvais endroit", prévient Juncker" et le premier paragraphe pour mettre l'ambiance : "Nous sommes confrontés avec la Fra...

à écrit le 09/05/2017 à 16:34
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Il faut qu’Emmanuel Macron ainsi que ses adeptes, toute la classe politique et également l’ensemble des Français sachent qu’il a été élu « par défaut » c’est à dire que les électeurs ont massivement voté CONTRE l’arrivée au pouvoir de l’extrême droit...

à écrit le 09/05/2017 à 11:39
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Son seul atout...Le FN. Il pourra toujours faire valoir que si l'Europe ne bouge pas, le risque de voir le FN gouverner la France dans 5 ans sera plus qu'une éventualité. Cependant, je ne pense pas que l'Europe bouge, pire je pense même qu'elle va ...

à écrit le 09/05/2017 à 11:39
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Quand on compte faire des "réformes" qui ne sont pas des "adaptations" franco-française, de plus, par l'intermédiaire de décrets afin de ce mettre au niveau exigé par cette zone administrative qu'est l'UE de Bruxelles; Il ne faut pas s'attendre a ce ...

le 10/05/2017 à 6:43
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"Il ne faut pas s'attendre a ce que cela soit un Président mais un simple préfet! " il sera surtout un fossoyeur !

à écrit le 09/05/2017 à 10:29
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"les Français aient voté pour l'Europe, pour les réformes et pour l'avenir". C'était malheureusement prévisible qu'En Marche utilise ce vote de rejet de la mère Le Pen pour légitimer ces réformes ( ou plutôt regression ) à venir alors que l'on app...

le 09/05/2017 à 12:11
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Se faire élire à 39 ans, en venant de nulle part, c'est une preuve de charisme hors norme.

le 10/05/2017 à 14:45
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@Brice Vous êtes sérieux … Ce n’est plus des œillère à ce niveau là… Justement, vu notre système politique, le venant de nulle part n’est pas du tout un gage de bonne qualité. C’est même très louche. Je ne sais pas si vous avez suivi la propaga...

à écrit le 09/05/2017 à 10:03
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Il faut harmoniser la fiscalité des entreprises avec l'Allemagne. Tout le reste suivra, en particulier le financement des charges sociales des entreprises, qu'il faudra envisager de reporter sur la consommation d'énergie. Voir la note n°6 du CAE. Emm...

à écrit le 09/05/2017 à 9:06
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macron c'est la dernière chance pour l'Europe s'il échoue le divorce sera consommé entre les français et l'union européenne ; le réferendum trahi de 2005 n'est pas encore cicatrisé

à écrit le 09/05/2017 à 7:47
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En donnant une majorité à notre nouveau Président, de part son positionnement et son projet, il n'aura pas comme le PS ou LR des frondeurs et en particulier sur la politique européenne. C'est un grand changement de paradigme que vous semblez oubliée ...

le 10/05/2017 à 14:35
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Ils sont marrant ces européistes en carton. Lorsque l’on fait un vrai référendum sur l’UE et que la population vote contre. C’est que le gens n’ont pas compris, ne comprennent rien, ont votés contre le président en place…. Ça ne compte pas en gros. ...

à écrit le 08/05/2017 à 20:19
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Bien sûr que Non.. Combien pays dans l'UE...?

à écrit le 08/05/2017 à 20:16
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Les Allemands ne veulent pas creuser les déficits , Macron va comme Hollande se heurter à un mur. Toutefois, pour lui donner un coup de main avant les législatives , Merkel va lâcher quelques milliards pour des grands travaux. Pas trop cher payé po...

à écrit le 08/05/2017 à 19:55
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Difficile de contenter tout le monde, mais il faudra bien trouver des dénominateurs communs avec d'autres pays leaders de l'Union. Macron et les autres dirigeants européens sont condamnés à réussir, sinon on risque de ne pas avoir d'autres chances d...

le 08/05/2017 à 20:51
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L ' Ue prison des peuples, sédimentation de 28 intérêts divergeants va et doit mourir pour que nous soyons libres, no alternative ...

à écrit le 08/05/2017 à 19:36
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François Asselineau: Voilà ce que la commission européenne exige du prochain Président de la République via les GOPE, normal qu' il aille prendre ses ordres chez Angela .. – Il faudra baisser l’impôt sur les sociétés des grands groupes. – Il faud...

le 09/05/2017 à 12:08
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0.92% de votants au premier tour, il faut croire qu'UPR n'a pas convaincu.

le 10/05/2017 à 6:59
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@Brice Peur être qu'avec le même battage médiatique dont à bénéficier Macron, le score eut été meilleur. Parce que depuis un an, on entend parlé que de lui, tout ça pour un résultat somme toute très médiocre : 43% de vrai faux électeurs qui tombe en...

à écrit le 08/05/2017 à 19:26
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Oui, il pourra s'il a la volonté et si les dossiers intérieurs ne l'affaiblissent pas par une contestation permanente comme on sait bien le faire dans notre pays. Sa force il ne peut la tirer que de sa réussite globale s'il y a réussite.

à écrit le 08/05/2017 à 19:24
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Non clairement non, l' union est moribonde et l' entretenir revient à vaporiser des pesticides sur une terre biologiquement morte. Petit rappel liminaire : " La politique est le moyen pour les hommes sans principes de diriger des hommes ...

le 09/05/2017 à 12:07
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L'uE est en pleine forme car le peuple malgré le baratin des conservateurs obtus qui se raccrochent à un passé révolu, a voté "pour" ce dimanche;

le 10/05/2017 à 7:03
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@brice En plus d'être de mauvaise foi, vous êtes aveugle. Je vous redits que 16% de "convaincus" ce n'est pas un score epoustouflant.

à écrit le 08/05/2017 à 19:18
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Sans menacer de sortir de l'euro ou de l'Union Européenne s'il n'obtient pas satisfaction, il n'a aucune chance. Nicolas SARKOZY et François HOLLANDE se sont déjà cassés les dents. D'ailleurs, MACRON était le conseiller économique de François HOLLAND...

le 09/05/2017 à 12:05
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ON ne négocie pas avec des terroristes !! Menacer de sortir, c'est ce qu'a fait David Cameron, il a obtenu des trucs et il est sorti quand même ! Si un jour vous faites une négo complexe en brandissant d'office l'arme nucléaire, vous vous trompez. ...

le 09/05/2017 à 21:34
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@Brice : où voyez-vous du "terrorisme" ou une "arme nucléaire" dans le fait de dire "si je n'obtiens pas ce que je demande, je m'en vais" ? C'est la loi du commerce. Si vous vous soumettez toujours aussi vite, vous êtes un client en or ! On ne respec...

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