Fret maritime : « Nous entrons dans une période de normalisation avec une chute des prix de transport » (Kuehne+Nagel)

Prix de conteneurs en hausse, usines en manque de matières premières, délais de livraison croissants... L'année dernière et ce début d'année ont été marqués par de fortes tensions sur le transport maritime. Toutefois, depuis quelques semaines, les taux de fret maritime sont à la baisse et les ports retrouvent peu à peu un rythme normal. Dans une interview accordée à La Tribune, Stéphane Defives, Directeur de la logistique maritime France chez Kuehne+Nagel, groupe d'entreprises spécialisé dans la logistique, explique l'impact de la dégradation de l'économie mondiale sur le transport maritime.
Selon Stéphane Defives, il ne devrait pas y avoir de grands changements sur le front des volumes d'ici à la fin du deuxième trimestre 2023.
Selon Stéphane Defives, il ne devrait pas y avoir de grands changements sur le front des volumes d'ici à la fin du deuxième trimestre 2023. (Crédits : Reuters/Romeo Ranoco)

LA TRIBUNE - Avec la dégradation de l'économie, comment se porte le fret maritime ?

STÉPHANE DEFIVES - Après deux ans de hausse régulière des taux de fret, nous entrons aujourd'hui dans une période de normalisation avec une chute assez drastique des prix de transport en raison de la baisse de la consommation elle-même liée à l'inflation. Les ménages sont en effet préoccupés par leurs factures d'énergie et se concentrent sur les achats de première nécessité. En raison de la dégradation de l'économie mondiale, il ne devrait pas y avoir de grands changements sur le front des volumes d'ici à la fin du deuxième trimestre 2023. Notamment pour les acteurs du marché de la grande distribution, qui disposent aujourd'hui de stocks très élevés puisqu'ils avaient pris le pari d'importer en 2021 pour faire face aux fortes perturbations des chaînes d'approvisionnement. Il va probablement falloir attendre février avant qu'ils ne reprennent les commandes et les expéditions. Cela provoque la baisse des exportations chinoises et la baisse des taux de fret devient presque immédiate. Cette tendance à la normalisation concerne également les ports mondiaux. Après les impressionnantes congestions observées en début d'année dans les ports, la situation revient à la « normale », même si certains rencontrent encore des problèmes comme Hambourg et Rotterdam.

Stéphane Defives

L'accélération de la chute des taux de fret maritime préfigure-t-elle une récession ?

Nous n'en sommes pas très loin. Et la poursuite de la hausse des taux d'intérêt aux Etats-Unis et en Europe fait peser un risque sur la demande. Mais, nous pouvons l'éviter en cas de reprise de la consommation au cours du deuxième trimestre de l'année 2023.

Quelles sont les régions du monde particulièrement affectées par cette chute du fret maritime ?

Tout ce qui part d'Asie, et de Chine en particulier, est fortement touché. En effet, nous avons vu fondre les taux de fret entre la Chine et les Etats-Unis mais ils ont également drastiquement baissé entre la Chine et l'Amérique du Sud. La tendance est la même entre la Chine et l'Europe. Depuis cinq à six semaines, nous avons en effet perdu entre 60 et 65% de la valeur du fret. Pour autant, même si les prix baissent, ils se situent largement au-dessus du niveau observé en 2019. Le SCFI (Shanghai Containerized Freight Index, ndlr), par exemple, dépasse les 5.000 dollars le 40 pieds, soit plus du double qu'il y a trois ans. En revanche, entre l'Europe et l'Amérique du Nord (Etats-Unis, Canada, Mexique), les taux de fret se maintiennent malgré la stagnation des volumes. C'est le cas également entre l'Europe et l'Amérique du Sud, mais ils devraient être rapidement impactés par les difficultés de l'industrie automobile allemande.

Cette situation va-t-elle ouvrir des renégociations de contrats ? Si oui, de quelle ampleur ?

Il y a différents types de contrats : certains contrats ont des validités annuelles, d'autres courent sur deux ans et quelques-uns sur près de trois ans. Les contrats annuels ne seront pas renégociés car ils se terminent au 31 décembre. La grande interrogation concernait les contrats de long terme, touchant principalement les armateurs européens. Jusqu'à présent, les transporteurs sont restés inflexibles. Leur position de marché le leur permettait, car les niveaux de taux inscrits dans les contrats étaient inférieurs au SCFI. Or, cet indice se rapproche aujourd'hui des niveaux de prix en vigueur dans les contrats à long terme. Par conséquent, il y a fort à parier qu'à partir du moment où il passera au-dessous, les contrats de long terme seront en difficulté. Si l'ampleur des renégociations ne sera pas vertigineuse, je pense néanmoins qu'il y aura une volonté de maintenir un niveau de taux supérieur aux coûts d'exploitation des navires pour éviter de revenir à une situation de pertes financières pour les armateurs que le secteur connaissait avant la crise sanitaire.

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ZOOM : 2,3 milliards d'euros de bénéfices depuis le début de l'année

Le groupe suisse Kuehne+Nagel a, ce mardi, fait état de chiffres en forte augmentation sur neuf mois face aux tensions dans les transports, en particulier dans le fret maritime. De janvier à septembre, le bénéfice net du groupe a bondi de 73% sur un an, à 2,3 milliards de francs suisses (2,3 milliards d'euros). Son chiffre d'affaires a, lui aussi, augmenté de 40% à 30,6 milliards de francs suisses. « Il s'agit des meilleurs neuf mois jamais réalisés », a déclaré Stefan Paul, nouveau directeur général du groupe. Néanmoins, sa croissance a ralenti au troisième trimestre, son chiffre d'affaires progressant de 16% entre juillet et fin septembre (10 milliards de francs), contre un bond de 45% au deuxième trimestre.

Le fret maritime a également vu son chiffre d'affaires augmenter de 27%, à 4,97 milliards de francs au troisième trimestre. « Nous constatons une détente sur le marché du fret maritime », précisait le nouveau patron de Kuehne+Nagel, avant d'ajouter que « cela apporte un certain soulagement à nos clients ». Toutefois, sa croissance a ralenti par rapport aux précédents trimestres.

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Commentaire 1
à écrit le 25/10/2022 à 11:21
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Il faut vite voter un impôt négatif sur les supernonprofits voire les superpertes que subira cgm...on financera ca avec une taxe de péréquation tolerante sur les avoirs de la cgt et sur les supersalaires des profiteurs de guerre des raffineries

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