Le point fiscal du Front national

Avec la mise en place de la commission "LuxLeaks", l'intouchable souveraineté fiscale nationale va-t-il être battu en brèche.
Les eurodeputes ont voté la creation d’une commission parlementaire sur l’affaire "LuxLeaks"

Le 9 mars, le député UMP Alain Lamassoure a sifflé le début des travaux sur l'évitement fiscal pratiqué à grande échelle par les grandes entreprises. La commission spéciale "LuxLeaks", qu'il préside, devrait aider à mettre des chiffres sur la concurrence qui prive les États européens de dizaines de milliards d'euros. Voilà qui, contrairement au calibre des concombres, aux quotas de pêche et aux ratios de capitaux bancaires, pourrait enfin passionner les Européens.

La conclusion qu'en tireront les Verts, à l'origine de cette commission, est déjà connue. La mobilité des capitaux est un défi pour les États isolés puisqu'elle les soumet à une redoutable concurrence fiscale.

Face aux « trusts » - comme l'écrivait le juriste et cadre d'Uriage Paul Reuter, en 1942 -, il faut donc coaliser les États.

La position du FN

Le député européen Front National Bernard Monot ne sera pas sur cette ligne. Ce financier qui fait carrière dans la banque dénonce un « scandale européen » dans l'« évitement fiscal » à grande échelle organisé depuis des décennies avec l'aide d'armées d'avocats et de consultants. Quoique membre de la commission, il estime qu'elle servira de « prétexte pour mieux imposer l'union fiscale » en « feignant d'imposer de la transparence ». Ce qu'il en attend ?

« Un bilan » dont on puisse « tirer des conclusions objectives » sur la situation en Europe, et, dans le cas de la France, la preuve que « la solution consiste à rétablir les frontières ».

On peut répliquer que, précisément, le problème est que l'intouchable souveraineté fiscale nationale (il n'y a aucune harmonisation européenne de l'impôt sur les sociétés) se traduit par une course au mieux (ou moins) disant et permet aux multinationales d'afficher des taux effectifs d'imposition de 1, 2 ou 3% quand le taux légal est de 20% ou 30%.

Pour remédier à cette situation, « celui à qui l'on doit la nouvelle ligne économique du FN depuis 2007 », comme il le précise, ne croit pas à l'harmonisation car « là où le pouvoir est européen, cela ne profite pas aux citoyens ». Une souveraineté fiscale européenne aboutirait, en d'autres termes, à entériner les rentes de situation et les inégalités actuelles entre entreprises.

Les partis centristes sont-ils en mesure de le faire mentir ?

Le fait est que pour l'instant, la réponse est « non ». L'échange automatique d'information sur les tax rulings (ces régimes d'exception) pourtant prévu depuis... 1977 et que la Commission Juncker s'apprête à rendre un peu plus automatique, n'a jamais été pratiqué. L'intégration a accru la mobilité, donc la concurrence, sans promouvoir la coopération.

Pourquoi les partis de gouvernement et la Commission européenne se montreraient plus capables à l'avenir de faire primer la seconde - qui protège la base fiscale sur la première, qui la détruit ?

C'est toute la question posée à la Grande Coalition qui soutient la commission européenne et son président Jean-Claude Juncker.

Si les sociaux-démocrates et le parti populaire européen, qui ne voulaient pas de cette commission, sont sincères dans leur intention de faire rentrer l'impôt... sans défaire l'Europe, ils n'ont pas d'autre choix que de prendre les sceptiques au mot, d'entreprendre ce qui n'a pas été fait depuis quarante ans et de préférer la masse anonyme de leurs administrés à la pression des « trusts »... quitte à partager leur souveraineté.

Maintenant imaginons que, mettons, l'Allemagne que les astuces de ses voisins suisse, liechtensteinois ou luxembourgeois commencent à sérieusement agacer, siffle la fin de la concurrence pour faire rentrer l'impôt pour de bon. Une France, restée souveraine, serait acculée à une stratégie à l'irlandaise, de faible taux d'imposition, pour éviter la fuite des entreprises.

Sa souveraineté deviendrait de plus en plus théorique et l'entraînerait dans une fuite en avant avec rétablissement du contrôle des flux de capitaux et des « frontières ». Ce que propose le Front National. Est-ce vraiment une option ?

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