Martin Schulz est-il le plus "merkiavélique" ?

Le président social-démocrate du Parlement européen Martin Schulz entretient le suspense sur sa possible reconduction à la tête du Parlement européen en 2017. L'alternative : aller au combat contre la chancelière allemande.
Florence Autret
Martin Schulz, président du Parlement européen.

Encore une histoire européenne qui se résume - presque - à une affaire de politique intérieure allemande. Le Parlement a un président, Martin Schulz. Un social-démocrate de 61 ans, francophone originaire de Rhénanie du Nord, qui a plus fait pour la visibilité de l'institution que tous ses prédécesseurs réunis. Eux étaient inaudibles. Lui fait la une de la presse allemande ou belge quand il s'attaque au « populisme sauvage » qui menace l'Europe et vole dans les plumes de Donald Trump ou de Marine Le Pen. En Allemagne, il est aussi présent dans le débat politique que n'importe quel dirigeant du SPD, son parti, et soutient plus ouvertement la chancelière Merkel au sujet des migrants que ses camarades à Berlin.

« Il a donné un vrai profil à l'institution. Et il est populaire en Allemagne », explique la coprésidente du groupe des Verts, Rebecca Harms.

À Bruxelles et Strasbourg, Schulz préside un parlement de grande coalition entre le Parti socialiste et le Parti populaire européen. Comme l'avait fait son prédécesseur, Jerzy Buzek, Schulz était censé laisser la place à mi-mandat à un homme de l'autre bord politique. Un homme venant de la droite, dont le candidat « naturel » est pour l'instant Antonio Tajani, un ancien vice-président de la Commission, actuel premier vice-président du Parlement, qui a fait son chemin jusqu'à Bruxelles en servant fidèlement Silvio Berlusconi à l'époque de sa grandeur.

« Tout se fait par pilotage à vue »

Seulement voilà, on parle de plus en plus de maintenir M. Schulz à son poste jusqu'en 2019. Au diable la règle de l'alternance ! Si tel était le cas, il serait le premier président du parlement à faire un... septennat (il est arrivé en milieu de mandat, en 2012).

« C'est une possibilité », concède l'eurodéputé socialiste Pervenche Berès. Il fait le boulot. Il soutient le chrétien-social Jean-Claude Juncker, qui préside la Commission. Il fait l'Europe. Et il noue des accords... qui ne satisfont pas tout le monde.

« Tout se fait par pilotage à vue. Cela n'a rien à voir avec les pratiques d'une grande coalition où il y a un contrat précis et où les choses sont beaucoup plus claires », explique l'eurodéputé Modem Sylvie Goulard.

M. Schulz se rend sans mandat au Conseil européen, où les chefs d'État et de gouvernement des Vingt-Huit prennent les décisions cruciales sur l'arrangement avec le Royaume-Uni pour éviter le Brexit, ou font le « deal » avec la Turquie sur les migrants. On comprend que certains élus tiquent.

« Le Parlement est traité comme un 29e État de l'Union ; cela nuit gravement au principe de séparation des pouvoirs », explique la députée.

Comme une deuxième Allemagne !

Après l'affaire Volkswagen, Martin Schulz a appuyé la création d'une vraie commission d'enquête sur la législation européenne concernant les tests d'émissions toxiques automobiles. Il s'y était opposé après l'affaire LuxLeaks, pour ne pas gêner l'ancien Premier ministre luxembourgeois Jean-Claude Juncker, dit-on. Mais avec l'« affaire VW », il a une chance de plomber son successeur putatif, l'Italien Tajani, qui était chargé du dossier industrie à la Commission quand celle-ci aurait fait preuve de faiblesse face au lobbyisme de l'industrie automobile.

Veut-il rester président, au mépris de l'accord passé en 2015, ou pas ? Nul ne sait.

« Il n'y a rien de nouveau sous le soleil. Certains en parlent pour tuer le sujet et qu'il n'y ait pas de débat ouvert », explique un membre de son cabinet, ce qui laisse penser qu'il n'aurait rien contre un nouveau mandat.

Pour l'instant, même au PPE, on admet que « c'est compliqué ». Personne ne sait si la droite présentera un candidat ou pas, ni lequel, tant Tajani a de détracteurs. Une chose est sûre, seule Angela Merkel peut convaincre suffisamment de députés européens PPE pour réunir la masse critique nécessaire à la réélection de Schulz. Et on soupçonne qu'elle préférerait le voir rester à Bruxelles.

Le seul, au fond, à pouvoir aller contre la volonté de la chancelière n'est autre que Martin Schulz lui-même, s'il décidait, sous prétexte de respecter le contrat d'alternance en cours de mandat passé en 2015, de ne pas se représenter et de faire élire le candidat de la droite.

Son mandat se termine en janvier 2017, quelques jours avant que les sociaux-démocrates de Rhénanie du Nord Westphalie ne désignent leur tête de liste aux élections fédérales de l'automne 2017. Certains le voient déjà candidat à la chancellerie contre Angela Merkel. À suivre.

Florence Autret

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