Davos : de quoi accouchera la montagne suisse ?

A quoi sert le Forum économique mondial ? Une simple lecture de son rapport 2016 montre que nulle mention du Brexit, de Donald Trump ou du revenu universel n'y figurait ! Par Michel Santi, économiste.
Michel Santi, économiste.

« A Davos, les milliardaires informent les millionnaires sur la situation de la classe moyenne. » C'est en ces termes que Jamie Dimon, grand patron de JP Morgan Chase et vétéran de l'événement, décrit l'ambiance régnant sur cette rencontre annuelle qui a lieu cette semaine dans la célèbre station alpine helvétique. Il semblerait en effet que le «business as usual » continue comme si de rien n'était pour l'establishment qui n'a décidément rien appris des leçons de ce passé très récent ayant vu, coup sur coup, le Brexit et l'élection de Donald Trump. Pire même puisque les gardiens de ce temple, désormais quasi désert, se complaisent dans cet ultra libéralisme, dans cette dérégulation et dans cette mondialisation qui sont pourtant en train de rendre l'âme et qui sont responsables du déclassement de cette classe moyenne.

Souvenez-vous de leurs imprécations et de leurs doctes avertissements ayant précédé le Brexit, présenté comme le cataclysme à venir. La réalité est qu'ils se sont - et les économistes avec eux- totalement trompés sur les effets de ce Brexit dont les conséquences restent incertaines. Face à des modèles de prévision inadaptés et à un processus dont l'issue finale sera dépendante de la manière dont seront menées les négociations, c'est pourtant la modestie qui s'imposait au lieu d'attiser la peur du chaos. Alors, faut-il encore écouter les experts ne souffrant nulle contradiction et se fier aux économistes dont nul n'osait -préalablement au Brexit- contester les verdicts sans appels ? Notre système capitaliste est-il seulement capable d'autocritique, d'arrêter d'insulter les électeurs en méprisant leurs suffrages ?

Microcosme stérile, sourd et aveugle

Bon courage, donc, pour faire parvenir ces messages aux réfugiés de luxe abrités dans leurs hôtels 5 étoiles hyper sécurisés de Davos, et à leurs alter ego qui déambulent dans les soirées privées arrosées au champagne organisées dans des chalets somptueux. Vous n'êtes pas à Versailles mais presque, tant la hiérarchie et l'esprit de cour règnent en maîtres absolus au sein de ce microcosme stérile n'ayant rien prévu aux événements de 2016 ! Une simple lecture du rapport 2016 du World Economic Forum montre en effet que nulle mention du Brexit, de Donald Trump ou du revenu universel n'y figurait ! Du reste, aucune mention à l'agenda de cette année de l'inéluctable limitation du flux des capitaux et des populations qui sera le thème incontournable de 2017.

Consensus en sursis

Mais il est vrai que la clairvoyance n'est pas vraiment l'apanage de cette caste toujours prompte à excommunier. Voyez plutôt l'économiste keynésien Paul Krugman qui, en guise de boutade, n'a de cesse d'appeler depuis près de dix ans de ses vœux une invasion des aliens qui contraindrait les Etats à enfin se lancer dans des dépenses qui favoriseront la reprise économique ... et qui se déchaîne désormais contre Trump qui projette précisément de lancer des grands travaux pour stimuler la croissance!

Le consensus ayant fait ces quarante dernières années la gloire du WEF, qui consacrait la globalisation et l'ouverture des marchés comme seuls et uniques vecteurs du développement des économies, est désormais en sursis, et ce, même si - peut-être pour la dernière fois ? - les délégués présents à Davos entonneront encore une fois cet hymne à un capitalisme mondialisé à l'agonie. Quant à la montée du populisme, elle n'est pas tant le rejet de la politique préconisée par les experts que la manifestation la plus limpide de la répudiation de ces mêmes experts.

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Michel Santi est macro économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et Directeur Général d'Art Trading & Finance.

Il est également l'auteur de : "Splendeurs et misères du libéralisme", "Capitalism without conscience", "L'Europe, chroniques d'un fiasco économique et politique" et de "Misère et opulence", préface rédigée par Romaric Godin.

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Commentaires 2
à écrit le 17/01/2017 à 9:14
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A quoi sert l'économie: produire des richesses (la production), partager ces richesses (la consommation)? Il faut rechercher un équilibre entre la production et la consommation. Davos s'intéresse à la production.

à écrit le 16/01/2017 à 19:22
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Merci pour cette excellente analyse. Davos c'est de l'indécence pure et dure.

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