En 2020, la foule aura pris le contrôle de la finance

Le crowdfunding peut imposer son modèle en quelques années. Par Jean Carvajal, président fondateur d'Investbook

Le financement participatif (crowdfunding) représente environ 24 milliards de dollars dans le monde, plus de 2 milliards en Grande Bretagne, environ 300 millions d'euros en France, presque autant en Allemagne. Même si la France est encore loin des comportements massifs et disruptifs constatés dans les pays anglo-saxons et asiatiques, il est sans conteste anticipé que la finance participative deviendra une norme comportementale dans les prochaines années.

Le modèle le plus perturbateur depuis la révolution financière des années 80

Pourquoi les grandes banques, surtout anglo-saxonnes telles JP Morgan, Barclays ou Goldman Sachs, sont sérieusement à la manœuvre pour se positionner sur ce nouveau marché ? Car elles considèrent le crowdfunding comme potentiellement le modèle le plus perturbateur de la désintermédiation financière.
La dernière vraie révolution financière remonte aux années 80, période pendant laquelle la règle des 3D (désintermédiation, décloisonnement, déréglementation) a permis à la finance de devenir mondiale et sans limite. Le crowdfunding dispose d'une profondeur encore plus puissante, donnant un accès direct à la foule, sur des sous-jacents variés, dont nous ne voyons aujourd'hui que les prémices.

Le champ des possibles est sans limites

Retour en arrière. Le crowdfunding en France a commencé avec le don, ont été financés des artistes via des plateformes telles « My Major Company » ou des projets associatifs via « Spear ». Puis s'est développé le prêt entre particuliers (ex : « Prêt d'Union »), la prise de participation au capital de start-up (ex : « Wiseed »), le prêt aux TPE (ex : « Finsquare ») ou le financement obligataire des PME (ex : « Investbook »). Il existe tellement de possibilités, par produit (dons, prêts, actions, obligations), par secteur (énergie, biotechnologie, industries traditionnelles...), par région, par spécificité (financement du sport, plateformes dédiées aux vins, à la restauration de monuments...).

Des emprunts immobiliers via le crowdfunding

Ces champs d'application ne représentent qu'une infime partie du champ des possibles.
En 2020, nous pourrons financer nos emprunts immobiliers via la foule, les mensualités de notre voiture, nous pourrons sauver des entreprises en difficulté. Les grandes entreprises telles Sony, Apple, LVMH solliciteront systématiquement la foule avant de lancer un produit, c'est la foule qui choisira les produits qu'elle voudra voir fabriqués. De grandes entreprises ont d'ailleurs déjà compris l'intérêt de s'adresser au marché avant de financer et fabriquer une production. Ce ne seront d'ailleurs plus les grands groupes qui auront l'avantage des gros budgets de communication, le consommateur de 2020 ira directement à la source, c'est le produit qui fera la différence, et non la marque. La demande créant l'offre prendra alors tous son sens, le consommateur, utilisateur, investisseur, épargnant prendra le contrôle de ses choix de consommation et d'investissement.

Nous le voyons déjà en Chine, des plateformes de crowdfunding ouvrent des agences dans le pays, l'épargnant choisit les projets qu'il souhaite soutenir ou les entreprises sur lesquelles il souhaite investir, cela dans une agence comme dans une banque. L'accès au sous-jacent est direct, sans intermédiation lourde, en parfaite connaissance du produit, l'investisseur devient maître de ses placements.

Nos enfants et petits-enfants ne verront peut-être jamais un banquier

En 2020, utiliserons-nous Facebook ou Google pour placer notre épargne ? L'investissement sera-t-il au bout du pouce ? Nos enfants auront-ils le réflexe d'aller voir un conseiller bancaire ? Quel sera le rôle d'un conseiller en gestion de patrimoine ? Quel sera le rôle d'un gérant de fond qui jusqu'à présent gère des fonds communs de placement sans jamais corréler sa rémunération aux performances de ses prises de décisions ? Délègueront-nous les choix d'investissement et de composition de portefeuille à des tiers ? Ou prendront-nous le contrôle de notre épargne et de la finance dans son ensemble ?

A en croire les états-majors des entreprises du digital, des banques, des assureurs, la bataille se prépare. Et elle s'annonce féroce. Certains ne savent pas sous quel angle attaquer le phénomène du crowdfunding car loin d'être une mode, c'est une évolution vouée à s'installer de manière durable et massive. D'autres prennent les devants, persuadés à juste titre qu'il faut se positionner rapidement. Quant aux plateformes de crowdfunding elles-mêmes, elles ont déjà la vision du futur, elles se développent à vive allure (Funding Circle a été créé en 2014 en Grande Bretagne et a déjà permis à 15.000 PME de se financer). En France les taux de croissance sont de 100% par an, des acteurs jeunes font déjà office d'entreprises importantes (Lendix, Unilend, Wiseed), d'autres sont en pleine croissance (Investbook, Credit.fr).

Une économie nouvelle se met en place

Des métiers se créent dans les moyens de paiement (LemonWay a déjà ouvert plus d'un million de comptes de paiement en France), poussent comme des champignons des agences de communication dédiées aux campagnes de crowdfunding, viendront les agences de notation pour évaluer les entreprises. Des banquiers créent leur société pour proposer leur service de représentation des investisseurs, d'autres veulent importer leurs connaissances de la finance au profit du crowdfunding, des avocats se spécialisent sur le sujet en accompagnant les opérations participatives, des sociétés de gestion réfléchissent à structurer des fonds spécialement dédiés au crowdfunding, comment intégrer ces produits sur une assurance-vie ou sur un PEA-PME ?

Certains se font la spécialité de pousser les pouvoirs publics à ouvrir les vannes pour enfin libéraliser le secteur et permettre aux entreprises de se financer à plus grande échelle notamment en donnant un meilleur accès aux épargnants. C'est là tout un secteur qui se met en place, qui crée de nouveaux métiers et de nouveaux comportements. Une émulation forte s'installe entre la foule, les projets, les entreprises, cela dans un souci de participation directe et active, pure et sans superposition d'intermédiaires.

En 2020, la foule maîtrisera ses finances et imposera son modèle à la finance.

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Commentaires 6
à écrit le 22/03/2016 à 9:14
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Très bien si on peut se passer des banquiers en toute sécurité. Quelles garanties offrent ces plateformes? J'entrevois des possibilités immenses de malversations. Au moins autant que dans la finance traditionnelle et pourtant encadrée...

à écrit le 20/03/2016 à 13:12
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De deux choses l'une ,ou bien le crowfunding s'appuie sur des analyses de risques serieuses qui imposent un contact direct avec l'emprunteur et dans ce cas il y faut les mêmes moyens que ceux utilisés par une banque ,moyens qui comportent une acquisi...

à écrit le 19/03/2016 à 11:21
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Article très optimiste. Quid du conseil, notamment fiscal? Quid de la vision long terme? Ce n est pas rendre service aux gens que de les encourager à investir dans des sociétés dont ils ne connaissent rien. Attention au retour de flammes! Et aux c...

à écrit le 17/03/2016 à 23:30
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Vivement que les banques soient uniquement des opérateurs de flux et de stock. Un ERDF de la monnaie !

à écrit le 17/03/2016 à 12:35
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LVMH sollicitera le crowdfunding ? Fakir a fait un film qui fait un carton : Merci Patron, film qui ridiculise B. Arnaud, ce film fait un carton, il est sorti 8 copies en 14jours 300 copies réclamées par les salles en France sans pub à la télé ! il ...

à écrit le 17/03/2016 à 12:11
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Bon déjà, le mot "foule" pour désigner la population, je trouve cela méprisant et avec une pointe de mégalomanie. Néanmoins je crois que l'auteur de cet article part d'un concept tout à fait intéressant et prometteur, mais s'emballe un peu vite comme...

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