Carnet de bord décalé : Planète VRP

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.
fabio Marquetty et Gaël Vautrin

Vendredi 1er octobre : Rebond d'argile

A Wall Street, les traders sabrent le champagne. Les bulles, comme le Dow Jones, sont en effervescence. L'indice historique de la bourse de New-York vient de signer son plus beau mois de septembre depuis 1939. 7,72% de progression exactement contre 13,5% il y a soixante et onze ans à période comparable. On ne pouvait rêver mieux. La robustesse financière des entreprises cotées rassure, les banques ont traversé l'épreuve des « stress test » sans trop d'encombres,...On en oublierait presque le fardeau de la dette publique sur le Vieux Continent. Un peu trop vite d'ailleurs. La situation reste précaire en Espagne et en Irlande, pour ne citer qu'eux. La remontée du risque souverain inquiète. L'industrie bancaire est déjà contrainte de redoubler d'efforts d'épargne dans l'optique de Bâle III. Toute menace de provisionnement supplémentaire alourdit la note. La reprise boursière commence à montrer de sérieux signe d'essoufflement. A Paris, le CAC40, qui aligne cinq séances consécutives de baisse, se perd dans le rouge. Le répit n'aura été que de courte durée. L'histoire se répète...

Lundi 4: Tunnel sous l'Atlantique

Jacques Gounon est un homme comblé. Le patron d'Eurotunnel n'aura pas mouillé sa chemise pour rien. Voilà déjà trois ans, qu'après de longs mois d'âpres négociations avec ses créanciers, l'exploitant du tunnel sous la manche est sorti de l'ornière. Des milliers d'actionnaires sont restés sur les rails, mais l'issue aurait pu être bien plus dramatique. Délesté d'une grande partie de sa dette, le groupe peut enfin récolter les fruits juteux (25 à 30% de marge opérationnelle) de son exploitation. D'autant que le trafic se porte plutôt bien, notamment du côté des navettes embarquant les passagers avec leur voiture. Cerise sur le gâteau, les bureaux de recherche des prestigieux établissements bancaires veulent prendre le wagon en marche. Goldman Sachs, en personne, recommande chaudement le titre à l'achat en visant 8 euros par titre. L'action, qui vaut moins de 6,5 euros, ne tarde pas à bénéficier de tels égards et grimpe de 3%. Le conseiller n'est pas n'importe qui ! Il s'agit du principal actionnaire d'Eurotunnel avec 17% du tour de table. Rien que ça. L'establishment financier de Wall Street n'est plus à un conflit d'intérêt près. Surtout lorsqu'il s'agit de préserver les siens.

Mardi 5 : L'addition

«Alors des prises de positions astronomiques sur les indices européens, PLUS, les fraudes massives qui vont avec, PLUS, bien entendu, les presque 5 milliards d'euros de pertes encaissées par votre société en débouclant vos positions, cela nous fait un total de ... [le juge tapote sur sa calculette] ... Cinq ans de prison, dont trois fermes, et 4,9 milliards d'euros de dommages et intérêts ... Chèque, carte ou liquide ? » Jérôme Kerviel prend la facture, la décortique attentivement tout en se décomposant. « 4,9 milliards d'euros, c'est quand même une somme dites donc ! Mais où vais-je trouver tout cet argent ? » interroge-t-il le juge. Pas de réponse. L'ex-trader n'a rien perdu de sa vivacité. De tête, il calcule qu'à son salaire actuel, il va lui falloir 177 536 annuités pour rembourser tout cela. Sans régime de retraite bien sûr ... Sûr qu'il ne prendra pas part aux prochaines manifestations contre l'allongement de la durée de cotisation ... Du reste, il a d'autres choix. Faire un emprunt chez Cetelem mais il n'est pas sûr que son profil passe ... A moins d'être un Highlander et de repousser de façon extraordinaire l'espérance de vie sur terre, il ne lui reste, en définitive, plus qu'un choix : retrouver le chemin des salles de marché, reprendre des positions astronomiques et décrocher le pactole pour rembourser son ancien employeur. Ça c'est une idée !

Mercredi 6 : French Touch
 

Ils sont forts ces frenchies ! Ils ont beau être complexés sur pas mal de choses, en matière de réduction de déficit, ceux sont les meilleurs ! Printemps dernier, en pleine tourmente sur la dette « made in zone euro », tout le monde affiche des objectifs de réduction ambitieux : 80 milliards pour l'Allemagne, 50 milliards pour la Grande-Bretagne. Et la France ? Rien ... Jusqu'en juin où la grande muette de « l'austérité budgétaire » sort de son mutisme en versant dans la surenchère de chiffres avec neuf zéro derrière ... Ce sera 100 milliards. Abolition de la Garden Party et des chasses présidentielles (tradition bien française de la dissolution), économie de 40 millions d'euros sur le grand train du Sénat, ministres mis au pain sec et à l'eau en matière de retraite, de surcroît, contraints au train Corail et à l'hôtel Ibis pour leurs déplacements en France intra-muros, niches fiscales au rabotage. Sans compter les 400 millions d'euros de cession immobilières annoncées ce jour même par Baroin ... bref des bouts de chandelles qui finissent par former une grosse bougie, et tout cela sans avoir jamais prononcé les mots défendus d' « austérité » et de « rigueur »... Belle performance récompensée aujourd'hui par le FMI qui vient d'entériner l'objectif d'un déficit ramené à 6 % du PIB en 2011. On ne pouvait faire mieux. C'est « exactement » l'objectif fixé par le gouvernement français, s'exclame Christine Lagarde en recevant son Nobel du meilleur budget européen. Ah ils sont forts ces frenchies !
 

Jeudi 7 : Planète VRP
 

De Paris, à Shangaï, en passant par New-York, l'époque des compromis est révolue. Tout le monde a intérêt à laisser filer sa monnaie. La Chine a lancé les hostilités en refusant de réévaluer à Volo son précieux yuan. Et cela malgré le maintien d'une pression constante de la part des grandes puissances occidentales. Personne ne veut lâcher le morceau. Pas même les donneurs de leçon d'hier, qui ont décidé, eux-aussi, de s'inviter au grand tournoi de la dévaluation compétitive. L'enjeu est crucial. La croissance économique est à sec. Surtout du côté des pays développés les plus matures. Chacun soutient l'expansion de ses fleurons nationaux à l'étranger. Le commerce international domine le monde. Jean-Claude Trichet prend le pli, lui aussi. Le patron de la BCE manifeste son insatisfaction face au renforcement du niveau trop élevé de l'euro. Le Vieux Continent a déjà fort à faire avec son endettement public, et n'a pas besoin d'un boulet supplémentaire. Les cambistes sont sensibles aux propos du grand chef européen des banquiers. Le dollar remonte. De son côté, l'once d'or se maintient à des niveaux historiquement élevés après s'être offert un pic de 1364,77 dollars l'once en fin de matinée. Preuve, s'il en est, que la guerre des monnaies ne constitue pas un remède à tous les maux.
 

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