Carnet de bord décalé : Le Ben Comedy Show

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait, un chiffre saillant.

Vendredi 17. Guinness Book

L'Irlande ? Depuis le temps, on en aurait presque oublié de replacer le pays sur une carte de la zone euro. Certes, elle avait fait parler d'elle au printemps dernier. Ce qui lui avait valu d'avoir son « I » dans les PIGS européens. Un « I » exhumé aujourd'hui des cendres chaudes et nauséabondes de la dette européenne. En prévision de l'émission de 1,5 milliard d'euros de dette souveraine qui se profile mardi, ça sent à nouveau le roussi là-bas. Passera ? Passera pas ? Dans le dernier cas, ils vont regretter d'avoir été fiers comme des irlandais. Octobre 2008, en pleine crise financière, le gouvernement annonce une tournée générale ! Sans prévenir personne, le pays s'engage à couvrir les garanties bancaires sur tous les dépôts des établissements frappés du trèfle à quatre feuilles. Résultat, aujourd'hui, on transpire à grosses gouttes du côté de Dublin. Une banque (comme par hasard !) - Barclay's pour ne pas la nommer - évoque une possible aide financière du FMI, idée relayée sans état d'âme par le presse. Ça sent le remake d'un film grec à plein nez ! Il faut dire qu'en prenant en compte le renflouement des banques, l'Irlande pourrait prétendre à rentrer au Guinness Book des records européens avec un déficit représentant 25 % du PIB. Bref de quoi rendre fébrile l'euro et les marchés. C'est halloween avant l'heure. C'est vrai qu'il n'y a plus de saison !

Lundi 20. Aigre-doux

Les agences de voyages font le plein. Tout le monde se bouscule au guichet pour obtenir la meilleure place dans l'avion de la croissance émergente. Brésil, Chine, Inde, Malaisie, Turquie, Chili...Qu'importe la destination, pourvu qu'elle soit exotique et juteuse. Industriels et investisseurs y croient. Du moins tant que le dynamisme économique le permettra. Contrairement au Vieux Continent et aux terres de l'Oncle Sam, consommation et emploi sont au rendez-vous. Le Nord se fait de plus en plus petit face au Sud. Notamment du côté des bourses asiatiques et sud-américaines. Les traders n'ont d'yeux que pour elles. Le papier s'arrache par bottins entiers. Les livres d'ordres explosent. Selon une étude de Citigroup, les levées de fonds en actions pour la zone Asie, hors-Japon, devraient atteindre la somme astronomique de 291 milliards de dollars cette année. C'est 60 milliards de plus qu'en 2009. La carte postale serait parfaite si elle n'était pas devenue aussi chère. Alain Bokobza, éminent stratégiste de la Société Générale s'en inquiète. Les BRICs se paient, en Bourse, 2 fois leur valeur d'actifs. C'est trop. Surtout avec un taux d'inflation dépassant dans certains cas les 10%. Heureusement, nos fleurons industriels ont soif de conquête. Offrant indirectement un nouveau biais d'investissement vers des contrées plus prolifiques.

Mardi 21. Speed debting

Rendez-vous était donc pris dans l'ambiance feutrée et sélecte du lounge obligataire. La Grèce, l'Espagne et surtout l'Irlande allaient une fois de plus tenter de trouver des prétendants pour caser leur dette. Confiantes, l'Espagne mais surtout la Grèce - avec ses taux longs à 11,56 % sans risque de défaut - connaissent leur pouvoir de séduction auprès des investisseurs. L'Irlande n'en mène pas large et appréhende ce nouveau speed dating avec les investisseurs. Elle s'assoie à la table. Attention ... Top, c'est parti ! « Bonjour, je suis l'Irlande. Au moment où je vous parle j'offre 6,48 % sur 10 ans, c'est pas mal par les temps qui courent. C'est vrai que ma dette me boudine comme une chipolata, que le sauvetage de mes banques m'a flanqué une culotte de cheval. Mais, avant tout le monde, j'ai engagé un régime d'austérité et suis en passe de ramener mon tour de déficit à 11,5 % du PIB cette année. Et s'il y a bien un argument qui devrait vous convaincre c'est que, même si je l'ai joué perso à l'automne 2008, je fais encore partie de la zone euro, ce qui est une assurance contre un défaut de paiement. Et cela n'a pas de prix ! ». Si, en l'occurrence cela a un prix : 4,76 % et 6,02 %, soit environ 1 % de plus que les précédentes « speed debting » de juin. L'honneur est sauf, l'Irlande a trouvé acheteur à sa dette pour 1,5 milliard. Réconfort : les prétendants étaient nombreux puisque la demande a dépassé les 5,5 milliards.

Mercredi 22. Ben Comedy Show

Levée de rideau. D'un pas assuré, Ben entre en scène devant une foule captivée. Avec la ferme intention de prouver que l'on peut être à la fois patron de la Fed et drôle. Et des blagues, il en a en plein en stock. Toujours plus surprenantes, les unes que les autres. Cette fois, il a décidé de frapper fort. Tant pis si ça casse. L'air confiant, il s'empare du micro et, l'index levé, s'adresse au public : « le meilleur moyen pour empêcher les prix de baisser, c'est de se préparer à les augmenter ». Dans les faits, Môssieur Banque Centrale Américaine se dit prêt à mettre la main à la poche en acquérant des titres hypothécaires et des emprunts d'Etat pour soutenir l'activité économique et de faire remonter l'inflation. Là, bide général. Un silence pesant envahit la salle. Ben vit un grand moment de solitude. Il voulait faire du second degré et c'est raté. Tout le monde le prend aux mots. La communauté financière voit dans sa boutade une provocation déflationniste. C'en est trop ! Enragé, l'auditoire le fustige en lui jetant des dollars en guise de tomates. Les demandes de remboursements en lingots d'or sonnants et trébuchants s'amoncèlent. La prochaine fois, c'est promis, il jouera plus sur l'effet comique.

Jeudi 23. Chinoiseries monétaires

Des mois, des années que cela dure. Et l'on se demande pourquoi Wen Jiabao, s'est fendu de 15h de vol non régulier pour venir s'empoigner avec Obama sur le yuan. Car la discussion devrait être aussi stérile que la dernière intervention des autorités chinoises pour réévaluer leur monnaie. Un vrai dialogue de sourd entre Barack qui aimerait bien que le yuan s'apprécie à sa juste valeur et le premier ministre chinois qui n'entend pas bouger d'un iota. Forcément ! Qui voudrait se tirer une balle dans le pied en fragilisant ses exportations et mettre en bière des millions de travailleurs. Non. Quitte à être le plus gros exportateur mondial autant faire les choses jusqu'au bout en exportant aussi le chômage chez les autres grâce à une monnaie sous-évaluée de 20 à 40 %. Ils sont forts ces chinois ! Sauf qu'Obama est remonté comme une horloge à la veille des élections. En marge de l'Assemblée Générale de l'ONU, le ton monte entre les malentendants. Barack menace : «Attention Wen ! Je joue ma peau de mi-mandat alors si tu continues de faire le bouddha stoïque avec ta monnaie, je sors mon projet de loi pour mettre des droits de douanes supplémentaires sur ta marchandise « made in china ». Wen ? ». Wen est déjà parti. L'inconvénient avec les dialogues de sourd c'est que cela peut durer encore longtemps.

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