Carnet de bord décalé : Passe, impair et manque

Un regard oblique sur l'actualité économique et financière de la semaine. Chaque jour, un fait ou un chiffre saillant.

Vendredi 24. Apple Transgénisée

"One apple a day, keep the doctor away". C'est le conseil qu'aurait pu dispenser le docteur Jobs. Des pommes. Aujourd'hui, tout le monde en consomme. Au moins cinq fois par jour. Téléphones, ordinateurs, tablettes, balladeurs, applications ... Tous ce qui est frappé du sigle de la pomme déjà croquée. On ne peut pas dire que ce soit bon pour la santé mais en tout cas cela est bon pour le docteur Jobs. Et sa petite manufacture de fruits. Apple : une pomme transgénisée qui pèse 292 milliards de dollars et vient de détrôner à la dernière clôture des marchés Petrochina de sa place de deuxième plus grosse capitalisation boursière mondiale. UNE POMME ! Pas un hasard si Newton a découvert les subtilités de la gravité grâce à elle. Cette même pomme nous renseigne aujourd'hui sur la nouvelle force d'attraction du monde économique. Celle d'un homme connecté en permanence. A tout. Aux autres. Un vrai don d'ubiquité. Et pour tout cela, dans un réflexe pavlovien, on pense Apple. On pense IPhone, IPad, IPod, ITunes ... L'IReflexe ; voilà ce qu'en définitive le docteur Jobs a créé et permet à son verger de peser bientôt presque autant qu'Exxon. Et tout cela sans jamais avoir donné un pépin de dividende à des actionnaires conditionnés à n'être rémunérés que par un cours de bourse qui défie précisément les lois de la gravité en ayant été multiplié par près de six en 10 ans. Chapeau docteur Jobs !

Lundi 27. Big Band

Jean-Marie Sander aux claviers, Frédéric Oudéa à la basse, Baudouin Prot aux percussions ... La formation est au complet. Cela fait déjà plusieurs mois que les patrons du trio de tête des plus grandes banques françaises cotées se préparent à jouer la nouvelle partition de Bâle III dans la perspective du grand concert de 2019. Comme si cela ne suffisait pas, voilà que sous les traits du conseil de stabilité financière, leur chef d'orchestre décide de concocter une difficulté supplémentaire. Too Big Band to fail ! Pas question pour les régulateurs et les banquiers centraux de s'exposer à un risque de dissonance majeure. Depuis la faillite de Lehman Brothers, la phobie de la faillite systémique domine. Qu'à cela ne tienne ! Il suffit que les plus grands accordent leurs violons et donnent l'exemple. Les hautes instances de la vertu financière veulent que les poids lourds de la place fassent montre d'une plus grande capacité à absorber leurs futures pertes. Sur le fond, rien de plus précis. Dans les caisses, un trou de plus, source de recapitalisations supplémentaires. Ça fait cher la place au Stade de France ...

 

Mardi 28. Bibendum et Pimprenelle

"Bonsoir les petits actionnaires, j'espère que votre semaine boursière a bien commencé. Aujourd'hui je vais vous raconter l'histoire extraordinaire de la croissance émergente. Il était une fois des pays qui tournaient à plus de 5 % de croissance. Et comme Bidendum commençait à rouler sur les jantes sur ses marchés traditionnels, il voulut aller voir si on achetait plus de pneus ailleurs. Alors il prit son baluchon et se mit en route. Mais il compris très vite qu'il n'avait pas un sou pour faire le trajet et s'installer là-bas. Alors il fit appel aux généreux actionnaires pour qu'ils lui donnent de l'argent. C'est pourquoi, avant de rejoindre le marchand de sable, souscrivez à l'augmentation de capital de Michelin pour 1,2 petit milliard d'euros. Bonne nuit les petits actionnaires". Ah ! C'est beau les histoires. Michelin tombe à pic avec sa berceuse. Le problème, ce n'est pas tant qu'il est trop tard, c'est que la croissance émergente, il aurait peut-être fallu y penser avant ... Avant la crise lorsque tout le monde ne jurait que par la théorie du découplage. Alors forcément là, ça passe mal ... le titre chute de plus de 10 %. Et dire qu'il faisait jusqu'ici parti des plus fortes hausses du CAC !

Mercredi : Passe, impair et manque

Sébastien Bazin aime jouer. Les coups de poker, il connaît. Même, Tom Barrack, le truculent grand patron mondial de Colony Capital a été bluffé par le flair immobilier de son poulain au début des années 90. Chez Accor, seules les chambres avec vue sur les actifs l'intéressent. Après la scission d'Edenred, il est grand temps de se débarrasser de cette encombrante participation de 49% dans Lucien Barrière. Deauville et ses planches, l'Hôtel Normandy et son emblématique casino...Ca ne pourra que les faire rêver. Eux, ces investisseurs si vénaux. Les dés sont jetés. Malheureusement, le jeton ne passe pas. Les opérateurs attachent trop d'importance à ce qui brille pour miser un centime sur un secteur en déliquescence structurelle. Ils ont besoin de rêver avec de vraies histoires de croissance. Pas question de s'aventurer sur une table de jeux sans espoir de remporter le jackpot. Le propriétaire du Fouquet's a raté cette entrée en Bourse. A bon entendeur...

Jeudi 30. Moody's Story

" Ici la Voix ... Espagne, parce que tes finances publiques se sont fortement dégradées et que ton gouvernement va vraisemblablement avoir beaucoup de mal à réduire ton déficit vu le petit pourcent de croissance que tu as devant toi, la Voix a décidé de te retirer ton dernier triple " A" en dégradant la note de ta dette souveraine à "Aa1". Tu devras donc à présent faire avec pour te financer sur le marché obligataire et te tenir à carreau en matière d'austérité. C'est tout ... pour le moment". Le jeu de « finance réalité » ressemble de plus en plus à un lynchage en règle avec comme fossoyeur Moody's, l'agence qui n'a pas son pareil pour tirer, toujours avec un temps de retard sur ses copines, sur l'ambulance. L'Espagne, quant à elle, ressemble de plus en plus à un taureau dans l'arène de notation : langue pendante, souffle court, les banderilles dansant dans le garrot ensanglanté. Le coup de Moody's n'est pas celui de grâce. Le taureau l'avait vu venir. Il tient encore la forme malgré cette corrida qui n'en finit pas. La preuve, l'Ibex termine en hausse de 0,26 %, l'une des seules progressions parmi l'ensemble des indices européens. Et pour cause : l'intérêt dans ce jeu, c'est quand l'agonie se prolonge ...
 

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