Décarbonation de l’industrie : restructurée, la greentech tricolore Metron vise la rentabilité dès 2025

Contrainte de réduire et de réorganiser ses effectifs, après la fermeture de sa filiale en Russie et un coup d’arrêt dans son développement en raison de la flambée des prix de l’énergie, la startup table désormais sur une croissance moins forte mais plus soutenable. Elle vise la rentabilité d’ici à 2025. Une nouvelle levée de fonds en cours de 20 millions d'euros doit la porter jusqu’à cette échéance.
Juliette Raynal
200 sites industriels dans le monde sont équipés de la solution digitale de Metron, dont le site de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) d'ArcelorMittal.
200 sites industriels dans le monde sont équipés de la solution digitale de Metron, dont le site de Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône) d'ArcelorMittal. (Crédits : Jean-Paul Pelissier)

Pour la start-up Metron, spécialisée dans l'efficacité énergétique des sites industriels et leur décarbonation grâce à l'intelligence artificielle, l'année 2024 devait être celle de son entrée en Bourse. C'était en tout cas ce sur quoi tablait, en 2021, son dirigeant et cofondateur Vincent Sciandra, qui se targuait alors de revenus en hausse de 70%. Porté par cette hyper croissance, l'entrepreneur espérait atteindre, en l'espace de trois ans seulement, une taille critique de plus de 100 millions d'euros de chiffre d'affaires avec près d'un millier de salariés. C'était sans compter la crise de l'énergie et l'invasion russe de l'Ukraine. Deux événements imprévisibles, qui ont balayé d'un revers de main les grandes ambitions de l'entreprise fondée en 2013.

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Non seulement l'IPO n'est plus à l'agenda de 2024, mais la greentech a dû également réduire ses effectifs après une année de stagnation en 2022. Metron emploie désormais 110 collaborateurs, contre 150 au plus haut de sa croissance. Une phase de restructuration « nécessaire », selon Vincent Sciandra.

« Nous nous étions staffés avec la perspective d'un très fort développement à l'international. Le fait d'avoir eu une croissance nulle en 2022 a sclérosé l'organisation », explique-t-il.

L'échec russe et la barrière de l'investissement

Pourquoi Metron a-t-elle tant trébuché, alors que sa solution technologique offre justement la possibilité aux industriels de réduire leur consommation énergétique, et donc d'alléger sensiblement leur facture, en optimisant leurs procédés grâce à l'analyse des données ? Si cette approche n'a pas fonctionné en pleine crise, c'est notamment parce que les prospects de Metron, pris à la gorge par la flambée soudaine des prix de l'énergie, se sont retrouvés dans l'impossibilité de mobiliser de la trésorerie pour investir dans sa solution d'analyse de données, dont le coût oscille entre quelques dizaines et centaines de milliers d'euros par an.

Ce n'est pas tout. Metron avait aussi beaucoup parié sur la Russie et y avait même ouvert une filiale. « L'objectif était de faire grandir l'équipe, car nous étions dans une phase de développement commercial très forte. Nous avions des contrats avec des entreprises françaises installées là-bas. La Russie faisait partie de nos prévisions de croissance. Désormais, nous n'y avons plus aucune présence. Cela a été un vrai coup dur pour Metron. Il a fallu se réinventer », raconte aujourd'hui son dirigeant.

Le programme « Decarb Fast Track » pour se relancer

Pour relancer son activité, l'entreprise a donné le coup d'envoi, fin 2022, du programme « Decarb Fast Track », en partenariat avec Dalkia, une filiale d'EDF spécialisée dans l'efficacité énergétique, BNP Paribas et AWS, le service cloud d'Amazon. Objectif : accompagner une centaine de sites industriels sur deux ans, pour réduire leur consommation énergétique de 10% ainsi que leurs émissions de gaz à effet de serre. Le programme a été financé à 95% par les quatre partenaires, chacun ayant mis un million d'euros sur la table. De quoi faire tomber les barrières à l'achat pour les industriels, qui ont pu bénéficier de tarifs très attractifs.

Aujourd'hui, le programme compte 62 usines de 45 groupes différents. Y figure notamment le site de Fos-sur-Mer d'ArcelorMittal, l'un des sites industriels les plus émetteurs de CO2 de France, ou encore le site de Carpentras (Vaucluse) du géant américain de l'agroalimentaire McCormick (marques Ducros et Vahiné). La greentech table désormais sur un effet de levier, en espérant que les industriels embarqués dans le programme choisiront également sa solution pour équiper le reste de leurs sites et bâtiments tertiaires.

La rentabilité visée en 2025

Aujourd'hui, le dirigeant juge que la réorganisation a porté ses fruits. « Nous avons redressé tous nos indicateurs de rentabilité et de croissance », assure Vincent Sciandra, qui évoque une croissance de 40% en 2023 et des prévisions sensiblement similaires pour les années à venir, avec l'Asie comme grand moteur de croissance. « Nous visons une croissance plus faible que par le passé, mais plus rentable », précise-t-il. Le fameux « break even », est prévu d'ici à 2025. En attendant cette échéance cruciale, la greentech entend boucler une levée de fonds de 20 millions d'euros et assure avoir le soutien de ses nombreux actionnaires historiques. Une entrée en Bourse à plus long terme reste également à l'étude. Se pose notamment la question du marché sur lequel celle-ci pourrait s'effectuer, Metron ayant un actionnariat très internationalisé.

Metron revendique aujourd'hui 25.000 sites et bâtiments tertiaires équipés de sa solution dans le monde, dont 200 sites industriels. « Notre objectif est de dépasser le millier de sites industriels d'ici deux ans », avance Vincent Sciandra. Pour y parvenir, la jeune pousse n'exclut pas de futures acquisitions, après avoir déjà mis la main sur l'entreprise belge Dapesco en 2021. Le défi restera de taille alors que la greentech évolue sur le même marché que des mastodontes comme Siemens et Schneider Electrics, dont le bénéfice a dépassé les 4 milliards d'euros en 2023.

Juliette Raynal

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