L'objectif fixé par les Vingt-Sept - atteindre collectivement 111 gigawatts (GW) d'éolien offshore d'ici 2030 - sera-t-il atteint ? Oui, à condition d'accélérer la cadence, a prévenu la Commission européenne, mardi 24 octobre. En 2022, les États membres ont ajouté 1,2 GW de capacités, totalisant 16,3 GW d'éolien en mer. Ce qui signifie qu'ils devraient en installer presque 10 fois plus chaque année (12 GW par an) pour entrer dans les clous de leurs ambitions.
Ce n'est d'ailleurs pas leur seul objectif à cet horizon. Pour atteindre, comme souhaité, 42,5% de renouvelables dans la consommation énergétique européenne, la capacité éolienne totale installée sur mer et sur terre doit passer de 204 GW l'an dernier à plus de 500 GW en 2030. Soit une augmentation de 37 GW par an, contre seulement 16 GW supplémentaires en 2022.
Nouvelle boîte à outils
Pour y parvenir, la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, avait promis mi-septembre « un train de mesures » de soutien. Un « plan d'action » a ainsi été présenté mardi. Il ne comprend aucune nouvelle proposition législative, mais une boîte à outils que les autorités de l'UE et les États membres peuvent mobiliser pour alléger des procédures administratives « complexes », réduire les prix de production et accroître la compétitivité des industriels.
La Commission veut notamment accélérer encore les procédures d'autorisation. Elles ont déjà été récemment facilitées par la législation adoptée sur les renouvelables, grâce à une initiative de Bruxelles. Celle-ci permet aux États de traiter les demandes directement en ligne. Charge aux États d'améliorer de leur côté « la prévisibilité » des projets envisagés, avec « des calendriers d'enchères transparents » aux critères mieux définis et disponibles sur une plateforme numérique européenne, et une planification à long terme.
Côté financements, la Commission facilitera l'accès au Fonds européen pour l'innovation. De son côté, la Banque européenne d'investissement (BEI) apportera des garanties pour couvrir les banques privées accordant des prêts aux industriels. Bruxelles « encourage les États à utiliser pleinement » les flexibilités actuellement prévues sur les aides publiques.
Enfin, l'exécutif européen assure « suivre de près les éventuelles pratiques commerciales déloyales qui profitent aux producteurs d'éoliennes de pays tiers », sans pour autant pointer explicitement la Chine. Les actions proposées « aideront les chaînes d'approvisionnement en Europe à fournir les équipements nécessaires (...). Chacun doit jouer son rôle, et ces mesures doivent être appliquées au plus vite, sans attendre de nouvelle législation », a commenté Giles Dickson, patron de la fédération du secteur, WindEurope.
Tempête sur le secteur européen
Des outils plus que nécessaires étant donné la tempête que traverse le secteur de l'éolien. D'abord à cause de l'envolée des taux d'intérêt : dans l'éolien terrestre, le coût de l'emprunt représente aujourd'hui « 8-10 euros/MWh sur un prix de 60-65 euros ! », soulignait fin septembre Michel Gioria, de France Renouvelables. Ces infrastructures supposent des investissements de départ importants, financés par emprunts, rappelait-il. S'ajoute à cela l'inflation sur les matières premières : acier, aluminium, matériaux composites... Des tensions apparaissent aussi dans l'approvisionnement. Le prix moyen d'une éolienne terrestre est ainsi passé de 2,4 millions d'euros en janvier 2021 à 3,2 millions, selon France Renouvelables.
Si bien que, dans l'offshore, plusieurs projets, remportés avant l'envolée des coûts, ont été suspendus. Comme le Trollvind du Norvégien Equinor ou le Suédois Vattenfall et son Norfolk Boreas (1,4 GW) en mer du Nord britannique. Les déconvenues du Danois Orsted dans ses projets américains lui valaient par ailleurs dépréciations et dégringolade boursière. Coup de semonce, début septembre : un appel d'offres britannique dans l'offshore n'a trouvé aucun candidat, Londres n'offrant pas de prix jugé suffisamment rentable.
Le secteur demande de longue date un soutien à l'investissement, aussi pour les réseaux, les infrastructures portuaires et un volet contre « la concurrence déloyale ». Il réclame que le facteur prix, qui représente 70% de la notation dans le marin, et plus encore dans le terrestre, fasse de la place à d'autres critères (RSE, contenu local...). Sans oublier l'accélération des autorisations, toujours un frein majeur avec, selon la filière, quelque 80 GW de projets bloqués prêts à être déployés sur le continent.
(Avec AFP)
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