La France championne d'Europe de l’importation de gaz naturel liquéfié, y compris russe

Le gaz russe est-il devenu indésirable depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine ? Pas totalement : alors même que la France ne compte plus sur les acheminements par pipelines, ses importations de gaz naturel liquéfié transporté par navire depuis la Russie ont augmenté de 41% entre janvier et septembre 2023 par rapport à la même période en 2021, révèle le groupe de réflexion IEEFA ce mardi 31 octobre. Tous fournisseurs confondus, l'Hexagone est d'ailleurs le plus grand importateur de GNL en Europe, pointe le think tank. Pourtant, en parallèle de cette course effrénée, la demande continue elle de baisser.
Marine Godelier
Au total, le coût des importations de GNL vers la France a atteint un record absolu en  2022, avec un total d'environ 32 milliards d'euros, selon Eurostat (16 milliards aux Etats-Unis, 5,4 milliards à la Russie, 3,2 milliards au Qatar, 2,4 milliards à l'Algérie, 1,4 milliard à l'Angola et 1,2 milliard à la Norvège).
Au total, le coût des importations de GNL vers la France a atteint un record absolu en 2022, avec un total d'environ 32 milliards d'euros, selon Eurostat (16 milliards aux Etats-Unis, 5,4 milliards à la Russie, 3,2 milliards au Qatar, 2,4 milliards à l'Algérie, 1,4 milliard à l'Angola et 1,2 milliard à la Norvège). (Crédits : Reuters)

C'est un paradoxe troublant : alors que la France s'est progressivement détachée du gaz russe transporté par pipeline, devenu indésirable depuis le début de la guerre en Ukraine, celle-ci a, dans le même temps, augmenté ses importations de gaz naturel liquéfié (GNL) acheminé par navire... y compris depuis la Russie.

En effet, ces dernières ont bondi à +41% entre janvier et septembre 2023 par rapport à la même période en 2021, pointe le groupe de réflexion IEEFA (Institute for Energy Economics and Financial Analysis) dans un rapport publié mardi 31 octobre. Au point que, sur cette période, le pays dirigé par Vladimir Poutine a été le deuxième plus gros fournisseur de GNL de l'Hexagone, derrière les Etats-Unis.

5,4 milliards d'euros de GNL achetés à la Russie en 2022

Refroidi à -161°C puis transporté par la mer, cet hydrocarbure provient ainsi principalement de l'usine de Yamal, un immense complexe de liquéfaction du gaz situé en plein cercle arctique russe. Celui-ci transite ensuite par d'immenses bateaux brise-glace vers le terminal GNL de Montoir-de-Bretagne (Loire-Atlantique). Plus précisément, ce sont ainsi 1,68 milliard de mètres cubes (mmc) de GNL russe qui sont arrivés sur les côtes françaises en 2022 et 0,89 mmc entre janvier et juillet 2023, selon l'IEEFA. Si bien que l'année dernière, les transbordements de Yamal à Montoir-de-Bretagne ont augmenté de 150% par rapport aux valeurs de 2021, et que 2023 devrait suivre cette tendance, relève le think tank.

Dans le détail, Montoir-de-Bretagne est l'un des trois terminaux méthaniers exploités par Elengy, une filiale de l'énergéticien français Engie. Situé sur la côte atlantique, il reste l'un des plus grands terminaux d'Europe, avec 10 milliards de mètres cube de capacité d'importation (sur un total de 34,5 en France). Pour rappel, le 2 juin 2015, Engie et Novatek ont conclu un accord de vente et d'achat de GNL provenant du projet Yamal, prévoyant qu'Engie recevrait 1 million de tonnes de GNL par an pendant 23 ans à compter de 2018, soit 14 cargaisons par an. Le contrat a été repris par TotalEnergies en 2018, rappelle l'IEEFA.

Au total, le coût des importations de GNL vers la France a atteint un record absolu en  2022, avec un total d'environ 32 milliards d'euros, selon Eurostat (16 milliards aux Etats-Unis, 5,4 milliards à la Russie, 3,2 milliards au Qatar, 2,4 milliards à l'Algérie, 1,4 milliard à l'Angola et 1,2 milliard à la Norvège). L'Hexagone est d'ailleurs le plus grand importateur de GNL du Vieux continent, tous fournisseurs confondus, pointe l'IEEFA.

Course aux nouvelles infrastructures

Par ailleurs, pour acheminer le fameux combustible des quatre coins du monde, la France continue d'ajouter de nouvelles capacités d'importation de GNL, afin de le réceptionner sur ses côtes. En témoigne la mise en service du terminal méthanier flottant de TotalEnergies le 26 octobre dernier au port du Havre (Seine-Maritime). Baptisé Cape-Ann, ce bateau-usine réceptionnera le GNL apporté par d'autres navires, avant de le réchauffer pour l'injecter dans le réseau de transport de gaz terrestre.

Une fois opérationnel, il ajoutera 5 milliards de mètres cube de capacité d'importation à la France. Auxquels se grefferont d'ailleurs 2 milliards de mètres cube supplémentaires d'ici à 2030 du fait de l'extension d'un des terminaux méthaniers exploités par Elengy, Fos Cavaous à Fos-sur-Mer (Bouches-du-Rhône)... dont la capacité a déjà augmenté de 5 mmc depuis début 2022.

Le mouvement est tel que, désormais, les flux de GNL français dépassent les importations par pipeline, malgré l'impact carbone plus important de ce dernier lié à la liquéfaction, le transport, et la regazéification de ce combustible. En effet, alors que 266 térawattheures (TWh) de gaz ont été acheminés par tuyaux en 2022 (contre 526 TWh en 2014), ce chiffre s'élevait à 369 TWh pour le GNL, selon l'IEEFA.

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Un risque d'actifs échoués ?

Et pourtant, cette course tous azimuts se déroule en parallèle d'une réduction des prévisions de demandes en gaz, assure l'IEEFA. En effet, dans l'Hexagone, la consommation de gaz a chuté à son niveau le plus bas depuis dix ans en août 2023, selon les données d'Eurostat, après une baisse de 9% en 2022. En cause : une météo plus clémente que d'habitude, ainsi qu'une inflexion des usages liées à la hausse des prix de l'énergie, mais également à l'effet sobriété, d'ailleurs largement vanté par les pouvoirs publics.

La tendance s'avère d'ailleurs bien ancrée, en-dehors de l'impact de la crise : après avoir culminé à 49,6 milliards de mètres cube en 2010, la consommation annuelle française de gaz naturel oscille entre 37 et 43 mmc au cours des dix dernières années, note le groupe de réflexion. Résultat : le taux d'utilisation des terminaux méthaniers français a été inférieur en 2023 par rapport à l'année dernière.

Le phénomène dépasse d'ailleurs les frontières de la France, si bien que, pour l'IEEFA, les 143 milliards de mètres cubes de nouvelles capacités d'importation de GNL en cours de planification en Europe jusqu'en 2030 semblent « excessives ». Et pour cause, ces projets porteraient la capacité à 406 mmc, soit près de trois fois la demande de GNL prévue par le think tank pour cette année-là (150 mmc). D'ailleurs, l'Agence internationale de l'énergie elle-même a revu à la baisse ses prévisions de demande européenne pour 2023, avec une réduction de 7% attendue sur l'année.

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Marine Godelier

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Commentaires 7
à écrit le 02/11/2023 à 4:10
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Avec des alliés pareils, Zelensky n'a plus besoin d'ennemis...

à écrit le 31/10/2023 à 14:15
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La honte, quand on pense au triste ministre incompétent des finances bruno qui avait dit "nous allons couler l'économie Russe", alors que c'est nous qui allons rentrer en récession économique comme l'ensemble de zone Euro et on fini par acheter du ga...

à écrit le 31/10/2023 à 10:59
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L'Algérie est depuis longtemps l'un des principaux fournisseurs de gaz de la France. Et maintenant, il est possible que tout ne se déroule pas comme le meilleur scénario pour la France : je parle de la possible coordination des politiques d'exportati...

à écrit le 31/10/2023 à 9:00
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GNL transporté par bateau? Sans doute pour diminuer les rejets de CO2!!! :) :) :)

à écrit le 31/10/2023 à 8:59
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Sacré Bruno, va!!!

à écrit le 31/10/2023 à 8:58
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Sacré Bruno, va!!!

à écrit le 31/10/2023 à 8:56
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Il ne nous suffit plus d'être champion du déficit budgétaire et de la dette, grâce à l'insuffisance de nos "élites", nous sommes les bonnets d'âne de la consommation de GNL.

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