[Article mis à jour le 24/11/2023 à 16h01]
Le sujet avait suscité de vives polémiques. Dans un projet de décret consulté le 12 octobre par La Tribune, le gouvernement envisageait d'expérimenter une réduction de la puissance électrique chez 200.000 clients résidentiels équipés d'un compteur Linky, sans recours, ni indemnisation possible. Les ménages en question auraient dû se contenter d'un « seuil de puissance minimal permettant de faire fonctionner les équipements courants peu énergivores » pendant une durée maximale de 4 heures, sur une période courant jusqu'au 31 mars 2024. Par ailleurs, le test pouvait avoir lieu un jour ouvré « entre 6h30 et 13h30 et entre 17h30 et 20h30 ». Le but : alléger la pression sur le réseau, et ainsi pouvoir répéter l'opération en cas de manque d'électricité.
« On nous avait présenté ce texte en Conseil supérieur de l'énergie [une instance de consultation pour tous les textes sur l'énergie, ndlr] en septembre, mais, à la suite de longs débats, il n'avait pas été voté », précisait en octobre l'Union française de l'électricité (UFE), présente lors des rendez-vous.
Or, dans un nouveau projet de décret obtenu ce vendredi par La Tribune, qui devra être voté en Conseil supérieur de l'Energie le jeudi 30 novembre, l'exécutif assouplit les conditions de l'expérimentation. Après avoir consulté des associations de consommateurs, de syndicats et de représentants de fournisseurs, celui-ci propose en effet une version moins contraignante pour les consommateurs concernés.
Une personne sélectionnée pourra refuser de participer
En premier lieu, la durée de limitation provisoire ne pourra finalement pas excéder deux heures pour un même usager, contre quatre heures dans la version initiale. Ensuite, a été introduite une option d'« opt-out », c'est-à-dire la possibilité pour certains clients sélectionnés de se retirer de l'expérimentation s'ils le souhaitent. Ce qui permettra notamment aux personnes les plus fragiles (pour lesquelles une information spécifique pourra être mise en place en s'appuyant sur les associations et relais locaux) de se soustraire du fameux test.
« Ce refus [devra être] adressé au gestionnaire du réseau de distribution [Enedis, ndlr] au moyen d'un formulaire établi par ce dernier, pouvant être un formulaire en ligne, au moins huit jours avant la date à laquelle l'expérimentation sera le cas échéant mise en œuvre », précise le document.
Enfin, une disposition prévoyant une « prime » d'un montant de dix euros pour les clients participant à l'expérimentation a été ajoutée. Ce versement sera effectué par Enedis « par l'intermédiaire des fournisseurs », dans un délai de « trois mois à compter de la date de mise en œuvre de l'expérimentation ».
Par ailleurs - et cette fois, ce n'est pas nouveau -, Enedis, devrait « informer les clients résidentiels identifiés comme patients à haut risque vital » de l'expérimentation et ne pas appliquer la limitation de soutirage à leurs points de livraison, précise le projet de décret.
« La DGEC [direction générale de l'énergie et du climat, ndlr] a échangé avec plusieurs associations de santé et de représentants des personnes malades pour évaluer si l'exclusion initialement prévue des patients à haut risque vital était suffisante ou pas », explique Mathias Lafont, directeur Usages et territoire à l'UFE.
Enedis préviendrait en amont tous les clients susceptibles d'être concernés dans une zone géographique donnée, lesquels pourraient donc faire partie, in fine, des 200.000 personnes sélectionnées. Lors du fameux test, ces derniers pourraient maintenir branchés leurs « équipements clés » (réfrigérateur, congélateur, recharge d'un téléphone), mais verraient leur consommation limitée, ce qui exclurait l'utilisation d'appareils trop énergivores comme le chauffage.
Un mécanisme activé en « dernier recours »
Ainsi, l'objectif sera toujours de « déterminer s'il est possible techniquement de mettre en œuvre une nouvelle mesure hors marché [...] si la disponibilité des moyens de production d'électricité est moindre », peut-on lire dans le document. Et ce, pour « réduire ou éviter le recours au délestage », c'est-à-dire l'organisation de coupures d'électricité localisées et réparties sur le territoire.
« L'idée, c'est que certains clients soient forcés de consommer un peu moins, plutôt que de devoir éteindre complètement la lumière à un endroit », précisait en octobre une source proche du dossier.
« Si les résultats s'avéraient probants, cela pourrait constituer un nouvel outil qui ne serait, de même que les coupures programmées, activé que si tous les autres leviers étaient insuffisants pour éviter une coupure d'électricité généralisée (blackout) [...] On parle de cas de figure extrêmes, qui ne se sont jusqu'à présent jamais produits, y compris l'hiver dernier », souligne-t-on au ministère de la Transition énergétique, qui précise par ailleurs que le risque d'un éventuel écroulement ne concerne pas spécifiquement cet hiver.
« Au plus fort de la crise, on reprochait au gouvernement son manque de préparation; là, au moins, il s'organise », justifie l'UFE.
Même l'association professionnelle des fournisseurs alternatifs d'électricité et de gaz (Anode), initialement frileuse, se disait il y a quelques semaines désormais « plutôt d'accord sur le fond », tout en demandant des garanties « sur la forme ».
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