L'année 2023 ne se soldera pas de façon aussi florissante que l'année précédente pour les finances de l'Arabie saoudite. Les autorités tablent en effet sur un déficit de 82 milliards de riyals saoudiens (environ 21,8 milliards de dollars) pour cette année, soit 2% du produit intérieur brut (PIB). Ce sera un peu mieux en 2024 mais toujours en déficit, de 79 milliards de riyals saoudiens (environ 21 milliards de dollars), soit 1,9% du PIB. Ces prévisions s'alignent sur les projections publiées en octobre selon lesquelles les déficits dureraient jusqu'en 2026.
Une situation qui tranche avec 2022, où le royaume du Golfe avait dégagé son premier excédent budgétaire en près de dix ans : 102 milliards de riyals saoudiens (environ 27 milliards de dollars). Il avait alors grandement profité de la flambée des prix du brut dans le sillage de l'invasion russe de l'Ukraine.
Mais le gouvernement saoudien s'affiche tout de même serein. « Les forces et la résilience de l'économie du royaume lui permettent de tourner à son avantage les risques et les défis économiques », a affirmé le ministère des Finances dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux ce mercredi 6 décembre, après l'approbation du budget de l'État par le roi Salmane.
Du côté de la croissance du PIB, elle devrait atteindre 4,4% en 2024, après seulement 0,03% cette année, selon les chiffres du ministère saoudiens des Finances.
Moins d'argent grâce au pétrole
Les raisons de ces déficits ne sont pas à chercher du côté des fluctuations des cours du brut, selon le ministre saoudien des Finances, Mohammed al-Jadaan. Il a d'ailleurs affirmé que son pays se base sur des estimations « très prudentes » des recettes pétrolières.
Les revenus pétroliers du royaume ont pâti ces derniers mois de la baisse des prix du pétrole : ils ont longtemps été au-dessus des 100 dollars le baril avant de chuter sous les 80 dollars durant l'été. Ils sont remontés en septembre suite à une baisse de la demande mais sont de nouveau aujourd'hui bien en-deçà, autour des 70 dollars.
Pour tenter de faire remonter le prix du baril, et les revenus pétroliers, Ryad a décidé, en juillet, de baisser sa production jusqu'en décembre. Celle-ci est actuellement de 9 millions de barils par jour (bpj), bien loin de sa capacité déclarée de 12 millions de bpj. Et le pays indiqué la semaine dernière qu'il continuerait de réduire sa production de pétrole d'un million de barils par jour jusqu'en mars 2024.
Dans ce contexte, le géant pétrolier saoudien Aramco, détenu à 90% par l'État, a vu ses bénéfices baisser de 23% au troisième trimestre en rythme annuel.
Ne plus dépendre uniquement de l'or noir
Le ministre saoudien des Finances impute les déficits à la hausse des dépenses du pays, comme expliqué ce mercredi dans un entretien avec des journalistes. L'Arabie saoudite mène un vaste programme de réformes économiques et sociales, intitulé « Vision 2030 », visant à transformer le royaume conservateur en un centre d'affaires, de tourisme et de sport.
« Nous avons décidé de dépenser plus et de creuser le déficit en toute connaissance de cause », en considérant que des déficits jusqu'à 3% sont « tout à fait acceptables (...) si l'argent est correctement dépensé », a déclaré Mohammed al-Jadaan.
L'augmentation des dépenses vise à permettre au gouvernement de « continuer à développer le niveau des services publics fournis aux citoyens, aux habitants et aux visiteurs », a affirmé pour sa part le prince héritier et dirigeant de facto du royaume, Mohammed ben Salmane, cité par l'agence de presse officielle.
Cette logique est en tout cas soutenue, selon le ministre des Finances, par des prévisions de croissance du PIB hors hydrocarbures d'environ 6% en 2023 et 2024. Le ministre n'a pas exclu un dérapage des dépenses, mais « si cela devait arriver, ce serait de l'ordre de 4 ou 5% », a-t-il affirmé.
Pour justement diversifier son économie, l'Arabie saoudite va accorder 30 ans d'exonérations fiscales aux multinationales établissant leur représentation régionale dans le royaume. Cela comprend un taux de 0% pour l'impôt sur le revenu des sociétés ainsi que sur les retenues à la source, a indiqué le ministère de l'Investissement dans un communiqué ce mardi 5 décembre. Initié en février 2021, ce programme est considéré comme une tentative de concurrencer Dubaï, dans les Emirats arabes unis voisins, base favorite pour les sièges régionaux des entreprises mondiales. Cette annonce est destinée à clarifier une question centrale, sur laquelle les dirigeants d'entreprises cherchaient des précisions depuis des mois. Elle intervient moins d'un mois avant la date limite du 1er janvier 2024 fixée aux entreprises étrangères pour ouvrir des sièges régionaux en Arabie saoudite sous peine de perdre des contrats gouvernementaux. Parmi les autres avantages déjà annoncés dans le cadre de ce programme, figurent la possibilité d'obtenir un nombre illimité de visas de travail et une dérogation de dix ans aux quotas d'embauche de ressortissants saoudiens. Jusqu'à présent plus de 200 autorisations de sièges ont été accordées dans le cadre de ce programme, selon le ministère de l'Investissement. Mais selon les analystes, la question est de savoir si ces entreprises cochent la case du siège pour accéder aux contrats saoudiens, ou si elles adhèrent réellement à la vision du gouvernement qui veut faire du royaume le centre de la région.Opération séduction pour attirer les sociétés
(Avec AFP)
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