Pourquoi la production nucléaire d’EDF devrait stagner en 2026 malgré l'EPR de Flamanville

Alors qu’EDF, pressé par le gouvernement, ambitionne de doper la production de son parc nucléaire jusqu'à 400 térawattheures (TWh) comme c’était le cas il y a encore quelques années, cette remontée ne sera que très progressive. Le groupe prévoit en effet de fournir entre 335 et 365 TWh d'électricité atomique en 2026, a-t-il précisé ce jeudi, soit la même fourchette qu'en 2025. Explications.
Marine Godelier
A Penly, la prochaine visite décennale sera réalisée en 2024 sur l’unité de production numéro 2.
A Penly, la prochaine visite décennale sera réalisée en 2024 sur l’unité de production numéro 2. (Crédits : EDF)

Quand EDF renouera-t-il avec ses niveaux de production nucléaire d'avant-crise ? Alors que le groupe a difficilement généré 279 térawattheures (TWh) en 2022, un chiffre en recul de 30% par rapport à la moyenne des vingt dernières années, le gouvernement lui a demandé d'aller « chercher 100 TWh de plus » d'ici à la fin de la décennie. Et pour cause, la France, qui a consommé 459 TWh d'électricité en 2022, aura besoin d'accéder à davantage de courant décarboné pour se passer des combustibles fossiles, à l'origine d'une hausse des températures globales.

Seulement voilà : même si l'impact du Covid sur les plannings est quasiment terminé, et que le problème de corrosion rencontré l'an dernier n'aura plus aucun effet sur la gestion des installations « dès 2025 », cette remise à niveau ne pourra se faire que très « progressivement », explique-t-on chez l'énergéticien. Preuve en est : EDF prévoit de fournir entre 335 et 365 TWh d'électricité atomique en 2026, a précisé l'entreprise jeudi 21 décembre. Soit la même fourchette qu'en 2025, ni plus, ni moins.

Pourtant, après la débâcle historique de l'an dernier, les prévisions tablaient jusqu'alors sur une croissance continue : 300 à 330 TWh en 2023, puis 315 à 345 TWh en 2024, avant d'atteindre 335 à 365 TWh en 2025. Force est de constater que le parc atteindra alors un plateau, bien loin des 380 TWh enregistrés en 2019, et des quelque 400 TWh de 2015.

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Visites décennales en 2025 et 2026

Et ceci s'expliquerait par le planning du Grand Carénage, ce programme de contrôle et de mise à niveau des centrales pour les prolonger le plus possible, comme demandé par Emmanuel Macron début 2022. Car celui-ci se décline à travers les « visites décennales », des opérations de grande ampleur réalisées - comme leur nom l'indique - tous les dix ans, qui nécessitent d'arrêter la tranche concernée. Or, celles-ci durent en général trois mois, et RTE, l'organisme responsable de l'équilibre entre l'offre et la demande d'électricité en France, prend une marge d'au moins un mois de retard.

« En 2025 et 2026, le planning sera relativement chargé car beaucoup de ces visites commenceront pour les installations de 1300 MW. Ce plateau n'est donc pas une surprise », explique-t-on chez EDF.

En effet, le parc nucléaire compte 20 réacteurs de cette puissance, raccordés au réseau à partir de 1985 (à Flamanville, Paluel, Saint-Alban, Belleville, Cattenom, Golfech, Nogent et Penly). Alors qu'à l'origine, ceux-ci n'étaient pas forcément destinés à tourner plus de 40 ans, l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN) a demandé à l'entreprise de faire en sorte qu'ils atteignent niveau de sûreté aussi proche que possible de ceux de troisième génération (les fameux EPR) pour pouvoir continuer de fonctionner. « Avec l'accident de Fukushima et la question de la prolongation des réacteurs, on observe une envolée des ambitions de sûreté. Mais aussi des prétentions d'EDF, qui a tendance à être maximaliste », affirmait il y a un mois à La Tribune un connaisseur du secteur.

« Cela demande d'ajouter et de modifier beaucoup de matériel. Jusqu'ici, pour la quatrième visite décennale [qui a lieu actuellement et s'étendra jusqu'en 2030, ndlr], il y a eu 6 fois le volume d'activités que lors des précédents réexamens périodiques. On a complètement changé d'échelle », expliquait-on alors chez EDF.

Résultat : les centrales doivent être arrêtées plus longtemps. « Le parc nucléaire français vieillit et, d'une certaine manière, on peut avoir une quasi-certitude qu'il aura des difficultés à reproduire 400 TWh par an dans les années qui viennent », avait d'ailleurs déclaré le président du directoire de RTE, Xavier Piechaczyk, lors d'une audition à l'Assemblée nationale en décembre dernier. D'autant que certaines opérations de maintenance comportent des moments critiques, lors desquels un important retard peut s'accumuler. A l'instar du remplacement du générateur de vapeur, qui s'était effondré sur l'un des réacteurs de Paluel, en 2016, entraînant deux ans d'arrêt supplémentaires.

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L'EPR de Flamanville pas pris en compte dans les estimations

Pour doper la production malgré ces longues interruptions, EDF a lancé dès 2019 un programme pour « améliorer la performance des arrêts de tranche », baptisé START 2025, dont 80% des solutions avaient d'ores et déjà été « déployées » en novembre dernier, selon l'entreprise. Au-delà du Grand Carénage, alors qu'une quarantaine d'arrêts de réacteurs sont prévus chaque année (sur un total de 56), pour recharger le combustible, réaliser des contrôles ou encore changer certaines pièces, il s'agot d'améliorer la gestion de ces interruptions, parfois trop longues et mal organisées. Et ce, en modifiant le management et l'organisation des équipes dédiées, ou encore en prévoyant davantage d'entraînements et de standardisation pour certains gestes de maintenance.

Les premiers résultats s'avèrent d'ailleurs encourageants, avec des records historiques en termes de durée d'arrêt des centrales, comme nous l'expliquions en novembre. En outre, après douze ans de retard, le groupe a confirmé jeudi le raccordement de l'EPR de Flamanville 3 pour mi-2024 - non pris en compte dans les estimations de production -, censé générer environ 14 TWh.

Il n'empêche : le retour aux 400 TWh du parc historique n'est pas pour tout de suite. D'autant qu'en-dehors de Flamanville 3, qui devra s'arrêter pour maintenance dès 2026, EDF ne pourra pas compter sur la mise en service d'un nouveau réacteur EPR avant 2035, au mieux. Un objectif d'ailleurs jugé « très exigeant » par son PDG, Luc Rémont, il y a quelques semaines.

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Marine Godelier

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Commentaires 6
à écrit le 22/12/2023 à 11:55
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Le journaliste omet un point important (et son homologue des échos aussi dans un article similaire), deux tranches ont été fermées à Fessenheim par Macron et Borne. La comparaison de l’avant et l’après n’a donc pas de sens à parc non egal. Pour augm...

à écrit le 22/12/2023 à 8:25
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Si Macron n'avait pas fermé Fessenheim c'aurait été plus facile.. Deplus pour faire fonctionner les réacteurs il faut du combustible.de plus il y a des visites obligatoires afin de ne pas retomber dans le scénario des socialistes et macronistes blin...

le 31/01/2024 à 21:59
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Vous êtes au courant que un certain nombre d'incompétents n'ont pas été capables de fabriquer FLAMANTVILLE dans les temps ?

à écrit le 21/12/2023 à 16:30
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jamais à court d'explications toujours fournies après coup....on croirait entendre la SNCF !

le 22/12/2023 à 11:37
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On est déjà en 2027?

à écrit le 21/12/2023 à 15:01
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C'est donc à nous d'en faire baisser la consommation... donc moins de moteur électrique et retour au travail manuel et... à nos jambes ! ;-)

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