Risque climatique : l’aide au compte-gouttes des pays riches aux pays pauvres

Au premier jour de la COP28 de Dubaï (Emirats arabes unis), les parties ont décroché un accord historique sur l’un des principaux sujets à l’ordre du jour : la mise en œuvre d’un fonds abondé par les pays riches, premiers responsables du dérèglement climatique, pour aider financièrement les territoires moins développés à faire face aux conséquences irréversibles de la hausse des températures. Fruit d’un bras de fer long de plusieurs décennies, le texte comporte néanmoins plusieurs zones d'ombre.
Marine Godelier
(Crédits : RULA ROUHANA)

Qui financera l'aide à destination des pays en développement, afin qu'ils puissent faire face aux conséquences dramatiques de la hausse globale des températures ? Alors que la 28ème conférence de l'ONU pour le climat, ou COP28, s'est ouverte ce jeudi à Dubaï (Emirats arabes unis) avec un premier texte historique obtenu en la matière, la question reste toujours en suspens.

En effet, les parties ont voté la création d'un fonds pour financer les « pertes et dommages irréversibles » des régions les plus vulnérables au changement climatique, après des décennies de querelles entre pays du Nord et du Sud sur le sujet. Le principe : les soutenir face aux impacts à venir, comme les crises humanitaires provoquées par les inondations et les sécheresses en Afrique, par exemple, alors que ces Etats ne sont pas les premiers responsables de la situation. Saluée par une ovation des délégués de près de 200 pays participants, la décision concrétise ainsi le principal résultat de la COP27 en Egypte l'an dernier, puisque ce fonds y avait été approuvé, sans néanmoins en dessiner les contours.

« Nous avons écrit une page d'histoire aujourd'hui... La rapidité avec laquelle nous l'avons fait est inédite, phénoménale et historique », s'est félicité dans la foulée Sultan al-Jaber, président de la COP28.

Aucune obligation et pas d'objectif chiffré

Seulement voilà : malgré une avancée incontestable, plusieurs points restent flous. Et pour cause, comme tout compromis, le texte ne satisfait pas l'ensemble des demandes initiales formulées par les pays en développement. Y compris sur des aspects cruciaux : qui abondera le fonds, pour quel montant et sous quelles conditions précises.

Certes, dès l'annonce de l'accord, les promesses de dons ont plu : les Emirats arabes unis ont ouvert le bal avec une offre de 100 millions de dollars USD, suivis par les Allemands (100 millions), le Royaume-Uni (60 millions), les Etats-Unis (24,5 millions), le Japon (10 millions) et l'Union européenne (125 millions). Plusieurs pays membres de l'UE, dont la France, avaient d'ailleurs promis il y a quelques semaines une « contribution substantielle », et chacun devrait annoncer sa part exacte vendredi et samedi.

Mais en l'état, la résolution ne mentionne pas l'ampleur des financements requis, ni comment les inscrire sur la durée, en-dehors d'un « dialogue de coordination et de complémentarité de haut niveau » qui se tiendra chaque année. Par ailleurs, rien de tout cela ne sera obligatoire, comme le demandaient les pays développés : dans le texte, ces derniers sont simplement « exhortés » à contribuer au fonds, et invités à « prendre les devants » dans son « opérationnalisation ».

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Les montants risquent d'être insuffisants

Résultat : plusieurs observateurs s'inquiètent déjà d'un manque d'ambition. Et pour cause, les premiers montants annoncés, autour de 400 millions de dollars au global, s'avèrent encore loin des dizaines voire centaines de milliards nécessaires pour financer les dégâts climatiques des nations vulnérables. « On attend des promesses en milliards, pas en millions », avait ainsi mis en garde auprès de l'AFP ce jeudi matin (heure de Paris) Rachel Cleetus, du groupe américain Union of Concerned Scientists (UCS).

Il faut dire que certaines études estiment déjà que les pertes et les dégâts dans les pays en développement s'élèvent à plus de 400 milliards de dollars par an, et devraient encore augmenter. Un récent rapport des Nations Unies souligne d'ailleurs que jusqu'à 387 milliards de dollars seront nécessaires chaque année si les pays en développement veulent s'adapter aux changements induits par le climat. Surtout, le temps presse : plus l'action tarde, plus les coûts des pertes promettent d'augmenter.

Dans ce contexte, des pays en développement ont réclamé un objectif de 100 milliards de dollars pour ce nouveau fonds - un chiffre équivalent aux 100 milliards d'aide annuelle dus par les pays développés pour l'adaptation et la transition écologique, le fameux Fonds vert pour le climat. Pour rappel, celui-ci n'avait pas été honoré dès 2020 comme promis, ce qui avait entaché les relations Nord-Sud dans la lutte contre le changement climatique.

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Vers des taxes internationales ?

Les Etats occidentaux à l'origine du changement climatique, eux, se renvoient la balle pour lever les financements suffisants : les plus développés d'entre eux, Etats-Unis en tête, réclamaient ainsi un élargissement de la base des donateurs aux riches pays émergents, comme la Chine ou l'Arabie saoudite.

« La Chine et les pays du Golfe ont aujourd'hui une responsabilité historique dans les émissions [de gaz à effet de serre] », répétait encore il y a quelques jours à la presse un porte-parole de l'Elysée.

Or, ceux-ci ont obtenu gain de cause : le texte final « encourage » les autres parties à contribuer, et ne fait aucune mention du principe de « responsabilités communes mais différenciées et de capacités respectives, à la lumière des différentes circonstances nationales », faisant allusion à la responsabilité historique des principaux pollueurs au cours du 20ème siècle, explique Lola Vallejo, directrice du programme climat de l'Iddri.

Par ailleurs, au-delà des dons des Etats, le fonds sera ouvert à recevoir des financements provenant de philanthropies et de sources publiques, privées et autres sources « innovantes ». La Conférence des Nations Unies sur le commerce et le développement (UNCTAD), un organe subsidiaire de l'Assemblée générale de l'ONU, vient d'ailleurs d'évaluer huit options potentielles, parmi lesquelles des taxes aériennes et maritimes. : « Le vrai sujet pour nous, c'est celui de la fiscalité internationale : avoir une ou plusieurs taxes pour dégager massivement des ressources pour ce type de [fonds] », expliquait-on il y a quelques jours dans l'entourage d'Emmanuel Macron.

Prêts ou subventions

Une autre question promet de susciter des controverses : alors que les pays en question ont besoin d'un financement rapide, accessible et sans dette, l'accord prévoit, dans un premier temps, que le fonds soit sous l'égide de la Banque mondiale. En effet, l'institution financière internationale a été choisie pour l'administrer sur une période intérimaire de quatre ans - une disposition acceptée à contrecœur et dans la précipitation par les pays en développement.

« Une banque hôte ne répond pas à l'objectif pour lequel le fonds a été créé, car les banques ont un modèle économique basé sur les prêts, et ce fonds devrait être basé sur des subventions », expliquait il y a quelques jours à nos confrères de RFI Nusrat Naushin, chercheur au Centre international sur le changement climatique et le changement climatique. Développement à Dhaka, Bangladesh.

« Les frais d'hébergement énormes de 17% de la Banque mondiale signifient que le plus grand bénéficiaire de ce fonds serait la Banque mondiale. [S]es 10.000 salariés de recevraient plus d'argent du Fonds que les 63 millions de personnes de l'Alliance des petits États insulaires ! »s'insurgeait il y a quelques jours sur X la Loss and Damage Collaboration (L&DC).

S'y ajoutent les antécédents de la Banque mondiale en matière d'investissements dans les énergies fossiles, souvent épinglés par les ONG environnementales. Enfin, plusieurs parties craignent que les pays riches n'aient une influence trop importante sur la gestion du fonds, étant donné qu'ils représentent la plupart des donateurs de la Banque mondiale.

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Marine Godelier

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Commentaires 6
à écrit le 01/12/2023 à 9:30
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Voudrait on nous faire croire que le transfert d'argent est la solution, alors que celui-ci revient dans les poches des donateurs ? Vous pédalez dans la semoule !;-)

à écrit le 01/12/2023 à 7:19
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Bonjour, les pays pauvres donc la population a doubler ms'est 30 derniers années... Dois deja reduire sa natalité... ils y aura plus a mangé et surtout la population troura etre mieux instruite et pourra travailler au développement du pays... L'em...

le 01/12/2023 à 8:04
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Ok la messe anti-natalité obligée, mais on fait quoi maintenant svp ? Merci. Toujours demain, toujours plus tard, toujours attendre.

à écrit le 01/12/2023 à 7:13
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Un être humain meure de faim toutes les 4 secondes dans notre monde si génial "le moins pire des systèmes" lol ! Peut-être que dans ce contexte c'est un peu particulier cette histoire de protection de l’environnement non ? Que dans les pays occidenta...

à écrit le 30/11/2023 à 23:11
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Il n'y a pas de pays riches et pays pauvres, il n'y a que des individus riches et pauvres.

à écrit le 30/11/2023 à 21:42
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Ca ne sert a rien, d'aider les pays soi disant "pauvres", ca ne fait qu'y augmenter la surnatalite, c'est au contraire une politique malthusienne qu'il faut leur appliquer

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