Charlotte Gainsbourg et José Garcia : leur comédie humaine

ENTRETIEN - Réunis à l’écran pour la première fois, les deux acteurs campent de futurs ex-mariés dans « Nous, les Leroy ». Un tandem drôle et touchant.
Charlotte Gainsbourg et José Garcia, acteurs français.
Charlotte Gainsbourg et José Garcia, acteurs français. (Crédits : © LTD / CYRILLE GEORGE JERUSALMI POUR LA TRIBUNE DIMANCHE)

C'est à quelques heures de l'avant-première du film, le soir même sur les Champs-Élysées, que nous rencontrons Charlotte Gainsbourg et José Garcia. Ils se retrouvent avec le sourire, échangent blagues et anecdotes de tournage en posant devant l'objectif. Complices et à l'aise, c'est après une accolade attendrie à Florent Bernard, le réalisateur, qu'ils s'installent sur deux fauteuils pour démarrer cet entretien tout en légèreté.

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LA TRIBUNE DIMANCHE - Charlotte Gainsbourg, vous n'aviez jamais joué dans le premier film d'un cinéaste que vous ne connaissiez pas. Qu'est-ce qui vous a convaincue d'accepter ?

CHARLOTTE GAINSBOURG - Cela s'est fait sur le long terme. J'ai lu le scénario au tout début, alors qu'il n'était pas du tout ce qu'il est devenu. C'est le producteur du film, avec qui je tournais le documentaire sur ma mère, Jane par Charlotte, qui m'a convaincue d'accepter le rôle, car il y croyait vraiment. J'ai ensuite rencontré Florent Bernard, avec qui le contact a été très facile. Il a réécrit, il était tellement volontaire... puis j'ai compris qu'il avait un vrai univers. Donc j'avais confiance.

JOSÉ GARCIA - Je suis arrivé plus tard sur le film et, lorsque j'ai rencontré Florent, j'ai vu qu'il avait la patte du metteur en scène. Il sait ce qu'il veut, il va droit au but et c'est un vrai passionné. Il a des références que l'on retrouve rarement chez les réalisateurs, jeunes ou non. Il a un attachement particulier à son sujet et il n'oublie jamais le spectateur. Quand il filme une station-service ou des maisons en banlieue pour mettre en images l'histoire des gens qui y vivent, c'est toujours graphiquement très beau. On avait donc entièrement confiance, et je crois qu'on n'a pas eu tort.

C'est aussi la première fois que vous jouez ensemble. Est-ce facile d'incarner un couple quand on ne se connaît pas ?

C.G. C'était très évident. Il n'y a pas eu beaucoup à faire pour que ça marche. On s'est rencontrés avant, bien sûr, car on essaie toujours de donner du sens, qu'il y ait une complicité. Mais ça s'est fait très facilement.

J.G. On aurait pu se retrouver ensemble sur certains projets, mais ça n'était jamais le bon. Donc, le jour où on m'a dit que j'allais jouer avec Charlotte, j'étais ravi. Elle a une façon d'envoyer ses répliques, un rythme dans la vanne. Et pour moi, devoir me les prendre, avoir son regard au moment où je dois rebondir, en tant qu'acteur, c'est de la jubilation pure.

On croit aussi à cette famille grâce à vos deux enfants de fiction, Hadrien Heaulmé et Lily Aubry.

C.G. Ils ont un talent si flagrant. J'étais très spectatrice de ça. C'est marrant de les voir à la fois très ouverts et si humbles. Ils sont tellement charmants.

J.G. Oui, ils sont super. Même entre eux, ils ont une vraie complicité de frère et sœur. Avec Charlotte, on est assez pudiques, on laisse plutôt les autres vivre, on n'impose rien. Ils ont donc réussi à trouver leur place et ils étaient presque leaders par rapport à nous. Ils nous faisaient rire, nous racontaient des trucs improbables et on était hallucinés. Ils voyaient qu'il n'y avait pas de jugement. Et c'est ça aussi qui fait la force de cette famille. On était bien tous les quatre. C'était évident, tout doux.

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José Garcia et Charlotte Gainsbourg, un couple à l'écran.

L'évidence, on la ressent aussi dans vos personnages, qui semblent avoir été taillés pour vous. Cela a-t-il été facile de vous les approprier ?

J.G. J'aime ceux qui essaient. Il y a un rôle que j'apprécie par-dessus tout, c'est celui de Don Quichotte. Il porte toute la fantaisie, toute l'énergie d'un être humain à vouloir croire en l'amour. Mon personnage, Christophe Leroy, a une part de cela. Il essaie en sachant qu'il aura beaucoup de mal, mais il ne lâche rien. Ce que j'aime aussi et que je trouve très joli dans le film, c'est le respect et l'amour que lui et le personnage de Charlotte partagent. Ce n'est pas parce que la vie les sépare qu'ils ne s'aimeront pas. C'est un peu l'histoire des feuilles mortes : « La vie sépare ceux qui s'aiment, tout doucement, sans faire de bruit. » La société les a un peu écrasés et ils se sont oubliés dans beaucoup de choses. Je les adore, ils sont pleins de panache et perdent avec grâce. Ils nous ressemblent, ils ressemblent aux êtres humains.

C.G. Pour jouer, je pars de ce que je suis. Ici, je ne suis pas allée chercher très loin. J'aime bien l'état dans lequel elle est au départ. L'idée qu'elle est en burn-out, puis le brouillard qui se dissipe peu à peu, le courage qu'elle trouve de plus en plus. Il y a une énorme tendresse en elle que je ne pense pas forcément avoir [rires], mais c'est une vraie qualité. Cette tendresse, cette envie de ne pas faire de mal, alors qu'elle doit en même temps se débattre avec une situation qu'elle ne supporte plus. Et ce que je trouve très charmant, c'est qu'elle parle en premier de séparation à ses enfants. Après, elle fait des conneries, elle est maladroite aussi... Il y a plein de trucs d'elle qui me plaisent, qui ne sont pas forcément proches de moi, mais que je savais où aller chercher.

Vos filmographies respectives semblent opposées ; vous voir réunis à l'écran peut donc paraître surprenant. Avez-vous la sensation d'avoir été enfermés dans un registre ?

J.G. Moi, non, vraiment pas. J'ai la chance d'avoir pu faire des choses différentes. Peut-être que d'autres ont été enfermés dans une case. Mais lorsqu'on démarre dans la comédie, on a plus de liberté. Ce qui est le plus difficile, je pense, c'est d'aller vers des comédies après avoir enchaîné les drames et les films d'auteur. Ce sont ces acteurs que l'on cloisonne davantage dans un registre.

« En actrice de comédie, Charlotte est d'une efficacité redoutable »

José Garcia

C'est votre cas, Charlotte Gainsbourg ?

C.G. Complètement. J'ai commencé avec L'Effrontée, La Petite Voleuse, puis j'ai opéré un vrai virage dans le film d'auteur, notamment avec Lars von Trier, pour qui j'ai eu plaisir à travailler. Et même s'il y a eu La Bûche, Prête-moi ta main ou Ma femme est une actrice, ce sont davantage les films que j'ai faits avec lui qui ont marqué. Pourtant, si je suis très honnête, en tant que spectatrice je préfère voir les comédies, c'est ce que j'aime le plus.

J.G. Et en tant qu'actrice de comédie, elle est d'une efficacité redoutable.

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La famille Leroy : Christophe (José Garcia), Bastien (Hadrien Heaulmé), Loreleï (Lili Aubry) et Sandrine (Charlotte Gainsbourg).

La comédie semble d'ailleurs mieux perçue ces dernières années. Est-ce parce qu'une France démoralisée aurait besoin de rire ?

J.G. Pour moi, c'est autre chose. Il y a une vraie révolution des mœurs. Et à un moment, la comédie n'avait plus trop d'exigence. C'est un truc qui m'a pesé pendant un certain temps. Dès qu'on parlait de comédie, on allait vers des idées souvent poussives et extrêmes, tant dans l'image que dans l'écriture. Il y avait pas mal de réalisateurs fainéants, qui ne faisaient pas d'efforts, alors que l'on peut mettre beaucoup de grâce dans une comédie. Aujourd'hui, je vois une évolution que je trouve formidable dans la manière dont on est entouré, les nouvelles générations sont plus à l'écoute. L'écriture est plus subtile. Il y a vraiment deux mondes. Avec ce film et des gens comme Florent, on voit que l'on peut raconter des choses drôles avec intelligence et finesse. C'est plus travaillé, on fait attention à la mise en scène, au cadre et au décor. Ce mélange-là est assez génial face à la manière de penser de l'ancien monde, qui était un peu plus gros sabots.

C.G. Je regarde beaucoup de vieilles comédies, donc l'écriture de Florent, avec une patte très affirmée et un ton auquel je n'étais pas habituée, c'était très nouveau pour moi. Parfois, l'idée de devoir aller dans quelque chose où je pensais ne pas être à l'aise me faisait peur. Puis je me suis détendue et lui ai fait confiance. C'était aussi très étonnant pour moi de découvrir son univers au travers de tous ses potes venus sur le film.

« C'est face au talent des autres que je m'amuse le plus »

Charlotte Gainsbourg

Vous parlez des acteurs secondaires (Baptiste Lecaplain, Adrien Ménielle, Simon Astier...) ?

C.G. Oui, parce qu'il y a tout un monde de déconnade que je ne connaissais pas, et c'était très marrant d'en faire partie. J'adore être face au talent des autres, c'est là que je m'amuse et que j'en profite le plus. Eux étaient davantage dans l'impro, et moi dans la réaction.

J.G. Nous, on avait notre partition, qui est déjà très forte et qui évolue avec tous ces personnages issus du monde de Florent, de ses codes, de son podcast FloodCast. L'intelligence, c'est cet équilibre-là. Il fait des références à son univers sans tomber dans la private joke et allie des trucs très triviaux et fun à des idées super pointues. Il a travaillé vraiment large pour que personne ne soit mis de côté, et ça donne quelque chose de très universel.

Assez universel pour que certains aspects fassent écho à votre vie de parents ?

C.G. Ce qui me touchait, c'était la sensation que Florent racontait son histoire. C'était tellement senti, intime. Il détourne l'attention avec la comédie, mais en réalité il y a un fond dramatique. C'est son parcours à lui et ses schémas que j'ai essayé de comprendre, plutôt que de ramener ça à ma famille à moi.

J.G. On a été très émus par la pudeur de Florent. On tournait dans les lieux où il a grandi, on sentait que ça lui faisait quelque chose. Tous ces endroits lui appartiennent. Je ne suis pas du tout nostalgique, mais entrer dans la nostalgie de Florent était très touchant, parce qu'il ne dit rien et ça nous parle encore plus. Il y a une vraie intimité et une vraie sincérité là-dedans.

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Commentaire 1
à écrit le 10/04/2024 à 10:28
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José Garcia que j'ai entendu se féliciter du fait de chercher à contrecarrer ses peurs, les peurs de tous, chercher à les surmonter, alors pourquoi pas ok mais qu'est-ce que ça pue l'ennui quand même hein. Le gars il a peur de regarder au fond des oc...

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