Pascale Arbillot : « Il m’a fallu du temps pour cesser de me comparer »

ENTRETIEN - À l’affiche de la minisérie événement « La Peste », qui débute demain sur France 2, l’actrice, désarmante de naturel, raconte son rapport aux autres et à la solitude.
Pascale Arbillot, actrice
Pascale Arbillot, actrice (Crédits : © Sabine Villiard)

Elle sort du lot, Pascale Arbillot. Diplômée de Sciences-Po, elle abandonne à 23 ans le métier de journaliste économique pour le grand saut. Si elle a eu la chance - et le talent - d'avoir enchaîné les rôles sans trop galérer, celui d'Isabelle dans Les Petits Mouchoirs en 2010 chamboulera sa carrière. Depuis, la quinqua fait partie de ces rares actrices qui occupent le haut de l'affiche.

Rendez-vous un lundi au Providence, un café à quelques pas du Théâtre Antoine [dans le 10ᵉ arrondissement de Paris], où elle joue à guichets fermés Interruption, une pièce sur l'IVG. Le serveur lance : « Comme d'habitude, mademoiselle Arbillot ? » Elle rougit. « Non, un Perrier, j'ai une avant-première ce soir. » On m'avait pourtant prévenue qu'elle n'était pas la dernière pour trinquer. Mais aussi que sa déroutante simplicité pourrait me déstabiliser. Et aussi cette compassion débordante, cette nécessité de s'intéresser à son interlocuteur avant de se confier. « Et si on inversait les rôles ? » Après trente minutes d'analyses, complètement vidée, je reprends - enfin - les commandes de ce rendez-vous qui ne ressemble à aucun autre.

LA TRIBUNE DIMANCHE - Merci qui ? Merci Guillaume Canet ?

PASCALE ARBILLOT - [Rires.] C'est vrai que c'est grâce à sa confiance que ma carrière a pris un tout autre tournant. Avant Les Petits Mouchoirs, je vivais de mon métier depuis plus de quinze ans, mais je n'avais pas vraiment le luxe de choisir mes rôles. J'acceptais la plupart pour apprendre mon métier et puis aussi pour manger.

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Comme dans le film, vous aimez l'esprit de bande ?

J'adore cet esprit, mais ma nature profonde est plutôt solitaire. Mon cerveau n'est pas adapté pour que je me sente à l'aise facilement en société. Cette solitude m'a longtemps fait peur, car elle cachait ce complexe d'avoir l'impression d'être toujours à côté de tout, d'être moins bien que les autres. S'il m'a fallu du temps pour cesser de me comparer, j'ai enfin réussi à apprivoiser ma solitude.

Il vous a fallu combien de temps pour arrêter de culpabiliser ?

La moitié d'une vie ! J'ai été contrainte de bosser sur moi pour surmonter quelques épreuves. Les violences psychologiques sont partout, dans n'importe quel milieu. J'ai été très jeune sous l'emprise d'une personne toxique. Quand on est adolescente, on ne fait pas la différence entre l'amour et le narcissisme. Aujourd'hui, je détecte de très loin les pervers narcissiques, ceux qui te détruisent de manière insidieuse, qui parasitent ta vie jusqu'à ce que tu développes une maladie qui te met en danger de mort.

C'est pendant cette hospitalisation que l'on a découvert votre endométriose...

J'ai 18 ans quand on m'annonce que je ne pourrai pas avoir d'enfants. Jusqu'à ce jour, je n'avais jamais ressenti ce désir de maternité, contrairement à certaines copines qui ne parlaient que de ça. À ce moment précis, la maternité est devenue un vrai sujet alors qu'elle n'avait jamais été source d'angoisse dans ma vie. J'ai commencé à porter en moi cette culpabilité, cette crainte d'être quittée par les hommes parce que j'étais dans l'incapacité de concrétiser leur désir de devenir père. Et puis, par miracle, mon fils est arrivé.

J'ai grandi avec une mère qui m'a toujours transmis ce besoin de liberté. De ne jamais être dépendante

Pascale Arbillot

Je vous sens super sauvage...

Je le suis. J'ai grandi avec une mère qui m'a toujours transmis ce besoin de liberté. De ne jamais être dépendante. D'ailleurs, son discours a probablement des répercussions sur ma vie de femme. Je ne suis vraiment pas faite pour la vie à deux.

On m'a dit que vous aviez tenté l'expérience des sites de rencontres...

... Et plus jamais ! On m'avait d'abord parlé de Raya, un site réservé aux « personnalités ». Comme l'entre-soi ne m'a jamais plu, j'ai tenté les applis plus « simples », mais avec cette appréhension d'être reconnue en tant que « la nana des Petits Mouchoirs ». Et puis un jour, un ami m'a dit : « Mais t'es qui pour penser que tu es au-dessus des autres ? Et puis il y a plein de mecs qui ne te connaissent même pas ! » Je me suis désinscrite au bout d'un mois. Je ne ressens pas ce besoin maladif de me caser, de me sentir aimée. Je préfère sortir danser jusqu'à pas d'heure et éventuellement rouler des pelles ! [Rires.]

La prochaine fois, vous m'emmenez ?

Les sorties se font de plus en plus rares, car je travaille tellement que je ne peux plus me le permettre. Si je sors, c'est sans limites. J'ai pris ma plus grosse cuite à Bruxelles. Le lendemain, je jouais une pièce à Liège. Avec la troupe, nous avons enchaîné les shots de tequila caramel toute la nuit. Un collègue a même disparu, ne réapparaissant qu'une heure avant le lever du rideau. Plus jamais je ne recommencerai. Ce n'était vraiment pas professionnel. Mais quel souvenir !

C'est vrai que vous avez un problème avec la féminité ?

Ah bon, ça se voit ? [Rires.] Petite, j'étais un vrai garçon manqué avec les cheveux courts. Quand je dois porter des robes sur les tapis rouges, je me sens parfois déguisée.

Et pourtant, vous avez suivi une scolarité très stricte à Sainte-Marie de Neuilly, classe non mixte et uniforme obligatoire.

Je n'ai jamais compris ce que je faisais là-bas. Et puis il y a eu cette expérience d'une retraite obligatoire qui s'est très mal passée. J'ai été virée, à la plus grande fierté de mes parents ! Ils craignaient que je mette du temps à m'émanciper.

Pour quelles raisons vous a-t-on virée ?

Pour avoir caché des biscuits, des Chamonix, avec ma meilleure amie alors que l'on avait l'interdiction de manger. On s'est fait dénoncer et j'ai pété un câble. On s'est fait expulser comme des meurtrières. Je n'avais déjà pas la foi, mais cette expérience m'a définitivement confortée dans mon athéisme.

Vous n'êtes pas compatible avec la religion ?

Je n'ai jamais vraiment compris ceux qui croient en Dieu. Je crois davantage en l'âme, la spiritualité. J'ai été confrontée à la mort, mais rien n'a changé pour moi.

Vous faites allusion à votre ancien compagnon qui s'est donné la mort ?

Il a grandi dans une famille très religieuse, très classique, très conventionnelle. C'est cette étroitesse d'esprit qui l'a tué.

C'est comment, le dimanche de Pascale Arbillot ?

Si j'ai longtemps rêvé de brunch avec les copains, je me rends compte que je finis souvent seule, face à ma cheminée, en contemplation. Ma solitude dominicale est primordiale pour mon équilibre. Et puis j'aime bien prendre mon vieux chariot à roulettes, faire des courses et m'imaginer en mère de famille parfaite ! [Rires.]

La Peste, série  partir de demain  21 h 10 sur France 2 et en intégralité sur France.tv

SES COUPS DE CŒUR

Si elle a été contrainte d'abandonner son péché mignon, le cornichon trempé dans le Nutella, pour cause de brûlures d'estomac, elle se venge dorénavant devant une bonne côte de bœuf au Comptoir, carrefour de l'Odéon. Et quand lui vient l'envie de saveurs africaines ou israéliennes, elle réserve une table au Waly-Fay et au Tekés.

Le Comptoir, 9, carrefour de l'Odéon (Paris 6e )

Waly-Fay : 6, rue Godefroy-Cavaignac (Paris 11e )

Tekés : 4 bis, rue Saint-Sauveur (Paris 2e )

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Commentaire 1
à écrit le 04/03/2024 à 9:55
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Qu'elle change d'orientation est en effet un élément important exposant une richesse de personnalité maintenant vu le milieu social c'est quand même toujours beaucoup plus facile que quand on vient d'une cité par exemple ou bien du fin fond de la cam...

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