Ne les appelez plus coiffeurs. Dans la recomposition du marché de la coiffure, une nouvelle génération d'artistes capillaires occupe le devant de la scène. On les nomme « hair stylists » ou « hair artists ». Thomas Tuccinardi, Océane Avakian, Hair Studio by Anissa sont des virtuoses du cheveu et des stars des réseaux sociaux. Sur un modèle américain, en marge des franchises où certains se sont formés (et qui n'existent pas outre-Atlantique), ils ont ouvert leurs salons à Paris, Lyon, Annecy, et sont suivis par des milliers de personnes. Depuis le Covid, ce marché a beaucoup évolué : alors que les franchises sont encore majoritaires et que les petits salons indépendants souffrent avec leur clientèle de proximité, cette offre florissante est née d'une aspiration à plus de liberté, de créativité, de sur-mesure.

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La formule shampoing-coupe-brushing identique pour tous les types de chevelure ne fait plus recette. Chaque hair artist a sa signature. Des clientes aux cheveux texturés (bouclés, crépus, ondulés) viennent ainsi d'Île-de-France, de Bruxelles, de Genève ou du sud de la France pour être coiffées par Anissa, souriante jeune femme de 32 ans à la tête de son Hair Studio rue Saint-Honoré à Paris. Les employées y incarnent la diversité de l'offre : une jeune fille arbore une magnifique chevelure afro ; sa collègue au bac, de longues boucles souples ; une apprentie, de belles frisures remontées en chignon. « Les clientes doivent pouvoir s'identifier, explique la responsable. On travaille une singularité : la bonne coupe, le bon soin pour la bonne personne. Pendant longtemps les salons avaient peur des ratés sur ces cheveux car ils ne savaient pas les coi er. Après des années comme apprentie, j'ai loué un siège dans un institut [lire ICI] pour développer ma clientèle avant d'ouvrir ce salon. Je commence toujours par un diagnostic individuel de la cliente : forme du visage, carnation, quels produits elle utilise. Cette personnalisation a un coût, mais des étudiantes économisent et, comme la coupe vieillit bien, elles viennent deux fois par an. »

Coachs cheveux

Dans son salon du 6e arrondissement de Lyon, Océane Avakian, coiffeuse et coloriste, a développé la même exigence : « Plus qu'une coiffeuse, les clientes cherchent une coach capillaire », décrypte celle qui pense que la nature même du métier a changé : « De besoin, la coiffure est devenue un plaisir, un bon moment que l'on s'o re. » Entourée de cinq autres coiffeurs des deux sexes, elle ne prend que quatre clientes par jour, passe quatre heures en moyenne sur un balayage, deux heures sur un soin, ses deux spécialités. Qui peut se payer ces formules haut de gamme ? Celles qui ont les moyens et les autres, à qui elle propose des formules quatre fois sans frais.

Les prix élevés ne sont pas un frein pour les clientes. Elles préfèrent payer plus en échange d'un travail respectueux de leur nature de cheveux, en bénéficiant de conseils pratiques avisés pour le quotidien.

Le prix de l'artisanat

Également lyonnais, Thomas Tuccinardi (30 ans) s'est formé dès 15 ans et demi à l'école puis dans des franchises avant de s'envoler vers les États-Unis, où les premiers hair stylists sont devenus célèbres. Là-bas, pas de grands groupes comme en France mais des salons indépendants florissants proposant des formules ciblées. C'est avec ce modèle en tête que Thomas a ouvert son Hair Studio de 150 mètres carrés, un appartement en étage tout en beiges feutrés. Expert coloriste, il est connu pour ses balayages et ses transformations capillaires. Chez lui, le moins mais mieux a un prix : de 200 à 580 euros la couleur. « Il ne faut plus être à Paris pour être coiffée, revendique-t-il. Mon but n'est pas d'ouvrir quinze salons mais de rester dans l'exclusif, avec un artisanat plus poussé. Tout le monde est tiré vers le haut. On soigne la formation de nos équipes. »

Influenceurs capillaires

Pros de l'image, les hair stylists ont mis les réseaux sociaux au cœur de leur business. Il faut dire que, selon les porte-parole de TikTok, les recherches sur les mots-clés capillaires sont en plein boom et la coi ure devient une forme « d'expression artistique, d'activisme », « une performance multifacette ». Les clients explorent le réseau et ses hashtags : 105,7 millions de vues de #POVHairIsEverything et 848,3 millions pour #cheveuxcrepus. Thomas le reconnaît : « Ça m'a fait gagner dix ans dans ma carrière. » Tous suivent les dernières tendances à l'international et misent beaucoup sur la formation. En parallèle, ils sont devenus des influenceurs de leur secteur, ont leurs e-shops, nouent des partenariats avec les marques (Océane est ambassadrice Ghd, marque de matériel professionnel, Anissa est ambassadrice Olaplex, comme Thomas, également partenaire de L'Oréal Paris Monde).

Passionnés par leur métier, tous sont de vrais engagés : Anissa, par exemple, organise une fois par mois un atelier parents-enfants pour apprendre à bien soigner ses cheveux, Océane propose un forfait « consultation » dispensant les bons gestes élémentaires. Des paillettes dans les yeux mais les pieds sur terre.