Passer d'une approche locale de la boutique en gare à une stratégie commerciale nationale. C'est l'exercice auquel s'astreint actuellement Gares & Connexions, entité chargée des gares au sein du groupe SNCF. Une nouvelle orientation qui pourrait s'inscrire pleinement dans le futur plan stratégique de sa directrice générale, Marlène Dolveck, à condition que son mandat qui s'achève au 31 décembre soit reconduit.
Plutôt que d'essayer de faire feu de tout bois, en travaillant sur des implantations commerciales gare par gare, Gares & Connexions s'est lancé dans une série d'appels nationaux en ciblant de nouveaux services, avec la création de « nouvelles lignes de métier ». Avec 3.000 gares, qui accueillent 10 millions de voyageurs chaque jour, le potentiel de développement est très large, même si cela ne concernera jamais l'ensemble du réseau.
Appels d'offres en cours
Première itération de cette nouvelle stratégie, une compétition a été lancée en mars pour l'ouverture d'espaces de télémédecine. Huit mois plus tard, la filiale de SNCF Réseau vient de choisir Loxamed, filiale du loueur de BTP Loxam. Elle vient ainsi de signer une convention d'occupation temporaire. En fonction des demandes des Autorités régionales de santé (ARS), cette nouvelle offre pourra se déployer dans 300 gares d'ici à 2028. L'objectif est avant tout de faciliter l'accès aux soins des Français dans des zones ne disposant pas d'une couverture médicale suffisante.
Si cette offre de télémédecine s'apparente plus à un service public, les autres lignes de métier déployées ont des vocations largement commerciales. La filiale de la SNCF mise ainsi sur l'ouverture de supérettes. Un appel d'offres est également en cours pour le déploiement d'espaces de coworking. L'heureux lauréat aura comme terrain de jeu un site de 1.800 m² en gare Saint-Lazare à Paris, ainsi qu'au moins dix emplacements d'une surface comprise entre 300 et 1.000 m² dans des gares comme Paris-Gare de Lyon, Lyon Part-Dieu, Cambrai, Le Havre, Sète, Brive-la-Gaillarde, Douai, La Rochelle ou encore Metz-Ville.
Aujourd'hui, la filiale SNCF Gares & Connexions compte déjà 15.000 m² d'espaces de coworking. Ceux-ci sont répartis sur neuf sites - 4 à Paris et 5 en régions. Ils sont exploités par six opérateurs différents, dont Regus - marque de l'Américain IWG - et Multiburo - PME lyonnaise rachetée par La Poste en 2022.
Dynamique positive
Objectif à terme, évoluer vers un opérateur unique avec lequel bâtir un vrai partenariat de services, pour une durée comprise entre 17 et 25 ans, et ainsi créer un « effet réseau » pour mettre en place davantage de points de vente à travers la France, décrypte Raphaël Poli, directeur général de la branche Retail & Connexions au sein de la filiale.
Autre enjeu : reprendre la main, en imposant des contraintes beaucoup plus exigeantes sur la qualité, le pilotage financier, la satisfaction clients... et ainsi créer plus de valeur. Alors que certaines boutiques seraient déficitaires individuellement, le contrat national permet en principe d'étendre la présence territoriale et de rentabiliser l'activité globale. Cela n'empêchera toutefois pas la recherche d'un équilibre financier au niveau local, avec l'aide des collectivités territoriales, par exemple, toujours favorables à dynamiser la vie dans leurs centres-villes.
Dans les faits, ce modèle a déjà été expérimenté pour les panneaux photovoltaïques, comme l'avait révélé La Tribune en 2021. Ou encore dans la coentreprise Lagardère & Connexions, qui exploite les enseignes Relay en gares. La coentreprise vient d'ailleurs d'être renouvelée pour 10 ans, avec un nouvel investissement de 15 millions chacun par Gares & Connexions et Lagardère.
Ces revenus issus des commerces sont actuellement en croissance, avec « une dynamique vraiment positive », affirme Raphaël Poli, nourrissant des ambitions, au regard des trois milliards d'euros réalisés par le secteur aérien, dans un marché global de 6 milliards d'euros. Sans compter l'évolution des comportements des voyageurs, et la hausse du trafic.
Ces perspectives sont renforcées par les politiques publiques actuelles en faveur du train. En revanche, le patron de Retail & Connexions ne donne pas d'indication sur l'évolution du panier moyen par voyageur en raison de grande disparité en fonction des types de voyage (trajet du quotidien, hebdomadaire, longue distance).
Relais de croissance
Situés hors du cœur d'activité de Gares & Connexions, les commerces ne font pas partie du périmètre régulé, soumis à des tarifs réglementés fixés par l'Autorité de régulation des transports (ART), contrairement aux péages payés par les opérateurs ferroviaires pour utiliser l'infrastructure (dissociés de ceux payés à SNCF Réseau). Les redevances qui en découlent ont cette particularité d'être la seule source de revenus que l'entreprise peut développer librement et utiliser à sa guise - en partie du moins - pour investir dans le système ferroviaire.
A l'instar de ce qui se fait dans le monde aéroportuaire, la société dispose ainsi d'un système de caisse hybride : des comptabilités séparées pour les revenus issus du ferroviaire et ceux des commerces. Avec une limite importante tout de même. Au-delà d'un certain seuil de rentabilité, 50% des bénéfices du périmètre non-régulé sont reversés au périmètre régulé dans un objectif de modération tarifaire sur les péages.
Les commerces en gares génèrent des revenus à hauteur de 1,6 milliard d'euros par an, dont 250 millions d'euros reviennent à Gares & Connexions sous forme de redevances de concession. C'est le deuxième poste de recettes de la société après le milliard d'euros issu des péages. A cela s'ajoutent aussi les revenus issus des filiales, dont la coentreprise Lagardère & Connexions.
Continuité stratégique
Ce renforcement de l'activité commerciale s'inscrit aussi dans la démarche de satisfaction pour les passagers dont 20% se joue en gare, explique Raphaël Poli. Or, elle fait partie des priorités établies par Marlène Dolveck. La patronne de la filiale SNCF veut ainsi investir dans l'accueil et l'information aux voyageurs, notamment à travers les outils numériques. La direction est également consciente de devoir progresser dans la gestion des situations perturbées.
Enfin, Gares & Connexions a mis au rang des priorités la prise en compte accrue des enjeux environnementaux, que ce soit en réduisant l'empreinte écologique ou en adaptant les opérations et l'accueil des passagers. En interne, cette évolution est présentée comme la continuité d'un premier mandat axé sur une gestion prudente, l'intégration de la satisfaction client avec la gare comme lieu d'hospitalité et une politique d'industrialisation, afin de restructurer l'entreprise après les bouleversements de la réforme du Pacte ferroviaire de 2018. Jusque-là rattachée à SNCF Mobilités (devenu SNCF Voyageurs), la direction Gares & Connexions est devenue filiale de SNCF Réseau en 2020 pour plus d'indépendance par rapport à l'opérateur ferroviaire national, notamment en vue de l'arrivée de la concurrence.
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