Rio-Paris : Procès requis contre Air France, Airbus blanchi

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Proces requis contre air france pour le crash du rio-paris[reuters.com]
(Crédits : Eric Gaillard)

PARIS (Reuters) - Le parquet de Paris a requis le renvoi d'Air France devant un tribunal correctionnel pour le crash du vol Rio-Paris en 2009 mais demandé un non-lieu pour Airbus, au grand dam des avocats de familles des 228 victimes.

Dans son réquisitoire définitif rendu le 12 juillet, le parquet justifie sa demande de non-lieu par une absence de charges suffisantes contre le constructeur aéronautique.

"Ce réquisitoire est un scandale et une sacrée gifle pour les familles des victimes. On leur donne un os à ronger avec Air France", alors que les premières expertises mettaient "clairement" en cause Airbus, a déclaré mercredi à Reuters Me Alain Jakubowicz, un des avocats de ces familles.

"Air France est lâchée par les pouvoirs publics. En ce qui concerne le fleuron de l'économie nationale qu'est Airbus, on ne touche pas !" a-t-il ajouté. Au moment où les 737 MAX du grand rival américain Boeing sont cloués au sol après des catastrophes aériennes imputées à des défauts de conception, "ce n'est pas le moment d'envoyer Airbus devant un tribunal !"

Une porte-parole d'Air France a pour sa part dit que la compagnie aérienne réitérerait sa demande de non-lieu dans des observations adressées aux juges d'instruction, à qui il revient maintenant de décider ou non de la tenue d'un procès.

L'Airbus A330 qui assurait le vol AF 447 entre Rio et Paris le 1er juin 2009 s'est abîmé dans l'océan Atlantique au large du Brésil, entraînant dans la mort 228 personnes.

Air France est poursuivie pour homicides involontaires par maladresse, imprudence, inattention, négligence ou manquement à une obligation de prudence imposée par la loi ou le règlement.

Le parquet reproche à la compagnie d'avoir insuffisamment informé ses équipages sur les incidents subis précédemment par les sondes Pitot qui fournissent des indications sur la vitesse de l'appareil, sur les conséquences de ces incidents et sur la procédure à appliquer dans une telle situation.

Le tout "dans un contexte d'entraînement insuffisant des pilotes en haute altitude, d'une absence d'adaptation de leur formation et d'un traitement opérationnel défaillant", estime encore le parquet dans son réquisitoire.

CONTRE-EXPERTISE

Grâce aux boîtes noires, le Bureau d'enquêtes et d'analyse (BEA) avait établi que l'A330 avait décroché et effectué une chute de trois minutes trente avant de s'abîmer dans l'océan.

Dans son rapport de 2012, le BEA évoquait une "incohérence temporaire entre les vitesses mesurées, vraisemblablement à la suite de l'obstruction des sondes Pitot par des cristaux de glace", et la déconnexion consécutive du pilote automatique.

Mais il avait également mis en cause des "actions inappropriées", une "absence de lien de la part de l'équipage, entre la perte des vitesses annoncée et la procédure adaptée", ainsi que "la non-identification par l'équipage de l'approche du décrochage" et une "absence de réaction immédiate".

Dans un mémorandum transmis à la justice en 2010, Air France avait pour sa part décliné toute responsabilité dans l'accident et accusé Airbus et Thales d'être restés sourds à ses alertes sur les sondes Pitot.

Une contre-expertise commandée en février 2017 par la justice a cependant accablé l'équipage et dédouané Airbus, ce qui avait déjà suscité à l'époque les protestations de représentants de familles de victimes.

L'un d'eux, Me Sébastien Busy, a fait part mercredi de son "incompréhension" et reproché au parquet de faire "la part belle" à cette expertise en "occultant" les précédentes.

"Si on fait un procès à Air France, très bien. Mais on va passer notre temps à parler d'Airbus, qui ne sera pas là et qui ne pourra pas répondre aux questions qu'on pourrait lui poser. Donc on dissimule la moitié de la vérité aux familles des victimes", a-t-il déclaré à Reuters.

(Emmanuel Jarry, avec Cyril Altmeyer, édité par Yves Clarisse)