La Russie tente d'incriminer l'Ukraine après l'attentat de Moscou, Kyiv dément

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Une femme depose des fleurs sur un memorial improvise en l'honneur des victimes d'un attentat a la salle de concert crocus city hall, dans la banlieue de moscou[reuters.com]
(Crédits : Maxim Shemetov)

par Guy Faulconbridge, Alexander Marrow et Mark Trevelyan

MOSCOU (Reuters) - La Russie a évoqué samedi des connexions entre l'Ukraine et les auteurs présumés de l'attaque contre une salle de concert dans la banlieue de Moscou, un attentat pourtant revendiqué par l'Etat islamique qui a fait 133 morts selon le dernier bilan officiel.

Onze personnes ont été arrêtées, dont les quatre assaillants armés suspectés d'avoir perpétré une fusillade et mis le feu à la salle de concert du Crocus City Hall vendredi soir.

La branche afghane de l'Etat islamique (EI) a rapidement revendiqué l'attaque, la plus meurtrière en Russie depuis 20 ans, mais les autorités russes ont évoqué samedi un lien avec l'Ukraine malgré les dénégation de Kyiv.

Le président russe Vladimir Poutine, qui s'exprimait pour la première fois sur l'attaque, a indiqué samedi que les quatre assaillants présumés avaient tenté de fuir vers l'Ukraine avant d'être arrêtés.

"Ils ont essayé de se cacher et se sont dirigés vers l'Ukraine, où, selon des indications préliminaires, une fenêtre a été préparée du côté ukrainien pour leur permettre de franchir la frontière de l'État", a affirmé le dirigeant russe.

"Tous les auteurs, organisateurs et commanditaires de ce crime seront justement et inévitablement punis. Qui qu'ils soient, qui que soient ceux qui les guident", a-t-il ajouté.

Réagissant à cette mise en cause de son pays, le président ukrainien Volodimir Zelensky a accusé son homologue russe de chercher à "rejeter la faute" sur Kyiv, une tentative de diversion "complètement prévisible" selon lui.

"Leurs méthodes sont toujours les mêmes (...) Ils accusent toujours les autres", a-t-il ajouté.

MOSCOU NE FOURNIT AUCUNE PREUVE

Vladimir Poutine, réélu il y une semaine pour un cinquième mandat, a indiqué que la journée de dimanche serait un jour de deuil national en Russie.

Avant la prise de parole du président russe, le Service fédéral de sécurité (FSB) avait affirmé que "les quatre terroristes" avaient été arrêtés alors qu'ils tentaient de rejoindre la frontière avec l'Ukraine où ils avaient des contacts.

"Nous savons maintenant dans quel pays ces salauds avaient l'intention de se cacher pour échapper aux poursuites : l'Ukraine", a déclaré la porte-parole du ministère des Affaires étrangères, Maria Zakharova, sur Telegram.

Ni Vladimir Poutine, ni le FSB n'ont présenté de preuves d'un lien entre l'attaque et l'Ukraine, où la Russie poursuit son offensive depuis plus de deux ans.

Dès vendredi, le conseiller présidentiel ukrainien Mikhaïlo Podoliak a déclaré que Kyiv n'avait rien à voir avec l'attentat.

"L'Ukraine n'est évidemment pas impliquée dans cette attaque terroriste. L'Ukraine défend sa souveraineté contre les envahisseurs russes, libère son propre territoire et se bat contre l'armée de l'occupant et ses cibles militaires, pas contre les civils", a déclaré samedi à Reuters le porte-parole du renseignement militaire ukrainien, Andriy Yousov.

La version du FSB selon laquelle les suspects ont été arrêtés alors qu'ils étaient en route pour l'Ukraine est "bien sûr un autre mensonge des services spéciaux russes", a-t-il ajouté.

Samedi, l'Etat islamique a publié une photo qu'il a présenté comme celle des quatre auteurs de l'attaque dans la salle de concert.

"L'attentat s'inscrit dans le contexte d'une guerre qui fait rage entre l'État islamique et les pays qui combattent l'islam", a indiqué l'agence de presse de l'organisation, Amaq, dans un communiqué.

BILAN PROVISOIRE

Selon le dernier bilan officiel, la fusillade suivie d'un incendie qui a lieu au Crocus City Hall, une salle de concert près de Moscou, a fait au moins 133 morts.

Il faudra sans doute attendre plusieurs jours avant d'avoir un bilan définitif, ont dit les autorités russes, une partie du bâtiment s'étant effondrée. Seules 29 victimes ont pour le moment été formellement identifiées.

Margarita Simonyan, rédactrice en chef de la chaîne d'État RT, a publié une vidéo présentée comme celle d'un des suspects, un jeune homme barbu, interrogé au bord d'une route dans laquelle il déclare avoir quitté la Turquie par avion le 4 mars et avoir reçu des instructions de personnes inconnues via Telegram pour commettre l'attentat en échange d'argent.

Les quatre assaillants sont des ressortissants étrangers, ont dit les autorités russes, sans confirmer des informations des médias russes selon lesquelles ils seraient originaires du Tadjikistan, frontalier de l'Afghanistan.

D'après plusieurs médias, les assaillants ont allumé l'incendie à l'aide de bidons d'essence qu'ils transportaient dans des sacs à dos.

De longues files d'attente se sont formés samedi à Moscou devant des centres de dons de sang. Les autorités sanitaires ont fait état de plus de 120 blessés.

La Russie a renforcé la sécurité dans les aéroports et les centres de transport de la capitale. Tous les rassemblements et événements publics du week-end ont été annulés dans le pays.

L'attaque a été condamnée par de nombreux pays occidentaux, dont la France et les Etats-Unis, qui avaient prévenu Moscou il y a deux semaines d'une attaque imminente dans la capitale russe par des "extrémistes".

(Reportage Guy Faulconbridge et les correspondants de Reuters à Moscou, Alexander Marrow et Mark Trevelyan à Londres, Dan Peleschuk à Kyiv; version française Camille Raynaud, Blandine Hénault et Tangi Salaün)