Ce mois de décembre, les premiers bénéficiaires de la "prime inflation" reçoivent les 100 euros promis il y a quelques semaines par le Premier ministre Jean Castex. Un coup de pouce bienvenu pour les 38 millions de Français éligibles, qu'ils soient salariés, retraités, étudiants, indépendants ou encore demandeurs d'emplois. Leur point commun, gagner moins de 2.000 euros de revenus mensuels. Coût pour les finances publiques : 3,8 milliards d'euros.
Autre geste de l'Etat en cette fin d'année, le chèque complémentaire énergie versé à 5,8 millions foyers modestes. Des aides qui viennent s'ajouter à la traditionnelle Prime de Noël, qui existe depuis 1998, pour les plus démunis : un peu plus de 152 euros versés à 2,3 millions de ménages.
Alors que le Parlement a voté le dernier budget de la mandature ce 15 décembre, ces nombreuses dépenses font débat.
Une pluie de chèques, pas toujours bien ciblés
Selon les calculs des économistes d'Euler Hermes, par exemple, la seule indemnité inflation soutiendra le pouvoir d'achat moyen des ménages français à hauteur de +0,3 point sur un an", mais elle risque selon ces experts "d'avoir des effets asymétriques, d'un ménage à l'autre, entre ceux qui ont une voiture et les autres qui en bénéficient quand même".
Si le gouvernement a tenu à réagir très vite, et de façon assez simple, il prend le risque de ne pas assez cibler l'aide, souligne Mathieu Plane économiste à l'OFCE. Le directeur adjoint du département analyse et prévision regrette que "cette mesure soit individualisée et non versée par foyer, car de fait, elle manque d'équité, et de pertinence. Et de citer l'exemple : " Une femme seule, avec 3 enfants qui gagne 2.100 euros en octobre n'y aura pas droit alors qu'un couple de retraités dont la pension est de 1.800 et 1.900 euros chacun la percevront, ce n'est pas très juste". Selon lui, le gouvernement a tenu à réagir vite, mais n'a pas assez construit sa réplique.
La politique du chéquier ?
L'opposition, à droite comme à gauche, elle, crie à l'électoralisme. Les adversaires de la macronie ne manquent pas de souligner le manque de responsabilités de ce gouvernement qui signe des chèques sans provision.
Ainsi, Valérie Pécresse, candidate des Républicains, accuse Emmanuel Macron de "cramer la caisse". Le Sénat a, de son côté refusé, ce budget au motif qu'il "hypothèque l'avenir". "Il faut dire qu'entre le moment où le projet a été déposé et celui où il a été voté, on est passé de 143 à 156 milliards d'euros de dépenses, soit 13 milliards de plus en deux mois de discussions," relève l'économiste Jean-Marc Daniel.
Le gouvernement assume sa politique volontariste
De son côté, le gouvernement se défend. Ces mesures de soutien aux Français sont nécessaires. Indispensables même pour éviter de voir les rangs des banques alimentaires grossir. Mieux, à les croire, elles sont économiquement vertueuses : "Ne pas faire le 'quoi qu'il en coûte' aurait beaucoup plus pesé et handicapé notre économie que ne pas le faire, ça nous aurait coûter bien plus cher", plaide ainsi le député LREM, Roland Lescure. Le président de la commission des Affaires économiques de l'Assemblée nationale, se réfère à une étude de "l'Observatoire macro du Ceqremap", publiée en novembre 2021, qui montre que l'action volontariste de l'Etat a permis une reprise rapide et sans délai. Sans ce soutien, l'économie française aurait mis 3 ans à se remettre. "Grâce à cet arsenal, nous avons pu maintenir notre appareil de production, investir pour l'avenir, soutenir la consommation", poursuit le député macroniste.
Seul hic, pointe encore Jean-Marc Daniel : " Soutenir la consommation, c'est surtout soutenir les importations, et donc creuser encore un peu plus notre déficit extérieur !"
Des aides qui pèsent sur le budget du gouvernement
Alors que les prix de l'électricité flambent, -bien plus qu'anticipé-, le gouvernement n'envisage pas, pour l'heure, d'autres chèques de soutien. Il n'en reste pas moins que ces aides destinées à contrer l'inflation vont amputer un peu plus le budget prévu, fin septembre. Car, en plus des chèques inflation, le gouvernement a promis de compenser, la hausse pour les particuliers au tarif réglementé de l'EDF. Elle ne dépassera pas 4%. Un bouclier tarifaire a aussi été mis en place pour les consommateurs de gaz.
De fait, pour l'exécutif, la facture ne cesse de gonfler et pourrait dépasser les 15 milliards d'euros supplémentaires.
"Au-delà des finances publiques, n'y-a-t-il pas une incohérence à soutenir une consommation toujours plus importante de ces énergies ? Ne faudrait-il pas mieux accompagner la transition écologique et aider les ménages les plus modestes à pouvoir choisir d'autres façons de se chauffer ?", interroge Mathieu Plane de l'OFCE. Traumatisé par la crise des gilets jaunes, à quelques mois de l'élection présidentielle, le gouvernement n'a pas pris le temps d'ouvrir une vraie réflexion sur la gestion de cette transition.
Quid de l'inflation sur les produits alimentaires ?
Surtout, dans les premiers mois de 2022, l'inflation promet de concerner les produits manufacturés ( habillement, chaussures... ) mais aussi alimentaires. Blé, café, pâtes, .... des biens de première nécessité, qui vont encore marquer les esprits. Déjà, les responsables d'associations demandent au gouvernement d'agir notamment en instaurant des chèques alimentation. "Une option, qui n'est pas envisagée", assure un conseiller ministériel. Pressé de toute part, Bercy entend, en effet, garder la tête froide. Le ministère de l'Economie se fait cependant plus pressant sur les entreprises, appelées à faire leur part, en augmentant les salaires. "Nous leur disons depuis la rentrée de faire des gestes en ce sens, surtout dans certaines branches professionnelles comme la coiffure, le transport, la restauration où les conditions sont difficiles ...", plaide un conseiller de Bruno le Maire, le ministre de l'Economie.
L'arrivée Omicron, source de dépenses supplémentaires
Reste que l'arrivée du variant Omicron risque de compliquer la donne. " Pour de nombreuses sociétés, nous savons que cela génère de l'incertitude ... et qu'elles auront moins de marges de manœuvre pour valoriser les rémunérations, " ajoute encore ce conseiller.
Dans ces toutes dernières prévisions publiées ce 20 décembre, la Banque de France ne cache pas sa prudence face à un regain épidemique, qui pourrait "tasser la croissance". L'institution parie sur une croissance à 3,6 au lieu de 3,7% en début d'année 2022. Un léger recul qui pourrait toutefois vite s'intensifier en cas de fermeture des frontières, de rétablissement de couvre-feus ou de confinement.
Quant au gouvernement, il sait que si la situation sanitaire se détériore rapidement, et s'il doit prendre des mesures contraignant l'économie, il devra compenser les pertes. Il lui faudra réactiver certains dispositifs du "quoi qu'il en coûte".
Il a d'ailleurs déjà commencé à le faire, avec les discothèques par exemple, qui ont du fermer leurs portes pour un mois en cette fin d'année. Idem ce mardi 21 décembre, pour les entreprises de l'événementiel, les traiteurs, les agences de voyages , qui pâtissent de la reprise de l'épidémie. Le ministère de l'Economie leur a promis un soutien spécifique, via une prise en charge de leurs coûts fixes en cas de perte de chiffres d'affaires supérieures à 50 %. L'objectif étant de compenser jusqu'à 90 % la perte d'exploitation.
Avec Omicron, il y a de forts risques que le "père Noël Macron" continue sa tournée bien au-delà des fêtes ! Et ce, malgré les critiques.