À l'Afep, le blues des grands patrons

Les grands patrons s'inquiètent. C'est ce qui est ressorti d'une réunion, à l'Afep, la puissante association française des entreprises privées qui regroupe tout le CAC40. Tous sont, en effet, préoccupés par le contexte social, mais aussi les perspectives peu optimistes pour 2023 et une possible fin de la politique pro-business menée jusqu'à maintenant par le gouvernement.
Fanny Guinochet
Comme L'Oréal, Dassault, Air liquide et BNP, LVMH fait partie de l'Afep qui regroupe tous les poids lourds de notre économie.
Comme L'Oréal, Dassault, Air liquide et BNP, LVMH fait partie de l'Afep qui regroupe tous les poids lourds de notre économie. (Crédits : Charles Platiau)

L'Afep est un cercle fermé, discret, qui ne s'exprime pas, mais qui est connu pour son lobbying puissant. L'association regroupe tous les poids lourds de notre économie, les grandes familles de dirigeants  : L'Oréal, LVMH, Dassault, Air liquide, BNP...Des membres qui se réunissent régulièrement comme mercredi dernier. La plupart des dirigeants étaient, en effet, présents lors d'un petit-déjeuner, excepté Patrick Pouyanné, le patron de Total en déplacement à l'étranger.

Comme toujours, à l'occasion de ces échanges, un tour de table est organisé. Chacun donne la tendance, son sentiment vis à vis de la situation économique, sociale, politique. Mais, contrairement à d'habitude, c'est une vision très noire, très pessimiste qui est ressortie de ces échanges, voire « presque apocalyptique », selon un participant. « Il n'y a que l'Oréal qui était plus mesuré, plus confiant, étant donné que les ventes de cosmétiques se développent », précise un autre. Pour le reste, c'est une vraie douche froide.

Ces derniers mois, les grands dirigeants avaient pourtant affiché un certain optimisme. Bien que la guerre en Ukraine complique le business, ils s'attendaient quand même à une dynamique de reprise.

Un contexte social qui inquiète

Face à la grève qui dure depuis plus de trois semaines au sein des raffineries et dépôts français, tous craignent désormais une contagion sociale avec des dérapages. Sans compter que, depuis, la CGT a annoncé une journée de grève nationale mardi 18 octobre. Tous restent traumatisés par les Gilets jaunes, les violences, les destructions de commerces, des banques, les Champs-Elysées pris d'assaut...Les images désastreuses de la France à l'étranger, l'activité à l'arrêt, les touristes qui n'osent plus venir ne leur ont laissé que des mauvais souvenirs.

Sans compter, que ces mobilisations les obligent à se pencher sur la question de la revalorisation salariale dans leurs propres entreprises.

Au-delà de l'ambiance sociale, tous anticipent une année 2023 très difficile marquée par des prix toujours à la hausse dans l'énergie, des difficultés persistantes d'approvisionnement des matières premières ainsi que par une grande incertitude quant à la croissance chinoise qui ne dépassera pas les 2%. Le pays ne pourra donc pas être la locomotive de la reprise, rôle qu'il a joué en 2008. De son côté, l'Europe apparaît très fragile.

Le soutien du gouvernement...Mais jusqu'à quand ?

Jusqu'à présent, l'exécutif était à leurs côtés. Mais ces dirigeants s'inquiètent de voir cette politique pro-business prendre fin. Car, à l'Assemblée nationale, à l'occasion de l'examen du budget qui se tient en ce moment, la tonalité change. Gabriel Attal, le ministre des comptes publics, a beau batailler pour garder le cap en faveur des entreprises, il n'est pas parvenu à imposer sa ligne. Des mesures comme la taxe visant à dissuader les grandes entreprises de distribuer des résultats exceptionnels sous forme de « super-dividendes » et le rétablissement dans sa version initiale de l'« exit tax », destinée à freiner l'exil fiscal des entrepreneurs, ont ainsi été adoptées dans l'hémicycle la semaine dernière. Des amendements qui sont, étonnement, venus d'une proposition du Modem et qui ont reçu des votes de la majorité Renaissance.

Le spectre des délocalisations revient

Aussi, dans ce contexte, un certain nombre de patrons réfléchissent non pas à relocaliser leur production, mais bien, de nouveau, à délocaliser. Sans le dire clairement lors du petit-déjeuner de la semaine dernière, beaucoup mènent actuellement des études pour installer des sites de production du côté du Maroc, du Brésil, ou encore des Etats Unis. La main-d'oeuvre y est moins chère, les mouvements sociaux jusqu'alors moins virulents et les matières premières moins coûteuses..

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À charge pour le gouvernement de les convaincre de rester dans l'hexagone. Emmanuel Macron, ou encore Elisabeth Borne, la Première ministre le feront peut-être mardi soir, à l'occasion des 40 ans de cette puissante Afep. Tous deux, ainsi que les ministres de l'Economie, Bruno Le Maire, du Budget, Gabriel Attal et du Travail, Olivier Dussopt sont invités par le gratin des dirigeants français à Beaubourg pour cet anniversaire. Néanmoins, il n'est pas certain qu'un aréopage de politiques prenne le risque de s'afficher alors que la CGT promet une journée d'action suivie. Et que dans la rue, les salariés manifestent pour des augmentations.

Fanny Guinochet
Commentaires 2
à écrit le 17/10/2022 à 14:20
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Incroyables. Ces grands patrons deprimeraient donc car la perspective de faire et d'engranger toujours plus s'obscurcit. A l'heure ou les défis sociétaux n'ont jamais été aussi vitaux pour notre avenir, ces messieurs s'inquiètent de ne plus pouvoir ...

à écrit le 17/10/2022 à 13:17
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"préoccupés par le contexte social ... " Tiens donc ! comme si le patronat n'était pas déjà une partie du problème ? ..... et donc une partie de la solution s'il veut bien s'en saisir !!!!

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