Intérim : face à la pénurie post-Covid, la chasse aux candidats est ouverte pour les entreprises

Alors qu’il frappe de nombreux secteurs de l’économie française, le manque de main d’œuvre touche aussi le agences intérim qui ont du mal à recruter du personnel intérimaire et sont obligées d’innover pour trouver une parade. Décryptage.
« Le marché a aujourd'hui changé et les entreprises doivent s'adapter aux exigences des candidats pour les attirer » explique Benoît Pradier à La Tribune.

« On galère vraiment à trouver des candidats »... Chez Synergie, Adecco ou d'autres agences d'intérim, les difficultés de recrutement s'accentuent depuis quelques mois alors que la pénurie de main-d'œuvre se généralise dans l'Hexagone et que les exigences des intérimaires évoluent. Alors que le début d'année était prometteur avec, par exemple une hausse de 14% des emplois intérimaires en janvier par rapport au même mois de l'année 2021, la croissance a nettement ralenti dès mars 2022, selon le baromètre de l'agence intérim Prism'emploi, pour carrément reculer de 2,5% au deuxième trimestre de l'année, selon la Direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (DARES). Toutefois, avec 775.400 intérimaires en France fin août, l'emploi intérimaire est en hausse de 2% sur un an.

« Cela fait 24 ans que je suis dans l'intérim et je n'ai jamais vu une pénurie globale comme ça, qui concerne tous les métiers, tous les secteurs et tous les bassins ! », confiait récemment à l'AFP Benoît Pradier, directeur commercial chez Synergie (agence d'intérim). Toutefois, pour La Tribune, il précise que « c'est compliqué de recruter mais les professionnels du travail temporaire ont davantage l'expérience, les canaux et les moyens que les entreprises », preuve que ces agences peuvent répondre aux quatre pénuries principales que sont la pénurie de compétences (le personnel recruté est de plus en plus qualifié), la pénurie géographique (exigences des intérimaires sur la localisation des recruteurs), la pénurie conjoncturelle (le prix des carburants limite les déplacements des intérimaires) ou encore sectorielle car tous les secteurs ne sont pas touchés de la même manière et certains s'en sortent mieux que d'autres.

Le BTP, un secteur sous haute tension

La construction est l'un des secteurs ayant été le plus touché par cette pénurie de main-d'œuvre. En effet, au deuxième trimestre 2022, l'emploi intérimaire a en moyenne reculé de 4,7% dans la construction (-7.000 intérimaires) sur un an, selon la DARES. Même tendance dans le cas particulier du BTP où les effectifs intérimaires du mois d'août ont diminué de 8,8% sur un an. « Le BTP est l'un des secteurs qui a le plus souffert car avec la pandémie, beaucoup de chantiers ont été arrêtés en raison des retards de livraisons de matériaux » explique à La Tribune Didier Fourquin, directeur des opérations chez Adecco Training (organisme de formation professionnelle du groupe Adecco). Pour Benoît Pradier du groupe Synergie cette baisse s'explique par le ralentissement d'activité rencontré du secteur en raison des décalages de certains chantiers en raison des difficultés d'approvisionnement et de la hausse des prix.

Une croissance plus soutenue pour le secteur tertiaire

En revanche, des secteurs semblent plus attractifs. C'est le cas des secteurs de l'industrie ou des services. Et notamment du secteur aéronautique, qui, après deux années de baisse de production, a retrouvé, voire dépassé, le niveau de cadences observé avant la crise sanitaire. En août, ce secteur demeurait la principale activité contributrice aux créations d'emplois intérimaires, selon l'agence Prism'emploi.

Toutefois, c'est bien le secteur tertiaire qui connaît la croissance la plus soutenue en termes d'intérimaires avec une hausse de 6% sur un an pour le mois d'août 2022. « Le secteur des services est en forte croissance dans l'intérim » confie en effet le directeur commercial de Synergie. Porté par d'importants besoins de recrutements dans certaines activités telles que l'hôtellerie-restauration, la santé et l'action sociale, le tertiaire est donc un réel acteur de l'intérim.

Les intérimaires sont de plus en plus qualifiés et les agences intérim, pour les retenir, proposent davantage de CDI intérimaires, une mesure de sécurité pour les candidats dont les exigences augmentent.

Un contexte favorable aux intérimaires

Face à cette évolution du marché qui leur est favorable, les candidats sont plus « désinhibés » sur leurs exigences et le télétravail ou le nombre de RTT ne sont « plus des questions taboues en entretien » note Gaëlle Huault, responsable de la zone Île-de-France de l'agence intérim Synergie au micro de l'AFP. Ainsi, certains intérimaires peuvent désormais se permettre de renoncer à des propositions de travail temporaire en attendant d'en recevoir une meilleure. « Plusieurs personnes dans mon entourage refusent des missions en attendant une meilleure proposition, ce qu'elles ne pouvaient pas se permettre avant », concède Sofiane Khaldi à l'AFP, intérimaire hors de Synergie et membre de la CGT Intérim.

« Le marché a aujourd'hui changé et les entreprises doivent s'adapter aux exigences des candidats pour les attirer » explique Benoît Pradier à La Tribune avant de préciser que « non, les intérimaires n'ont pas repris le pouvoir mais les exigences sont différentes, et les contraintes également ». En effet, depuis la crise du Covid-19, les candidats cherchent davantage la proximité et sont plus exigeants quant aux possibilités de télétravail, une manière pour eux d'imposer leurs propres critères. D'ailleurs, les candidats restent désormais disponibles « moins de 24 heures » et les agences d'intérim poussent désormais les entreprises clientes à raccourcir leurs processus de recrutement.

Cependant, même si le rapport de force évolue, il ne s'inverse pas pour autant et les intérimaires ne peuvent négocier un facteur important : le salaire. Dans un contexte de flambée des prix, nombre d'entre eux refusent certaines missions car le salaire proposé est trop faible comparé aux dépenses engendrées. « Quand on doit faire 50 km aller-retour par jour, ça monte vite. Mettre 300 euros juste dans l'essence pour une paie au Smic, ce n'est pas rentable du tout » explique Sofiane Khaldi, d'où le manque croissant d'intérimaires et les problèmes de recrutement.

Le renouveau du secteur de l'intérim

Face à cette pénurie de main-d'œuvre, à la forte demande des entreprises ou encore à l'exigence accrue des intérimaires, il faut renouveler ce secteur et cela passe d'abord par la formation des candidats. En effet, de multiples agences d'intérim ont maintenant pour mission de former les intérimaires cherchant un emploi. Synergie propose tout type de formations, beaucoup sont courtes mais ils en proposent également des plus longues, sur la maintenance par exemple. « Nous proposons également des passerelles-métiers » déclare Benoît Pradier, preuve que les offres sont multiples. Chez Adecco, la tendance est la même. Avec sa Grande école de l'alternance, le groupe propose des formations dans les « secteurs d'avenir » afin de « retenir les talents »« La formation, notamment par alternance, est un moyen efficace pour accompagner les candidats vers des métiers qui recrutent, pour accéder à l'emploi, progresser ou s'y maintenir » confie Didier Fourquin. Toutefois, l'évolution de la formation n'est pas le seul changement que le secteur de l'intérim connaît, il commence à se digitaliser.

En effet, certains prônent la digitalisation de l'intérim qui permettrait de mettre en relation plus facilement les intérimaires et les recruteurs. Gaylord Thireau, lead developer de l'agence d'intérim Staffmatch, qui allie le domaine digital et le domaine physique, explique ainsi à Forbes que cette plateforme « facilite au mieux les interactions entre les clients et les intérimaires ». Ainsi, Simon Neuheussler, CTO de l'entreprise, précise qu'avec le site web et l'application mobile, les intérimaires ont un « suivi complet de leurs missions, de la demande à la paie en passant par tous les aspects administratifs ». Ainsi, la digitalisation du recrutement permet aux intérimaires comme aux entreprises d'être plus réactifs et de redynamiser le secteur. Une étude du Xerfi suggère alors que d'ici 2023, le travail temporaire digital devrait représenter entre 4,5% et 7,5% du chiffre d'affaires du marché de l'intérim.

Commentaires 3
à écrit le 12/10/2022 à 21:54
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Les agences d'interim peuvent déjà balayer devant leur porte et se poser les bonnes questions. Un peu comme les restaurateurs.

à écrit le 11/10/2022 à 17:27
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Et l intérim fonctionne par être intime ,il nous incrives puis plus de nouvelles j appels plusieurs agences . Mais rien ,à croire qu'ils ont aucun travail . Les agences fonctionnent par inscription et des fausses annonces ,et je confime

à écrit le 11/10/2022 à 16:39
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De toute évidence les boîtes d'intérim font face à une concurrence déloyale des emplois précaires déguisés en formation au moyen de contrats d'apprentissage subventionnés par nos impôts. Ceci dit elles profitent d'un statut privilégié en déguisa...

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