Affaire McKinsey : le parquet national financier ouvre une enquête, "enfin" se félicitent les candidats

A quatre jours du premier tour de la présidentielle, le parquet national financier (PNF) a annoncé avoir ouvert une enquête sur les pratiques d'"optimisation fiscale" du cabinet de conseil américain. Depuis le début de la polémique, l'opposition en appelait à la justice avec insistance.
(Crédits : © Stephane Mahe / Reuters)

[Article mis à jour jeudi 7 avril 2022 à 14h00 avec la déclaration de Bruno Le Maire]

"S'il y a des preuves de manipulation, que ça aille au pénal", avait répliqué dix jours après l'éclatement de l'affaire McKinsey Emmanuel Macron, à ceux qui lui reprochaient les nombreux contrats noués par la puissance publique pour résoudre plusieurs dossiers. C'est désormais le cas avec l'annonce du parquet national financier (PNF) de l'ouverture d'une enquête sur les pratiques d'"optimisation fiscale" du cabinet de conseil McKinsey révélées par la commission d'enquête du Sénat mi-mars.

Au-delà du volet sur les dépenses de conseil des ministères qui ont presque triplé, passant de 379,1 millions d'euros en 2018, à 893,9 millions d'euros en 2021, pose également question l'aspect fiscal de ce dossier brûlant pour la présidence actuelle, à quatre jours du scrutin qui donne Emmanuel Macron favori, selon les sondages.

Le cabinet McKinsey est accusé de ne pas avoir payé d'impôts sur les sociétés en France entre 2011 et 2020, tandis que ces commandes représente 5% des dépenses en conseil en stratégie de l'État, avait détaillé le ministre des Comptes Publics Olivier Dussopt. Et le gouvernement représente de son côté 5% du chiffre d'affaires de McKinsey France.

Le contrôle de Bercy

"La situation fiscale de McKinsey est protégée par le secret fiscal, nos services ont diligenté une opération de contrôle à la fin de l'année 2021", avait affirmé Bercy. "Il n'y a rien à cacher", a insisté Olivier Dussopt, qui a martelé que l'État avait fait preuve de "transparence".

Mais acculé par la polémique menée par les oppositions, le PNF a donc réagi. Dans un communiqué, le procureur national financier a indiqué qu'après avoir pris connaissance du rapport de la commission d'enquête du Sénat sur l'influence des cabinets de conseil privés sur les politiques publiques et procédé à des "vérifications", son parquet avait ouvert le 31 mars une enquête préliminaire pour blanchiment aggravé de fraude fiscale.

Les investigations ont été confiées au Service d'enquêtes judiciaires des finances (SEJF), précise Jean-François Bohnert dans ce communiqué qui ne mentionne pas le nom de McKinsey. Le SEJF est un service de "police fiscale" créé en 2019 et placé sous la tutelle du ministère de l'Action et des Comptes publics.

"Suspicion de faux témoignage"

Interrogé mercredi sur TF1, le président-candidat a répondu que c'était "une très bonne chose" qu'il y ait enquête "quand on dit qu'une entreprise aurait fraudé". Il a repris l'argument selon lequel le non-paiement de l'impôt sur les sociétés par McKinsey s'expliquait par les règles fiscales en vigueur, affirmant s'être "battu" au niveau européen pour qu'elles changent bientôt.

McKinsey "paiera tout ce qu'ils doivent comme impôt au Trésor public français", a réaffirmé jeudi le ministre de l'Economie Bruno Le Maire. Le ministre n'a pas souhaité commenter directement l'ouverture de cette enquête, estimant seulement sur Franceinfo que "c'est le rôle de la justice de se saisir des affaires dont elle estime qu'elle doit se saisir". "Qu'on ne laisse pas dire que l'administration fiscale ne fait pas son travail", a enchaîné M. Le Maire.

Les sénateurs avaient par ailleurs annoncé avoir saisi la justice pour "suspicion de faux témoignage" contre un dirigeant de McKinsey qui avait affirmé que son cabinet payait bien l'impôt sur les sociétés (IS) en France. Aucune enquête n'a toutefois été ouverte à ce jour pour ce chef, selon une source proche du dossier.

Le cabinet américain a assuré mercredi dans un communiqué qu'il se tiendrait "à la disposition des administrations et autorités compétentes" s'il était sollicité, réaffirmant qu'il respectait "les règles fiscales et sociales françaises qui lui sont applicables".

L'opposition jubile

"Il était temps" d'ouvrir une enquête, a réagi au sujet de ce "scandale" la candidate LR Valérie Pécresse.

"Enfin", ont salué sur Twitter les candidats Eric Zemmour, Fabien Roussel ou Nicolas Dupont-Aignan.

"Mais pourquoi n'y en-a-t-il toujours pas (d'enquête, ndlr)sur les éventuels conflits d'intérêt entre E. Macron et les cabinets de conseil ? Et sur son patrimoine ? ", a ajouté M. Dupont-Aignan.

Le chef du RN Jordan Bardella a dénoncé une "affaire d'Etat" et un "gouvernement Macron-McKinsey".

"Ce cabinet de conseil paiera ce qu'il doit payer", a affirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. Contacté par l'AFP, Bercy a refusé de faire des commentaires sur cette procédure.

Quelques jours plus tôt, le Ministère de l'Economie affirmait qu'il était en première ligne pour "combattre l'évasion fiscale", et que le gouvernement n'a "pas de leçons à recevoir" selon les mots de Bruno Le Maire.

(Avec AFP)

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Commentaires 8
à écrit le 08/04/2022 à 17:58
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Les magistrats vont savoir comment taper : si Macron est bien placé, ils feront un classement sans suite ou prendront 5 ans pour traiter cette affaire, et si c'est Le Pen qui gagne, alors ils agiront contre le perdant.

à écrit le 08/04/2022 à 8:55
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En effet on peut regretter de naps avoir un néolibéralisme à la française au moins et non à l'américaine forcément moins adapté à notre pays mais même ça ils n'y arrivent plus nos politiciens. C'était le modèle anglais, ensuite ce fut le modèle allem...

à écrit le 07/04/2022 à 11:54
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Comment faire confiance 5 ans de plus sans se sentir considéré comme "des pigeons"?

à écrit le 07/04/2022 à 11:08
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Puisqu’apparemment Macron, ses ministres et même l’opposition dans ses responsabilités locales, à en croire Bruno Le Maire, ne savent plus gouverner sans l’aide des cabinets de conseil, la meilleure solution pour éviter l’évasion fiscale qui est, sem...

à écrit le 07/04/2022 à 10:53
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La situation n est pas nouvelle puisque l opposition est aussi concernée depuis 2011… ce cabinet ne paye pas d’impôt à cette date … de plus il semblerait que ce soit une loi européenne qui permettent la défiscalisation - les autres pays ne trouvent r...

à écrit le 07/04/2022 à 10:49
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cette situation prévaut depuis 2011 donc cocasse que l opposition s en saisisse en 2022 alors qu au pouvoir ..ca ne la derangeait pas...bref y voir une reponse politicienne du senat au projet de la reforme des retraites y COMPRIS DES SENATEURS que Ma...

à écrit le 07/04/2022 à 9:01
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ca donne au moins le caractere minable non seulement des politicines verreux ( qui ne veulent pas qu'on aille jeter un oeil sur les comptes publics ou sur ceux des syndicats), mais sur celui des francais en general......les prix de transfert c'est ce...

à écrit le 07/04/2022 à 8:36
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Plus de problème , aucune chance que cela se traduise par quoi que soit avant les élections comme avec Fillon. Drôle de pays où les juges interviennent régulièrement à l'approche des élections.

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