Assurance chômage : le durcissement des règles fait débat dans la majorité

Le gouvernement, par la voix du Premier ministre Gabriel Attal, prévoit une réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs. Mais la mesure reçoit une vive opposition au sein même de la majorité.
Pôle emploi, devenu France Travail.
Pôle emploi, devenu France Travail. (Crédits : © Marta NASCIMENTO/REA)

Le gouvernement cherche des milliards d'euros d'économies pour réduire le déficit, et lorgne notamment sur les indemnités chômage. Le Premier ministre Gabriel Attal a déjà esquissé sa feuille de route, qui prévoit une réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs, avec une entrée en vigueur dès cet automne. Mais l'aile gauche de la Macronie multiplie les mises en garde contre ce projet. Elle estime, notamment par le biais du président de la commission des Lois de l'Assemblée Sacha Houlié, que ce n'est pas la bonne voie. Une nouvelle crise interne en approche ?

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Réduction de la durée d'indemnisation des chômeurs

A peine les plaies de la loi immigration se referment-elles que l'exécutif et sa majorité semblent ouvrir un nouvel épisode de divisions. L'objet des désaccords : la nouvelle réforme de l'assurance chômage envisagée par Gabriel Attal, qui devrait prévoir une réduction de plusieurs mois de la durée d'indemnisation des chômeurs, actuellement de 18 mois pour les moins de 53 ans.

Cette annonce intervient en plein contexte de dérapage dans les comptes publics. La France a accusé un déficit de 5,5% du PIB en 2023, soit bien plus que les 4,9% projetés par le gouvernement. « Soyons clairs : ce n'est pas une réforme financière. Nous ne la faisons pas pour faire des économies mais pour parvenir au plein emploi, c'est-à-dire 5% de taux de chômage », a assuré samedi à Ouest-France le ministre de l'Economie Bruno Le Maire, qui défend ne pas s'en prendre aux chômeurs.

Cette lecture a cependant été vivement contestée dimanche par Sacha Houlié, sur le plateau du Grand Jury. « Si nous réduisons la durée d'indemnisation, à quelles fins le faisons-nous ? Une mesure d'économie. Est-ce que je pense qu'il faut faire une mesure d'économie sur les chômeurs aujourd'hui ? Je ne le pense pas », a-t-il déclaré. L'élu de la Vienne a fait valoir que l'exécutif avait déjà réformé par deux fois l'assurance chômage, en 2019 et 2023, en mettant notamment en place une mesure de contracyclicité. Concrètement, les conditions d'indemnisation se durcissent quand le chômage baisse, et s'assouplissent quand il augmente. « Est-ce qu'il faut une nouvelle réforme sur ce sujet alors même qu'on constate que le chômage ne baisse plus ? », s'est-il interrogé, estimant que les règles étaient déjà sévères. « A partir du moment où je constate que ce n'est pas le retour à l'emploi qui est la motivation, que ce sont des économies qui sont recherchées, je dis que ce n'est pas la bonne voie », a-t-il insisté.

La marcheurs de la première heure mécontents

Selon le président de la commission des Lois, plusieurs cadres de la majorité tiennent la même ligne face au projet du gouvernement. Il cite notamment le président de la commission des Affaires économiques Stéphane Travert, le vice-président du groupe Renaissance Marc Ferracci, ou encore la députée de Paris Astrid Panosyan-Bouvet. Tous des marcheurs de la première heure.

Ainsi Mme Panosyan-Bouvet a-t-elle estimé vendredi que « réduire la durée de l'indemnisation chômage des seniors serait injuste », jugeant sur X que « l'urgence n'est pas de réformer l'assurance chômage, mais de rendre attractifs les métiers qui ne le sont pas (...) et lever les freins centraux à l'emploi ». De son côté, M. Ferracci, a considéré que la priorité était de « toucher au critère de l'éligibilité », c'est-à-dire le nombre de mois travaillés pour être indemnisé. « Après, si le gouvernement veut toucher à la durée, il aura l'occasion de le faire », a-t-il évacué jeudi sur France 2.

Dimanche, un autre tenant de l'aile gauche a pris ses distances : Clément Beaune, ancien ministre des Transports, écarté du gouvernement en janvier après avoir exprimé ses réserves sur la loi immigration. « Nous devons être prudents et cohérents », a-t-il souligné sur France Info, appelant à être « plus protecteur » car « le marché du travail va moins bien ». M. Beaune a aussi reconnu qu'il existait un risque de précariser les plus fragiles « si on allait vers des paramètres qui sont trop durs ».

Eviter un « concours Lépine des mesures d'économies »

Alors que le gouvernement cherche des mesures d'économies face au dérapage budgétaire, le député a exhorté son camp à ne pas « égrener chaque jour le concours Lépine des mesures d'économies ». Dernière en date, l'hypothèse évoquée dans nos colonnes d'allonger le délai de carence en cas d'arrêt maladie dans le privé, ce temps qui précède le début de l'indemnisation de la Sécurité sociale. « Le jour de carence, c'est un paramètre qui a souvent été allongé ou réduit. Je pense que c'est quelque chose sur lequel il ne faut pas revenir », a prévenu Clément Beaune. « C'est important de le garder tel qu'il est », a-t-il ajouté. Le député Renaissance s'est en revanche montré ouvert aux propositions de taxe sur les superprofits des grandes entreprises, une piste de recettes qui fait son chemin.

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« Gabriel Attal n'a jamais présenté cette réforme comme une mesure d'économie" mais comme "une mesure pour dynamiser les recettes », assure à l'AFP un conseiller de l'exécutif, notant que le Premier ministre avait pris soin de rassembler des députés de la majorité, dont certains de l'aile gauche, avant de lancer ses pistes au JT mercredi. « Ceux qui étaient présents étaient plutôt à l'aise sur le projet », affirme le même, circonscrivant les divergences à une minorité au sein du groupe. Un travail de conviction que le Premier ministre répètera mardi, en se rendant devant les députés Renaissance. Espérant ne pas ajouter la menace d'un front politique au front social.

Commentaires 32
à écrit le 02/04/2024 à 9:54
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Ben parce que si taper sur les chromeurs et les pauvres marchait ça ferait plus de 10 ans que nous devrions avoir 5% de croissance économique par an selon leurs théories esclavagistes. Or jamais la situation n'a été pire. Nous avons les preuves de le...

à écrit le 02/04/2024 à 8:59
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nous avons tous un voisin qui profite du système pour refaire sa maison ou tout simplement se la couler douce. ceux la il faut les remettre au travail salarié

à écrit le 01/04/2024 à 19:26
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Après avoir augmenté les retraites de plus de 5% alors que les salaires sur lesquels sont prélevées les cotisations n'ont augmenté que de 2.5%, le gouvernement se rend compte de la bourde (qui coute 15 milliards d'euros en année pleine) et cherche de...

le 02/04/2024 à 8:13
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Oui, le clientélisme pour les boomers nés autour de 1945/1950 est le fonds de commerce des partis "de gouvernement" depuis l'époque de VGE.

à écrit le 01/04/2024 à 16:51
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Il est déplaisant de voir nos riches salariés de députés et sénateurs qui sont incapables de voter un budget en équilibre depuis 50 ans et à qui ON a ôté le droit d'élire le président de la république s'occuper de réduire les droits de salariés qui n...

le 01/04/2024 à 18:58
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En France personne n'est victime. Nous sommes tous complices de notre deroute.

le 01/04/2024 à 19:24
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@Adieu BCE: Vous auriez raison dans une Démocratie parfaite qui nous permettrqit de sanctionner nos élus en cours de mandat; et, d'ailleurs, sont-ce vraiment nos élus, dans ce pays où il faut être adoubé ou avoir fait Sciences Po. pour faire partie d...

le 02/04/2024 à 9:03
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@AdieuBCE : certains français sont plus complices que d'autres, le fonds de commerce de la droite classique (dans laquelle je compte Macron) étant de faire du socialisme à l'envers avec la bénédiction de son électorat très majoritairement retraité ca...

à écrit le 01/04/2024 à 16:38
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La panique des chômeurs professionnels!

le 01/04/2024 à 18:58
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@revo : c'est typique ce sont toujours ceux qui ne sont pas touchés genre retraités ou fonctionnaires qui se réjouissent de ce genre de mesure, en gros l'électorat privilégié macroniste. Le chômeur professionnel ça n'existe pas, à part certains tels ...

le 01/04/2024 à 20:48
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@Fredo30400: Donc si les allocations et le duree d'assurance de chomage sont reduites pour tout le monde, y compris l'age de retrait a plein taux pour les ballerines d'opera national de Paris, seriez-vous d'accord ?

à écrit le 01/04/2024 à 16:32
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Peut-on imaginer qu'avant de prendre une décision sur les bénéficiaires des assedic, une étude d'impact a été réalisée. Celle-ci devrait être communiquée aux partenaires sociaux.... Pourvu que ça dure !

à écrit le 01/04/2024 à 16:26
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La stratégie néolibérale se répète: appauvrir les pauvres pour faire gagner les plus chanceux, la valeur d'un être humain n'étant défini que par un calcul d'utilité... Adieu l'humanise et vive l'argent-dieu.

à écrit le 01/04/2024 à 15:47
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Je trouve assez curieux que pour remédier au déficit plus élevé que prévu de l'Etat, on présente comme remède un durcissement de l'assurance chômage alors même que si celle ci est bien entendu présente dans les prélèvements obligatoires du pays, el...

à écrit le 01/04/2024 à 15:15
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L'etat doit aussi revoir sa copie exemple vécu par mon fils . A cause de la baisse dans les imprimeries ,comme commercial il c'est retrouve au chômage !!!!! il a demandé a l'ANPE de faire une formation refusée parce qu'il n'était pas au chômage dep...

à écrit le 01/04/2024 à 13:15
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Ça va encore finir par un blocage du pays, et finalement couter plus cher que cela va rapporter. La stigmatisation des populations défavorisées n'est même plus populaire, car chacun est conscient des difficultés économiques d'aujourd'hui. C'est vrai ...

à écrit le 01/04/2024 à 11:44
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Avec la chute brutale de la consommation, les taxes diverses et variees vont etre a la baisse. Moins de rentrees fiscales, moins d'emplois en bout de chaine. Vous etes mal, tres mal.

à écrit le 01/04/2024 à 10:37
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"M. Beaune a aussi reconnu qu'il existait un risque de précariser les plus fragiles « si on allait vers des paramètres qui sont trop durs »." Les allemands connaissent bien le sujet puisque avec les lois Hartz ,1,2,3,4 elles ont fait explosé la pa...

à écrit le 01/04/2024 à 8:57
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Ils n'ont pas encore compris qu'il faudra trouver 100 milliards d'euros d'économies bientôt et que c'est leur devoir de les trouver. 43 ans de récré à l'assemblée, en distribuant l'argent du futur contribuable inconscient, ça a assez duré.

à écrit le 01/04/2024 à 7:51
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Évidemment pour remettre les compteurs à zéro il faut faire ce sale boulot de tous les côtés

le 01/04/2024 à 10:59
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Pas de tous les côtés, en fait toujours du même, le fond de commerce de politiciens de droite tels que Bruno Le Maire est de stigmatiser les chômeurs pour brosser dans le sens du poil la génération des cadres bien payés en CDI et partis en retraite v...

à écrit le 01/04/2024 à 5:32
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C'est une mesure e bon sens , 12 mois d'indemnisation est une période suffisamment longue pour retrouver un poste après un licenciement pour peu qu'on en ait vraiment la volonté. L'assistanat est le cancer de notre pays.

le 01/04/2024 à 8:29
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A ceci près qu'un chômeur ne va pas déménager pour un CDD de deux mois au Smic à l'autre bout de la France là où il faut en plus de toute manière un CDI avec un salaire de cadre sup pour se loger... En fait l'idée est de faire des économies sur le do...

le 01/04/2024 à 9:02
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@o 12 mois c'est même trop. Comparons nous aux pays plus avancés et productifs. Dans les autres pays voisins, qui vont tous mieux, comment font-ils sans notre gabegie sociale?

le 01/04/2024 à 12:25
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Parlez en au 600 000 élus de ce pays ou par exemple au communauté d'agglo qui avalent goulument 50 milliards d'euros par ans.

le 01/04/2024 à 15:12
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@AdieuBCE : comment font les autres pays? Ils n'ont pas tous les fardeaux qu'on traine simultanément en France, à savoir une culture catholique synonyme de patronat arriéré et de bourgeoisie corrompue, des millions de jeunes dont on ne sait pas trop ...

le 01/04/2024 à 22:58
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@ Jason : quel âge avez vous? Je suis un ex cadre du privé licencié à 57 ans depuis 18 mois qui était paye 4100€ net mensuel . je ne trouve pas de boulot car soit je suis trop vieux , soit je suis «  trop expérimenté «  comprendre trop cher .. compt...

le 02/04/2024 à 6:54
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@AdieuBCE : comment font les autres pays? ils ont le bénéfice d'au moins un facteur structurel à lui seul suffisant pour que comparer avec la France revient à comparer des choux et des carottes. Les pays où la configuration serait la plus proche sera...

à écrit le 31/03/2024 à 20:34
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Forcément, les réformes frappent à chaque fois les chômeurs sans trop demander de comptes aux entreprises en matière d'abus d'emplois courts ou de discrimination envers les femmes, les séniors, les invalides...

le 01/04/2024 à 6:30
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Tout à fait. D'après certaines personnes, c'est le salarié qui serait la cause de la perte d'emploi...alors que c'est l'inverse dans l'immense majorité des cas.

le 01/04/2024 à 11:50
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En fait, le fonds de commerce de la droite consiste à acheter le vote de la génération entrée dans la vie active pendant les 30 Glorieuses et ayant pour dire fait carrière dans la même entreprise jusqu'à la retraite souvent avant 60 ans (j'ai vu des ...

à écrit le 31/03/2024 à 20:08
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"une mesure pour dynamiser les recettes " les deux réformes antérieures récentes ont dynamisé les recettes, ou on n'est sait rien du tout (manque de recul pour jauger des effets, c'est pourtant fondamental de voir si ce qui est décidé comble l'espoir...

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