
Après une semaine d'intenses débats, le Sénat, dominé par l'opposition de droite, a adopté à 184 voix contre 108, le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) ce mardi 21 novembre.
Les parlementaires ont toutefois assorti leur texte de plusieurs mesures visant à interpeller le gouvernement sur le déficit de la « Sécu », voué à se creuser. Ce dernier s'élèvera en effet à 8,8 milliards d'euros en 2023 puis à 11,2 milliards en 2024, d'après les projections du gouvernement. Il pourrait néanmoins être corrigé à 10,7 milliards après intégration de l'impact financier de certains amendements, toujours selon l'exécutif. À plus long terme, il pourrait atteindre 17,5 milliards à l'horizon 2027.
Flot de mesures...
Mais pour le Sénat, ces projections du gouvernement sont « optimistes ». Pour marquer sa désapprobation, la chambre haute a rejeté la trajectoire financière 2024-2027 et l'objectif national de dépenses de l'Assurance maladie pour 2024.
Les sénateurs ont également remanié le budget de la Sécu en reportant par exemple à 2028 la réforme de la tarification à l'activité (modèle de financement des hôpitaux), ou en supprimant la réforme du calcul de la clause de sauvegarde, cette contribution financière versée par les entreprises pharmaceutiques à l'Assurance maladie lorsque leur chiffre d'affaires croît très vite. Ils ont également tenu à faire figurer dans le texte de loi des dispositions permettant de s'assurer que l'exécutif ne ponctionnera ni la caisse de retraites complémentaires du privé Agirc-Arrco, ni l'Unédic.
Le Sénat a aussi tenté de s'assurer que le gouvernement ne procédera pas au doublement des franchises médicales - le reste à charge des assurés sur les médicaments et les consultations - un dossier sur lequel « aucune décision n'est prise » selon Aurélien Rousseau.
Quelques ajouts de la Haute Assemblée ont même fait parler, comme cette « taxe lapin » visant à pénaliser des patients qui n'honoreraient pas leurs rendez-vous médicaux, ou cette augmentation des taxes sur les boissons sucrées, adoptée contre l'avis du gouvernement à l'initiative du groupe... macroniste.
... vouées à disparaître
Autant de mesures qui disparaîtront, sauf surprise, du budget final de la Sécu lors d'une nouvelle lecture à l'Assemblée nationale. Car le gouvernement y a activé l'article 49.3 de la Constitution, pour la quatrième fois depuis la reprise des travaux parlementaires en septembre et la 15e depuis l'arrivée à Matignon d'Élisabeth Borne. Cette arme constitutionnelle pourra ainsi lui permettre de faire adopter ce PLFSS sans vote en conservant uniquement les mesures qu'il souhaite et en tournant le dos à toutes les autres.
Les sénateurs des oppositions le savent et ont déjà exprimé leur mécontentement. « C'est un PLFSS désenchanté, qui nage dans les eaux troubles du déficit », a dénoncé le sénateur Olivier Henno, membre du groupe centriste allié des Républicains. Pour la sénatrice Corinne Imbert, apparentée LR, ce texte est « un aveu d'impuissance » du gouvernement qui « transmet la dette sociale aux générations futures sans l'once d'un embarras ». « C'est désarçonnant », s'est de son côté alarmé le sénateur socialiste Bernard Jomier au cours des débats. « On peut discuter autant qu'on veut, on n'a aucune illusion », avait-il d'ailleurs ajouté, s'indignant devant les nombreuses mesures ajoutées par le gouvernement à son budget à la dernière minute, sans avis du conseil d'État ni étude d'impact.
Du côté de la majorité présidentielle, le discours est évidemment tout autre. Ce PLFSS « est réaliste, ambitieux et soutenable », a rétorqué ce mardi la ministre déléguée aux Professions de Santé, Agnès Firmin Le Bodo. Mais force est de constater que ni elle, ni ses collègues du gouvernement ne sont parvenus à convaincre les bancs sénatoriaux.
(Avec AFP)