C'est un « non » pour le Sénat. Dans le cadre du projet de budget de la Sécurité sociale, examiné depuis lundi, la chambre haute, dominée par l'opposition de droite, alliée avec les centristes, avait prévenu depuis quelques jours qu'elle souhaitait adresser un « message » au gouvernement face au déficit de la « Sécu ». Et pour cause, il est amené à se creuser selon ses prévisions. Il a été passé dans la nuit de ce mercredi à jeudi, où les sénateurs ont rejeté la trajectoire pluriannuelle du gouvernement.
Le trou sans fin de la Sécu
D'après le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) du gouvernement, le déficit de la Sécurité sociale s'élèvera à 8,8 milliards d'euros en 2023, puis à 11,2 milliards en 2024. Il sera néanmoins corrigé à 10,7 milliards après intégration de l'impact financier des amendements conservés après l'examen du texte à l'Assemblée nationale. À plus long terme, il pourrait atteindre 17,5 milliards à l'horizon 2027, selon ses projections.
« C'est un véritable renoncement à réduire la dette. Le présent projet ne prévoit même pas de stabiliser le déficit », s'est inquiétée la rapporteure générale du budget de la Sécu, Elisabeth Doineau.
Elle juge même les projections du gouvernement « optimistes ». « Il faut marquer le coup, on ne peut pas accepter cela », a-t-elle ajouté. En début de semaine, elle s'était déjà exprimé, regrettant que « le gouvernement assume de financer durablement la santé par le déficit. C'est ça qui est véritablement contestable dans ce PLFSS », avait-elle déclaré.
La sénatrice, qui siège au groupe centriste, a donc proposé la suppression de l'article 16 du PLFSS, consacré à la trajectoire budgétaire. La gauche, minoritaire au Sénat, était elle aussi favorable à ce rejet très symbolique.
« Nous avons besoin d'une vision à long terme. Cette prévision n'entame aucun virage écologique ou d'investissement massif pour notre santé », a regretté l'écologiste Anne Souyris.
De nombreux points de désaccord
La majorité sénatoriale de droite et du centre s'est également opposée ce mercredi à la réforme du calcul de la « clause de sauvegarde », une contribution financière versée par les entreprises pharmaceutiques à l'Assurance maladie lorsque leur chiffre d'affaires médicaments croit très vite. Et elle prévoit déjà de rejeter l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam) pour 2024, fixé à 254,9 milliards d'euros par le gouvernement. Là encore pour faire passer un « message » à l'exécutif, pour « ouvrir le débat sur la sincérité des chiffres qui nous sont présentés », indiquait lundi le président de la commission des Affaires sociales.
En revanche, le Sénat a rétabli lundi les trois premiers articles du projet de loi consacrés aux grands équilibres financiers, qui avaient été supprimés par l'Assemblée nationale. Les parlementaires ont également adopté plusieurs mesures de lutte contre la fraude aux cotisations sociales, que la gauche est parvenue à faire supprimer, contre l'avis du gouvernement et de la droite sénatoriale.
« J'aurais eu beaucoup de mal à vous convaincre », s'est désolé le ministre des Comptes publics Thomas Cazenave après l'examen de la partie relative aux recettes du PLFSS. « À l'issue de ces débats, nous avons dégradé la situation de la Sécurité sociale », à « plus de 1,2 milliard » d'euros, estime-t-il.
la loi de programmation des finances publiques), permet au gouvernement d'introduire les mesures à sa guise, et donc de tourner le dos à toutes les propositions du Sénat s'il le souhaite.
Cette arme constitutionnelle, encore activée en début de semaine sur un autre texte (Les discussions ne sont pas finies. Sur le cœur du projet de loi, les alliés LR et centristes ont prévu quelques points de vigilance. Ils proposeront ainsi de reporter au 1er janvier 2028, « au terme d'une expérimentation », la réforme du financement des hôpitaux, par laquelle le gouvernement veut réduire la part de la Tarification à l'activité (T2A). Une réforme jugée « précipitée » par la majorité sénatoriale. Les sénateurs s'inquiètent aussi d'une augmentation possible des franchises médicales : le reste à charge pour les assurés quand ils achètent des médicaments (50 centimes par boîte) ou voient un médecin (un euro par consultation). La droite sénatoriale devrait voter une mesure visant à obliger le gouvernement à consulter le Parlement avant tout projet de décret sur la question.
(Avec AFP)