Fièvre, maux de gorge, toux, difficultés respiratoires, grippe... Venir au travail tout en étant malade est loin d'être un phénomène isolé en France. Selon une enquête du ministère du Travail rendue publique ce mercredi 5 août, plus d'un jour d'arrêt maladie sur 4 s'est traduit par du présentéisme au travail (27%), un comportement qui consiste à se rendre sur son lieu de travail dans un état affaibli. Ce qui signifie que sur les 11 jours d'arrêt maladie déclarés en moyenne en 2017, les salariés affirment être allés au travail pendant trois jours malgré un arrêt de travail prescrit par un médecin. Avec la crise du coronavirus, ce présentéisme, qui peut être accentué par des pressions hiérarchiques, des mauvaises conditions de travail, pourrait avoir des conséquences sanitaires désastreuses si la circulation du virus s'amplifie. Récemment, l'agence Santé publique France a révélé dans un bulletin que les entreprises privées et publiques représentaient une forte proportion (20%) de clusters sur le territoire français.
La France, championne d'Europe du présentéisme
Les travailleurs français sont en tête des pays européens en matière de présentéisme. Selon les données communiquées par la direction statistique du ministère du Travail (Dares), 62% des salariés français ont déjà fait du présentéisme au cours de l'année 2015 contre 42% des salariés à l'échelle de l'Union européenne. Cette culture du présentéisme à la française peut pourtant avoir des conséquences économiques délétères en termes de productivité et de coût pour la collectivité. "Cette pratique a en moyenne pour effet d'aggraver les problèmes de santé des salariés et d'augmenter à moyen et long terme, le nombre des absences pour raisons de santé", explique l'étude.
Les cadres et seniors en première ligne
Parmi les catégories socioprofessionnelles étudiées, les cadres (non encadrants) sont ceux qui ont la plus forte propension au présentéisme. Sur 6 jours d'arrêt maladie par an en moyenne, ils sont absents 4 jours et présents deux autres jours. Ce qui représente environ un tiers de jours de présence. Viennent ensuite les professions intermédiaires (31%), les cadres encadrants (30%), et enfin les employés et ouvriers (25%). Il existe également des divergences selon les secteurs. Ainsi, les salariés travaillant dans l'agriculture (42%) ont une plus forte propension au présentéisme que dans les services (28%), l'industrie (26%) ou la construction (22%).
Les mauvaises conditions de travail favorisent le présentéisme
Outre la catégorie socioprofessionnelle ou le secteur, d'autres facteurs relatifs aux conditions de travail peuvent largement favoriser le phénomène. Les statisticiens expliquent que des mauvaises conditions professionnelles vont souvent de pair avec le présentéisme. "Les salariés cumulant plusieurs contraintes de rythme de travail (travail normé : réponse à la demande, suivi informatisé, procédures qualité, etc.) ont une plus forte propension au présentéisme (+6,9 points relativement à ceux dont le travail est peu intense), ainsi que ceux qui vivent une forte pression temporelle (être obligé de se dépêcher, devoir penser à trop de choses à la fois, etc.) (+6,1 points). De même, avoir un temps de travail long et envahissant (+4,8 points relativement à ceux qui ont des horaires standards) et juger qu'on manque de moyens pour faire correctement son travail (+4,4 points) sont aussi associés à une forte propension au présentéisme", explique l'enquête.
Des relations hiérarchiques dégradées
Des relations détériorées entre un salarié et sa hiérarchie favorisent également le présentéisme. Les salariés qui signalent des rapports conflictuels avec leurs supérieurs le pratiquent bien plus souvent malgré un nombre de jours d'arrêt maladie plus élevé. "Avoir des rapports conflictuels avec la hiérarchie, ainsi que l'absence de collectif de travail, sont des situations positivement corrélées avec un nombre de jours de maladie plus élevé (respectivement +3,7 et +3,1 jours). Il est possible qu'être en conflit avec la hiérarchie ou le fait d'être isolé du collectif de travail altère la santé des salariés et augmente le nombre annuel de jours de maladie. En sens inverse, le fait d'avoir des problèmes de santé peut dégrader les relations avec la hiérarchie et/ ou avec le collectif du travail", relève la Dares.