39 thèmes, 15 ministres dont la Première ministre Elisabeth Borne, ainsi que les présidents de l'Assemblée nationale et du Sénat... L'association des maires de France (AMF) a vu grand pour son 105ème congrès des maires et des présidents d'intercommunalité qui se tiendra porte de Versailles à Paris du 21 au 23 novembre. Le titre de l'événement donne la couleur : « Communes de France attaquées, République menacée ».
De la recentralisation « financière »...
D'emblée, lors de la conférence de presse de lancement ce 8 novembre, le président (LR) de l'AMF, David Lisnard, qui remet son mandat en jeu deux ans après avoir succédé à François Baroin, a fustigé « une crise de l'impuissance publique ».
« Lorsque la commune est attaquée, la République est menacée dans sa capacité d'action et de cohésion. Nous proposerons donc des solutions pour concilier performance et sens face à des mouvements qui s'assimilent à de la recentralisation », a fait savoir le maire de Cannes.
David Lisnard a ainsi dénoncé « une recentralisation financière ». Le fait que seuls les propriétaires immobiliers s'acquittent d'un impôt local - la taxe foncière - depuis la suppression de la taxe d'habitation constitue à ses yeux « un problème de civisme, de citoyenneté et de cohérence locale ».
...à une recentralisation « normative et juridique »
Une recentralisation également « normative et juridique », a poursuivi l'édile, dénonçant « la malédiction des acronymes à trois lettres: » zéro artificialisation nette (ZAN) des sols, zone à faibles émissions (ZFE)... Un discours déjà tenu le 3 octobre dernier lors de l'inauguration du siège parisien de sa formation politique locale Nouvelle Energie.
Car si David Lisnard n'est, pour l'heure, qu'un putatif candidat de la droite à l'élection présidentielle de 2027, le président de l'AMF reproche au gouvernement sa manière de conduire la décentralisation de la politique du logement.
« Nous regardons cela avec intérêt à condition qu'il y ait un transfert de moyens et de pouvoirs, mais la lettre du ministre aux préfets acte la suppression de la case commune dans la politique du logement », attaque le Cannois.
L'objet de ce courrier du ministre du Logement Patrice Vergriete adressée aux préfets le 11 octobre dernier, que l'association des maires de France a elle-même révélée au grand public, fait en effet référence aux intercommunalités - communautés de communes, d'agglomération, métropole - et non aux communes.
Pis, selon nos informations, l'expression « bloc intercommunal », également contenue dans cette missive, n'est pas du tout passée auprès des maires qui lui préfèrent le terme technique de « bloc communal ».
La porte est ouverte pour Woerth, missionné sur la décentralisation
Une autre lettre, cette fois une lettre de mission signée du président de la République et adressée au député (Renaissance) de l'Oise Eric Woerth pour avancer en matière de décentralisation, suscite, là aussi, l'intérêt des maires, mais dans le bon sens.
« Nous sommes à sa disposition pour faire des propositions mais nous devons y retrouver les concepts de liberté, de responsabilité et de subsidiarité », a déclaré le président de l'AMF David Lisnard. Par subsidiarité, il faut entendre « la responsabilité d'une action publique, lorsqu'elle est nécessaire, revient à l'entité compétente la plus proche de ceux qui sont directement concernés par cette action ».
Interrogé par La Tribune sur la réelle portée de cette lettre, David Lisnard baisse la voix : « On ne peut pas fermer la porte. Eric Woerth est un homme intelligent qui connaît très bien le mandat local (maire de Chantilly de 1995 à 2017, Ndlr), le travail législatif (député de l'Oise depuis 2002) et qui a été ministre (de Chirac et de Sarkozy) », répond le porte-parole des maires depuis novembre 2021.
Avant de poursuivre, plus politique: « Nous allons y contribuer et saisir cette chance après sept ans d'annonces contradictoires ou d'annonces dont nous ne voyons pas les effets.». Eric Woerth, qui l'a appelé en début de semaine, lui aurait même dit qu'il n'allait pas travailler sur le nombre de strates. David Lisnard peut donc dormir tranquille au moins les six mois de la mission parlementaire: a priori, les communes ne seront pas supprimées.
Il n'empêche: « le millefeuille, c'est bon pour les pâtissiers » a aussitôt asséné son premier vice-président délégué (PS), André Laignel, figure historique de l'association. Autrement dit, que l'exécutif arrête de se préoccuper du nombre de niveaux de collectivités, sachant que « tous les autres pays ont au moins trois niveaux: communes/départements/régions. La seule originalité française, c'est le nombre de communes ».
Une énième mission parlementaire ?
Le maire d'Issoudun (Indre) depuis 1977 s'agace surtout de cette énième mission confiée à un parlementaire. Cela fait des années que nous faisons des propositions au gouvernement. On peut les lui envoyer, affirme André Laignel. Ca a été fait hier soir, réplique... David Lisnard. « Je suis un optimiste invétéré, mais permettez-moi un doute raisonnable (quant à la concrétisation d'un tel rapport, Ndlr) » rétorque son acolyte socialiste.
Quoiqu'il en soit, le chef de l'Etat n'a, lui, pas encore confirmé ou infirmé sa présence en ouverture ou en clôture du congrès des maires 2023. L'an dernier, c'est une Première ministre Elisabeth Borne qui était venue leur promettre de la TVA et de la simplification en pleine crise de l'énergie quelques mois après le début de la guerre en Ukraine. Le contexte géopolitique international ne s'est pas amélioré depuis, la vie publique franco-française non plus...