
Les chiffres du logement neuf tombent de Charybde en Scylla. Selon les derniers chiffres du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires publiés le 15 novembre, le nombre de réservations auprès des promoteurs immobiliers s'établit à 16.201 au troisième trimestre 2023. Soit une chute de 39,3% par rapport à la même période en 2022. Pis, le nombre d'habitats mis en vente suit la même tendance : 19.371 entre le 1er juillet et le 30 septembre 2023. Soit une baisse de 34,9% vis-à-vis du troisième trimestre 2022.
Une double dégringolade qui persiste depuis déjà six trimestres et qui ne semble pas s'arranger. Dans la matinée du 16 novembre, la fédération des promoteurs immobiliers (FPI) a fait savoir que seuls 27.500 logements neufs avaient été mis en chantier au troisième trimestre 2023. Tant est si bien que les ventes ont décru de 30,6% par rapport à la même période en 2022: - 36,5% aux propriétaires occupants et même - 58,6% aux investisseurs particuliers.
« Le taux de désistement des acheteurs est de 50% tant est si bien que si la tendance se poursuit, moins de 90.000 logements neufs seront vendus en 2023 », affirme à La Tribune, Pascal Boulanger, le président de la FPI.
Sur les neuf premiers mois de cette année, seuls 65.000 logements ont en effet été réservés contre 92.000 sur la même période en 2022, 112.000 pour l'ensemble de l'année 2021 en reprise post-crise sanitaire et 88.000 en 2020 en plein Covid. Des données bien loin de l'euphorie des années 2017-2018-2019 qui avaient émargé à 115.000 réservations en moyenne.
La demande et l'offre de logements neufs sont en panne
Aujourd'hui, la demande n'est pas au rendez-vous ne serait-ce parce que les acquéreurs ont un pouvoir d'achat restreint du fait de l'inflation, sans parler des taux d'intérêt qui tutoient les 5%. L'offre pose aussi problème puisque les banques sont frileuses quant à financer la construction de logements neufs, témoigne le président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
Il y a quinze mois, quand les taux d'intérêts étaient encore bas, les établissements financiers exigeaient des professionnels 40% de réservations d'habitats avant de sortir le chéquier. Désormais, les banques ont relevé leurs conditions et demandent 50% de réservations de logements neufs avant de financer l'opération immobilière. Tant est si bien que les chantiers prennent du retard et que les putatifs acheteurs se désistent.
« C'est le serpent qui se mord la queue », résume, lapidaire, Pascal Boulanger.
Dès la mi-mai, l'Etat a donc demandé aux deux plus grands producteurs de logement de venir à la rescousse des promoteurs immobiliers. CDC Habitat, la filiale du groupe Caisse des Dépôts, a ainsi signé un chèque de 3,5 milliards d'euros pour commander 17.000 habitats neufs aux promoteurs. Suivi par Action Logement, l'organisme paritaire administré par les syndicats et le patronat, qui s'est engagé à acquérir 30.000 logements neufs.
« Cela ne règle pas le problème: nous vendons nos logements à marge zéro voire à marge négative », assure, encore, le président de la FPI.
Borne a annoncé une nouvelle feuille de route à Dunkerque
Il n'empêche. En déplacement cette après-midi à Dunkerque, commune dont le ministre du Logement Patrice Vergriete était maire jusqu'à peu, la Première ministre Elisabeth Borne a présenté une nouvelle feuille de route du gouvernement en la matière. Elle a ainsi annoncé qu'une réflexion allait être engagée en vue de lancer un deuxième plan de rachat de logements à des promoteurs. « Qui sont les autres ? Les foncières n'ont pas trop envie...», estime, au contraire, Pascal Boulanger, porte-parole des professionnels du logement neuf.
La locataire de Matignon a aussi promis un engagement de l'Etat et de la Caisse des Dépôts de 500 millions d'euros pour la construction de logements locatifs intermédiaires (LLI). Un geste financier qu'elle attend aussi des investisseurs institutionnels - compagnies d'assurance, fonds d'épargne... - pour arriver, au total, à 30.000 nouveaux habitats chaque année. Soit un doublement de l'offre actuelle d'ici à 2026.
« Les investisseurs institutionnels, c'est très bien, mais les investisseurs particuliers, qui représentent 50% de nos acquéreurs, sont oubliés », regrette Pascal Boulanger, président de la Fédération des promoteurs immobiliers.
Ces logements locatifs intermédiaires (LLI), qui permettent de loger des ménages trop riches pour le logement social et trop pauvres pour le logement libre, sont la priorité du gouvernement depuis le Conseil national de refondation (CNR) dédié au logement. En clôture de ce dernier début juin, Elisabeth Borne avait déjà communiqué en ce sens, reprenant à son compte les déclarations du président Macron. Dans Challenges, le chef de l'Etat avait invité à « regarder comment développer beaucoup plus de LLI pour baisser les prix, parce que la crise du logement se situe là ».
6 millions de Français pourront bénéficier d'un PTZ en 2025
Elisabeth Borne a également promis la production de 110.000 logements sociaux en 2024, ainsi que l'amélioration de l'accès au prêt à taux zéro (PTZ) dans le cadre de la loi de finances 2024. Dès l'année prochaine, 6 millions de Français pourront ainsi y être éligibles. « Le PTZ ne représente que 10% de notre activité », temporise Pascal Boulanger, le président des promoteurs.
La cheffe de gouvernement s'est encore engagée sur la construction d'ici à 2027 de 35.000 logements étudiants supplémentaires, en plus des 35.000 déjà engagés, dont les modalités seront précisées dans un plan présenté, fin novembre, par ses ministres Sylvie Retailleau (Enseignement supérieur) et Patrice Vergriete (Logement).
Par ailleurs, les services de ce dernier sélectionneront, d'ici à janvier 2024, vingt territoires qui s'engageront à « accélérer » leurs opérations d'aménagement pour faire sortir de terre, d'ici à trois ans, environ 1.500 logements chacun, soit 30.000 logements en tout. Les collectivités concernées seront aidées et des dérogations rendues possibles.
Enfin, une mission sur la fiscalité locative est, par ailleurs, confiée à deux députées de la majorité présidentielle - Annaïg Le Meur (Finistère, Renaissance) et Marina Ferrari (Savoie, MoDem) - pour favoriser les locations de longue durée. Une énième mission parlementaire qu'avait déjà annoncée, mi-octobre, le ministre du Logement Patrice Vergriete... à la Fédération française du bâtiment.
Ce dernier a du pain sur la planche : il doit présenter un projet de loi sur l'habitat indigne et les copropriétés dégradées en début d'année prochaine, avant un projet de loi sur la décentralisation des politiques locales de l'habitat au printemps 2024.
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