A la veille d'une journée de mobilisation nationale et interprofessionnelle, Emmanuel Macron a choisi d'intervenir lui-même pour régler la crise des carburants. Après sa visite au Mondial de l'auto, le chef de l'Etat réunit, en urgence, cet après-midi les ministres concernés. Est-ce parce que sa crédibilité personnelle est en jeu que le président de la République s'implique ainsi dans ce conflit ? Mercredi dernier, Emmanuel Macron promettait sur France 2, un retour à la normale d'ici une semaine. Celle-ci s'est presque écoulée, et près d'une station-service a encore des problèmes d'approvisionnement en carburant.
On est donc loin d'une normalisation des choses. Les débrayages dans les raffineries se poursuivent, malgré la signature d'accords chez TotalEnergies et ExxonMobil avec les syndicats majoritaires. Le gouvernement a beau lancer de nouvelles réquisitions, - notamment ce lundi, à Feyzin, pour libérer le dépôt de carburants-, les résultats ne sont pas probants. A son entourage, le chef de l'Etat n'a pas manqué de dévoiler son exaspération.
Des divisions internes au sein de l'exécutif
Est-ce aussi pour calmer les divisions internes au sein de son gouvernement que le Président a choisi de réunir les ministres concernés ce lundi après-midi ? Ces dernières heures l'exécutif a donné l'image de différends... De ne pas être toujours aligné quant à la réponse à apporter à ces mouvements sociaux. Faut-il frapper encore plus fort et multiplier les réquisitions ou au contraire tenter encore le dialogue pour éviter le risque d'emballement ? Telles sont les questions qui tiraillent actuellement le gouvernement.
Certes, dimanche soir sur TF1, Elisabeth Born s'est montrée ferme face aux blocages mais a néanmoins laissé de la place à la négociation. « Elle a pris garde dans ses mots à ne pas pointer la CGT, non pas qu'elle veuille les ménager, mais elle estime que cela ne sert à rien... », confie un conseiller proche de Matignon.
A contrario, ce lundi matin, Bruno Le Maire semblait nettement plus autoritaire, estimant que « le temps de la négociation est passé ». Le ministre de l'Economie ne mâchait pas ses mots à l'égard de la CGT dont il juge « l'attitude inacceptable et illégitime ». Il appelait sur RMC et BFM à « libérer les dépôts de carburants et les raffineries bloqués ».
Alors qu'une ligne de fracture semble se dessiner entre les ministres issus de la gauche et ceux venus de la droite, « Emmanuel Macron promet de dresser un cap », assure un conseiller. Et il y a urgence. Après plus de 3 semaines de troubles dans les approvisionnements, les Français s'impatientent. Ils tiennent le gouvernement en partie responsable.
Une journée d'action qui promet d'exaspérer encore un peu plus les français
En attendant, la journée d'action prévue ce mardi à l'appel de la CGT mais aussi de FO ou de Sud se prépare. Plusieurs secteurs ont prévu d'entrer dans la danse, la RATP, la SNCF, l'éducation, etc .. compliquant encore un peu plus le quotidien des Français.
Sans oublier ceux qui se durcissent, comme dans les centrales nucléaires, ou près de 12 réacteurs vont connaître des retards dans leur redémarrage du fait de ces mouvements sociaux démarrés il y a déjà quelques jours. Alors que l'approvisionnement en énergie est une des priorités du gouvernement à l'approche de l'hiver, ces débrayages chez EDF inquiètent au plus haut au sommet de l'Etat.
Plus globalement, la crainte grandissante d'un enlisement se fait sentir... avec le procès en amateurisme qui en découlerait. « On va encore nous reprocher d'avoir mal jaugé les choses, de manquer de capteurs sur le terrain, de ne pas avoir compris à temps la mesure des blocages...», se désole encore un conseiller ministériel.
Et sur le budget, le 49.3 en discussion
A l'Assemblée nationale, ce n'est guère mieux. Dans l'examen du budget 2023, ces derniers jours, là aussi, le gouvernement bataille, et perd souvent la main. Face à l'enlisement des débats, et au nombre d'amendements qu'il reste à passer en revue, (plus de 2000 sur les 3.300 déposés), les locataires de Bercy s'impatientent. A quoi bon continuer à échanger, voire à s'user sur les bancs de l'hémicycle face à des oppositions perçues comme dogmatiques ? Dégainer le 49.3 le plus tôt sera le mieux ...Mais Matignon freine.
La première ministre essaie par tous les moyens à travailler avec les oppositions, qui pourtant ne lui laissent guère d'espace de compromis. Elle a prévu d'échanger avec les présidents de groupe en ce début de semaine. Avant de se résoudre au 49.3, elle tient à être sûre que le texte n'a pas la moindre chance d'être adopté sans ce recours constitutionnel. Sur TF1, elle a d'ailleurs vanté la qualité du débat parlementaire. Le 49.3... ce ne sera pas ce lundi, a d'ailleurs prévenu Elisabeth Borne.
Mais alors quand ? Les locataires de Bercy sont plutôt favorables à un passage ce mardi, au moment de la grande mobilisation. Comme un pied de nez à la Nupes qui soutient les grévistes. D'autre estiment, au contraire, qu'il faut laisser le temps syndical, ne pas jouer l'escalade sociale, et préconisent plutôt la fin de semaine.
Emmanuel Macron a prévu de trancher dès ce lundi. Pour ne pas rajouter à la crise sociale, un risque de crise politique.