Fin de la détaxe sur les carburants : le gouvernement face au risque d'embrasement

Le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé la fin de la détaxe sur le gazole non routier pour les entreprises du BTP et les agriculteurs. Face au risque d'embrasement, l'exécutif a prévu une sortie progressive de cette niche fiscale jusqu'en 2030. Plusieurs fois reportée, cette suppression pourrait devenir effective dans le contexte du réchauffement climatique. « Il faut que ce soit fait dans les meilleures conditions possibles», préconisent les ONG.
Grégoire Normand
Le gouvernement doit poursuivre les réunions cette semaine à Bercy sur le gazole non-routier.
Le gouvernement doit poursuivre les réunions cette semaine à Bercy sur le gazole non-routier. (Crédits : Reuters)

C'est le dossier explosif de la rentrée budgétaire. La semaine dernière, le ministre de l'Economie Bruno Le Maire a annoncé la suppression de la détaxe sur le gazole utilisé par les agriculteurs et les entreprises du bâtiment et des travaux publics (BTP). « Nous supprimerons la niche fiscale sur le gazole non routier (GNR) tout simplement pour faire basculer notre fiscalité d'une fiscalité brune - c'est une fiscalité qui incite à consommer des énergies fossiles, donc c'est mauvais pour le climat - à une fiscalité qui valorise les investissements verts », a déclaré le ministre.

Pour tenter de faire redescendre la pression, le chef de l'Etat Emmanuel Macron a reçu Arnaud Rousseau, le président de la FNSEA, le principal syndicat agricole à l'Elysée jeudi soir. Et d'autres réunions doivent se poursuivre cette semaine à Bercy sur ce sujet hautement inflammable. À quelques semaines de la présentation du projet de loi de finances 2024 (PLF 2024), les ministres de Bercy doivent donner leurs derniers arbitrages sur un texte décisif. Mais les lobbies professionnels risquent de redoubler d'efforts pour obtenir des compensations.

La suppression de la niche fiscale sur le GNR, un serpent de mer budgétaire

Cette niche fiscale est dans le viseur de l'exécutif depuis des années. Déjà en 2019, le ministre de l'Economie avait annoncé la suppression de la détaxe sur le gazole non routier des entreprises de travaux publics. Face à la fronde des professionnels, Bercy avait finalement reculé.

Et les flambées des prix de l'énergie et du pétrole depuis la guerre en Ukraine ont également repoussé cette échéance fiscale. Les représentants des différentes filières agricoles, du bâtiment et des transports étaient montés au front pour défendre cet avantage fiscal, pourtant contesté dans le contexte du réchauffement climatique.

Alors que les températures ont battu des records cette année, la consommation d'énergie fossile dans les entreprises est de plus en plus pointée du doigt. Toutes ces volte-face à répétition suscitent d'ailleurs des doutes chez les ONG. « On est quand même dans l'attente d'une sortie effective de cette niche fiscale », a expliqué à La Tribune Emeline Notari, du Réseau Action Climat (RAC).« Mais il faut que cela se fasse dans les meilleures conditions possibles. Il ne faut pas de sortie sèche », a-t-elle ajouté.

Le gouvernement face au défi de l'acceptabilité

Comme la plupart des dossiers sur la fiscalité, l'exécutif est confronté au défi de l'acceptabilité. À l'Elysée, le souvenir des « gilets jaunes » est resté dans toutes têtes. En novembre 2018, la hausse de la taxe sur les carburants avait mis le feu aux poudres autour des ronds-points tricolores. Pressé par la colère des manifestants, l'exécutif avait dû mettre la main à la poche à plusieurs reprises.

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Cinq ans après, la situation est loin d'être réglée. La guerre en Ukraine a provoqué une onde de choc sur les marchés des prix de l'énergie, des matières premières et des céréales. L'inflation a certes marqué le pas mais demeure à un niveau bien supérieur à la période pré-Covid. Après plusieurs mois d'inflexion, le baril de Brent est reparti à la hausse ces dernières semaines compliquant la tâche du gouvernement. Face aux risques de contestation, le ministre de l'Economie s'est engagé à faire une suppression progressive de cette détaxe « à partir de 2024 et jusqu'à 2030 pour le BTP, voire un peu au-delà pour les agriculteurs».

Les transporteurs épargnés

En outre, l'exécutif a épargné le secteur du transport routier, pourtant responsable d'une part importante des émissions de CO2. Dans l'Hexagone, les poids lourds et les véhicules utilitaires représentent environ 25% du total des émissions des transports, selon de récents chiffres du ministère de la Transition écologique. Les transporteurs ont rappelé dans un communiqué que « supprimer (cette détaxe) serait faire du secteur français le pays le plus taxé d'Europe ».

Surtout, le gouvernement veut absolument éviter un bras de fer trop dur ou un blocage des routes et autoroutes partout sur le territoire. En pleine Coupe du monde de rugby, la pagaille dans les transports pourrait avoir des répercussions néfastes sur l'image de l'Hexagone à l'étranger alors que le chef de de l'Etat a fait de l'attractivité de la France son cheval de bataille.

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La question sensible des compensations

Sur la table des négociations, figure le sujet sensible des compensations. Bruno Le Maire a annoncé qu'il y aurait « compensation pour accompagner la transformation. Il ne faut pas procéder par brutalité », a ajouté le ministre. Au niveau agricole, la FNSEA s'est dit prête à se passer de manière progressive du GNR si une solution alternative était proposée aux exploitants : des tracteurs roulant avec un autre carburant, des aides pour la transition.

Accablés par la flambée des prix de l'énergie et des intrants, les agriculteurs sont confrontés à des factures en hausse alors que leurs revenus sont très loin d'être à la hauteur. Dans le bâtiment et les travaux publics, les professionnels ont également dû affronter la montée en flèche des prix des matériaux et de nombreuses difficultés pour s'approvisionner. « Il faut absolument organiser cette sortie en concertation avec les acteurs et les ONG, a prévenu Emeline Notari du RAC. La réorientation des niches pourrait servir à l'accompagnement des secteurs. Ce ne sont pas forcément de nouvelles recettes pour l'Etat », a-t-elle ajouté. Autant dire que la présentation du budget sera scrutée attentivement fin septembre.

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Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 13/09/2023 à 11:16
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C'est un comble: arriver à mettre le feu en supprimant le combustible.

à écrit le 12/09/2023 à 11:00
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D'accord pour la suppression de la détaxe, A CONDITION DE DIMINUER A DUE CONCURRENCE LA TIPP. Je ne vois pas pourquoi les gouvernements français joueraient aux émirs pétroliers depuis...

à écrit le 12/09/2023 à 9:27
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cette équipée de prédateurs en bande organisée ne touche pas au lobby du transport routier. pourquoi ne protège t il pas l agriculture raisonnée qui a le soutien de la population ? tiendront ils 4 ans a ce régime !

le 12/09/2023 à 16:35
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Quand le carburant sera trop cher les transporteurs feront faillite et on se demandera : Où en est le ferroutage ? A zéro, parce que les transporteurs s'y opposaient.

à écrit le 12/09/2023 à 8:12
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"Fin des pesticides" et toujours des pesticides, "fin de la non taxe du gasoil pour certain et toujours la non taxe pour certains... la vache les gars ! Ah mais pardon il est vrai que même le changement d'heure ils ne sont pas arrivés à la mettre en ...

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