Guerre en Ukraine : la Banque de France révise à la baisse la croissance française

La Banque de France a révisé à la baisse sa prévision de croissance pour le premier trimestre à 0,25% contre 0,5% lors de la précédente estimation. La guerre en Ukraine et les confinements en Chine ont pesé particulièrement sur l'industrie tricolore. Les perspectives pourraient s'assombrir si le conflit s'enlise pendant de longs mois.
Grégoire Normand
Dans l'industrie automobile, les difficultés s'accumulent.
Dans l'industrie automobile, les difficultés s'accumulent. (Crédits : Reuters)

"Notre croissance, aujourd'hui au plus haut, sera immanquablement affectée par le renchérissement du prix du pétrole, du gaz, des matières premières et cela aura des conséquences sur notre pouvoir d'achat demain. Le prix du plein d'essence, le montant de la facture de chauffage, le coût de certains produits, risquent de s'alourdir encore", avait averti le président de la République Emmanuel Macron le 2 mars dernier lors d'une allocution télévisée.

Plus d'un mois après le début du conflit, les indicateurs passent au rouge les uns après les autres. Après deux longues années de pandémie, les entreprises françaises souffrent de nouveau. Dans leur dernière note de conjoncture dévoilée ce mardi 12 mars, les économistes de la Banque de France ont révisé à la baisse leurs prévisions de croissance du PIB pour le premier trimestre, passant de 0,5% à 0,25% (-0,25 point).

De leur côté, les économiste d'Allianz ont également dégradé leurs projections de croissance mais cette fois-ci pour 2022 de 1 point, passant de 4% à 3% dans leur scénario central. En cas d'aggravation de la guerre, l'économie tricolore pourrait tomber en récession à -2,3%. "Nous avons dû réviser à la baisse nos prévisions assez fortement. La plupart des révisions viennent des pays les plus exposés au conflit. L'inflation mondiale a été révisée à la hausse", a prévenu la directrice de la recherche macroéconomique, Ana Boata, du groupe spécialisé dans l'assurance Allianz lors d'un point presse ce mardi 12 avril. Pour le mois d'avril, la Banque de France table sur des perspectives globalement favorables mais "elles sont entourées de fortes incertitudes". En effet, une partie de l'évolution de l'activité va dépendre du conflit en Ukraine et des difficultés d'approvisionnement amplifiés par les confinements en Chine.

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L'industrie en perte de vitesse

Les moteurs de l'industrie ont tourné au ralenti au mois de mars. Dans l'enquête menée par la Banque de France, le taux d'utilisation des capacités de production a diminué d'un point le mois dernier passant de 79% à 78%. Au global, la plupart des branches résistent, mais l'industrie automobile accuse un plus fort repli. Dans cette branche, le taux d'utilisation n'est que de 62%, en retrait de deux points par rapport à février et bien inférieur à la moyenne industrielle. Un des principaux facteurs de ce coup de frein concernent les difficultés d'approvisionnement. Près de 90% des chefs d'entreprise interrogés dans ce secteur indiquent avoir été confrontés à ce type de difficulté en mars contre 79% en février.

Alors que la pandémie avait déjà mis à l'arrêt de nombreux sites sur le territoire et mis à la porte plusieurs milliers d'ouvriers d'usines et de sous-traitants, cette guerre pourrait porter un grand coup de massue à cette industrie déjà affaiblie par les deux longues années de crise sanitaire. Compte tenu du poids de l'industrie manufacturière dans l'économie tricolore, ce recul de l'activité ne devrait pas trop peser sur le PIB de 2022. En revanche, cela augure de très mauvaises perspectives pour le "Made in France".

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La construction dans le rouge

Dans la construction, les indicateurs sont également dans le rouge. Même si l'activité progresse légèrement, selon l'institution bancaire, les constructeurs sont également confrontés à de fortes difficultés d'approvisionnement. Dans ce secteur, 56% des patrons interrogés affirment avoir rencontré des obstacles pour s'approvisionner en mars contre 46% en février. Cette soudaine hausse de 10 points en un mois illustre les fortes turbulences de toute une filière encaissant les chocs depuis le premier confinement en mars 2020.

Après avoir atteint un pic en fin d'année 2021 au plus haut depuis des années, les carnets de commandes affichent une baisse inquiétante depuis le début de l'année. Là encore, le poids de la construction dans la valeur ajoutée (6 points) ne devrait pas faire vaciller l'économie tricolore, mais ce conflit tend à fragiliser tout un secteur.

Le tertiaire résiste

L'ensemble du tertiaire affiche des niveaux d'activité supérieurs à ceux d'avant crise depuis le début de l'année 2021. Dans les services marchands, l'activité n'a cessé de progresser, en particulier dans le commerce de gros et de détail, les transports, l'hébergement et la restauration. Dans ces trois derniers secteurs, le niveau d'activité enregistré en mars a enfin retrouvé son niveau d'avant-crise.

Il faut dire que beaucoup d'établissements dans ces services-là ont subi de plein fouet les vagues épidémiques et les confinements à répétition avant de retrouver des conditions plus favorables. Du côté des services financiers et immobiliers, l'indicateur est resté stable depuis janvier, bien supérieur à son niveau pré-pandémique. En tenant compte du poids des services dans l'économie tricolore (près de 80% du PIB), la croissance française a été en partie épargnée par les secousses de la guerre durant ce premier trimestre.

Un pessimise rampant chez les exportateurs français

La guerre en Ukraine a considérablement affecté le moral des entreprises exportatrices dans l'Hexagone. La proportion de répondants à la dernière vaste enquête d'Allianz dévoilée ce mardi 12 avril anticipant une hausse du chiffre d'affaires en 2022 a dégringolé, passant de 94% à 78% après l'invasion de l'Ukraine. "Sans surprise, il y a plus de pessimisme chez les exportateurs. Les Français et les Italiens sont plus pessimistes. La majorité des répondants en 2021 espéraient augmenter leur chiffre d'affaires à l'export", indique Ana Boata.

"En Italie et en France, où les entreprises étaient les plus optimistes avant la guerre, respectivement 29% (+26 pts) et 23% (+20 pts) des exportateurs s'attendent désormais à une baisse de leur chiffre d'affaires à l'export en 2022", expliquent les auteurs de l'étude. Le rebond de l'économie mondiale en 2021 et la réouverture des économies avec l'accélération de la vaccination à l'échelle de la planète avaient redonné des lueurs d'espoir dans les milieux économiques et financiers.

L'éclatement de la guerre aux portes de l'Union européenne a complètement changé la donne. Le renchérissement du coût de l'énergie et des matières premières et l'instabilité géopolitique liée au conflit bouleverse l'ensemble du commerce mondial. Si l'inflation en France est plus contenue que dans la plupart des autres pays européens, l'enlisement du conflit pourrait faire entrer l'économie dans une vaste zone de turbulences. Ce qui devrait sérieusement compliquer la tâche du prochain gouvernement après le 24 avril.

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Grégoire Normand
Commentaires 5
à écrit le 14/04/2022 à 0:47
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O.25 % c'est ouf.. hein ! Ça décoiffe un oeuf... Bon c'est du vent le pib mais pour le game.. on passe sous le tapis une infellation de 2 % official minimum pour la même période ( 3 à 5 % voir plus officieuse soit 10 à 15 % annuelle ).. soit donc e...

à écrit le 13/04/2022 à 10:46
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Adieu le retour au PIB de 2019 tant espéré pour 2022!

à écrit le 13/04/2022 à 1:22
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On a connu la récession pendant le Covid et personne n’en a parlé. On connaîtra la récession du simple fait de l’arrêt de l’expansion monétaire. Macron ou son successeur irons râler contre la BCE. Et il leur sera rappelé que celle-ci n’appartient pas...

le 13/04/2022 à 11:07
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Entièrement d'accord avec votre analyse surtout si la guerre en Ukraine dure, la récession sera inévitable et sans doute pour toute l'U.E.

le 14/04/2022 à 0:27
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Qui détient la BCE ? 30.01.2020 Les banques centrales des pays de l’Union européenne (UE) détiennent ensemble la Banque centrale européenne (BCE). Elles en sont en quelque sorte les actionnaires et possèdent chacune une part de son capital. En ...

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