Industrie verte : comment Patrice Vergriete a transformé Dunkerque

Sous l’impulsion du maire et président de la communauté urbaine, Patrice Vergriete, nouveau ministre du logement, Dunkerque s’est totalement transformée pour se tourner vers l’industrie du 21e siècle et créer un collectif bien huilé qui lui permet d’être à nouveau très attractive. Lors de la pose de la première pierre d'Euraénergie en mai dernier, La Tribune les a rencontrés. Reportage.
Lors de la pose de la première pierre d’Euraénergie le 31 mai dernier, Patrice Vergriete, l’ambassadeur de Norvège et le préfet ont symboliquement enterré une molécule de carbone. Une façon de montrer qu’innover sans polluer, c’est possible.
Lors de la pose de la première pierre d’Euraénergie le 31 mai dernier, Patrice Vergriete, l’ambassadeur de Norvège et le préfet ont symboliquement enterré une molécule de carbone. Une façon de montrer qu’innover sans polluer, c’est possible. (Crédits : Denis Allard/Leextra pour La Tribune)

Venir du passé. Tendre vers l'avenir. Savoir ce qui a été pour construire ce qui sera. Peut-être est-ce cette philosophie de la passe en arrière pour avancer qui anime actuellement la ville de Dunkerque. Un peu à l'image d'une équipe de rugby qui passe le ballon en arrière pour avancer, le collectif du territoire dunkerquois au sein duquel s'ébrouent la communauté urbaine (CUD), le port, et les acteurs économiques locaux a su regarder en arrière pour aller chercher les voies d'avenir. Regarder en arrière pour se rappeler que Dunkerque avait toujours été l'une des grandes villes industrielles hexagonales et qu'elle avait su en tirer profit pour tous : les industriels, mais aussi les habitants. Regarder en arrière, aussi, pour se souvenir de la lente perte de vitesse et des fermetures d'usines qui survenaient les unes après les autres. Regarder en arrière enfin pour se dire que si d'aventure l'industrie devait revenir dans la ville et plus largement sur le territoire cela devrait se faire en tenant compte des nouvelles exigences environnementales.

Fort de ces appuis venus du passé, le territoire dunkerquois dans son ensemble, tel un collectif de rugby s'est mis en marche pour réinventer non seulement son industrie, mais aussi son territoire et plus largement la façon d'y vivre.

Transition vers l'industrie du 21e siècle

Au poste de demi d'ouverture, de meneur de jeu ou de chef d'orchestre se trouve Patrice Vergriete. Élu maire de la ville en 2014, réélu en 2020, président de la communauté urbaine, et nommé ministre du logement le 20 juillet dernier, l'édile a été le détonateur du nouveau jeu dunkerquois. Dès la campagne électorale de 2014, il a posé comme objectif de mettre en marche la « transition vers l'industrie du 21e siècle. »

« Dans mon esprit, il était clair et indispensable que cela devait combiner trois choses, l'impulsion politique que je donnais, l'ingéniosité économique des acteurs industriels qui devaient monter à bord, et la capacité de travail de l'ensemble des forces vives du territoires dunkerquois », confie Vergriete. « Une fois ce postulat de départ, nous avons conçu quatre axes majeurs pour favoriser le développement industriel. Parier sur la transition énergétique pour faire de Dunkerque une ville attractive, chercher quelles pourraient être les innovations les plus intéressantes, utiliser l'atout majeur que constitue le port, et raconter ce que nous faisons et pourquoi nous le faisions à la population », détaille encore le maire.

T16

Une fois l'impulsion politique donnée, les choses se sont mises en place avec la création d'Euraénergie, le collectif des acteurs économiques locaux, en lien avec le port de Dunkerque ainsi que la mise en marche de tout le territoire afin d'attirer les nouvelles industries et de « changer complètement l'image du territoire dunkerquois », note Vergriete. Passer d'une culture installée de la dépression, à l'optimisme et à l'invention d'une nouvelle voie en quelques sortes. Comme toutes les bonnes équipes, Dunkerque a subi quelques déceptions et puis la décision de l'entreprise Verkor de venir s'implanter a changé la donne et surtout vient confirmer que la stratégie est la bonne.

« Verkor, c'est le symbole même des entreprises et des nouvelles idées que nous souhaitons attirer », décrypte Rafaël Ponce, le DG d'Eurarénergie. Et de compléter : « Ils fabriquent des modules qui servent aux batteries électriques, vont créer une usine de 2000 salariés cela représente de facto 6000 personnes concernées avec les activités de sous-traitance, et s'inscrivent dans la logique de décarbonation capitale pour le territoire dunkerquois. Un exemple vertueux qui démontre que nous allons dans la bonne direction. »

T16

Euraénergie : un collectif bien rôdé

Le jour de notre reportage a d'ailleurs lieu la pose de la première pierre du futur nouveau bâtiment qui abritera toutes les activités du pôle Euraénergie. Ce bâtiment accueillera des bureaux pour des entreprises, des startups et des formations dans le milieu de l'énergie. Ce parc d'activités sera consacré à la transition énergétique, la décarbonation et l'économie circulaire. Ce sera à la fois une plateforme de recherche, mais aussi une vitrine pour les activités relatives à l'énergie et un lieu d'expérimentation pour innover dans la production, le stockage et la gestion de l'énergie. Cela pour raconter aussi la transformation de la communauté urbaine. Le bâtiment sera la propriété de la Communauté Urbaine de Dunkerque (CUD) géré par Groupe d'Intérêt Public Euraénergie composé notamment de l'Agence d'urbanisme, le Grand Port Maritime de Dunkerque ou encore Pôlénergie et Ecopal. Collectif. Ensemble. Comme dans une mêlée de rugby.

Symboliquement, Patrice Vergriete, l'ambassadeur de Norvège (les architectes du bâtiment sont norvégiens) et le préfet ont enterré une molécule de carbone. Façon de montrer que d'innover sans polluer, c'est possible. Façon aussi de dire que Dunkerque continue sur sa dynamique après l'annonce de l'implantation de Verkor, de la création dans l'année de plus de 20 000 emplois industriels. Façon aussi de raconter l'histoire de cette équipe du territoire dunkerquois où la transition énergétique est au cœur du projet de réindustrialisation. Ainsi les bus sont devenus gratuits « afin de faciliter les trajets et d'encourager les habitants à laisser tomber leurs voitures » note Vergriete.

Ce jour-là, tous les acteurs locaux sont présents. Chacun prenant une part de la réussite de ce projet et de la transformation dans son ensemble puisqu'outre Verkor, c'est aussi Prologium qui vient d'annoncer le choix de Dunkerque. Un investissement d'environ 5,2 milliards d'euros pour cette Giga factory qui emploiera quelque 3000 personnes. Quelques jours auparavant c'est XTC qui avait fait la même annonce avec un investissement de 1,7 milliards d'euros, une usine avec 1500 salariés, toujours autour de la fabrication de batterie.

« Ce qui est crucial dans la méthode du territoire est la fédération des acteurs. Cela fait neuf ans que nous travaillons tous dans le même sens, que nous ne flanchons pas et que nous nous battons pour que ces résultats arrivent », note Daniel Deschot directeur adjoint du Grand Port de Dunkerque. Il ajoute : « Ce que nous avons créé c'est un triangle vertueux. Pouvoir publics, acteurs économiques et population associée et motrice. »

T16

Redorer l'image du secteur

Population associée ? « Nous avons décidé de tout raconter à la population y compris les difficultés, de l'impliquer aussi en permettant à celles et ceux qui n'avaient plus d'emplois de se former à des nouveaux savoir-faire, et surtout de la sensibiliser et de la convertir à une autre façon de vivre, plus durable », analyse Vergriete. Cela grâce à des interventions dans les écoles, notamment. Une façon également de redorer le blason de l'industrie dans un territoire où les usines sont ce qui a permis de vivre mais qui ont aussi engendré des maladies. « Pour construire des EPR ou de l'éolien off-shore, il faut l'assentiment des populations », note Vergriete. Pour cela la CUD met en place des incitations. Par exemple, le fait de bénéficier d'une réduction sur le prix de l'électricité si l'on vit proche du parc éolien.

Le dernier enjeu est de transformer la façon de faire de l'industrie. L'équipe dunkerquoise a réfléchit à des innovations permettant de produire de façon décarbonnée avec de la captation de CO2 pour en faire de l'énergie, ou d'utiliser la chaleur fatale pour créer de l'énergie. Cette chaleur fatale sera d'ailleurs utilisée par l'entreprise Verkor. « Ce que nous avons mis en place permet de faire de Dunkerque un territoire attractif, tant pour sa situation proche de l'Angleterre, de la Belgique, et de Paris, que par sa vocation écologique avec un mix énergétique et une volonté de transformation », juge Rafaël Ponce.

Au bout d'une journée, une certitude : la ville de Dunkerque et avec elle son territoire vit une profonde transformation qui rend, tant les acteurs que la population, très fiers. Le fait que le président de la République, Emmanuel Macron ait choisit Dunkerque comme l'un des symboles de sa stratégie de réindustrialisation du territoire constitue également un symbole fort. La machine est lancée. L'équipe Dunkerquoise enchaîne les victoires. Elle veut aller encore plus vite. « Nous militons pour la création de zones économiques spécifiques au sein desquelles les instructions des dossiers seraient facilitées car les échelons administratifs français ralentissent les décisions et parfois, freinent les investisseurs », détaille encore Vergriete. Bouger pour garder la dynamique. Faire avancer le collectif. Toujours. On ne change pas une équipe qui gagne dit l'adage.

Commentaires 8
à écrit le 25/07/2023 à 9:52
Signaler
Deux fautes notables dans ce papier : - "en quelque sorte" s'écrit sans "s" - "décarbonée" s'écrit avec un seul "n" Au plaisir d'aider.

à écrit le 22/07/2023 à 15:17
Signaler
A l'opposé le région PACA devenue par des élus du XX siècle la région sud mot d'un commun qui montre le niveau des politiciens de cette région. Région qui en dehors de Fos secteur industriel là encore du XX siècle pas grand chose d'innovant les élus ...

le 23/07/2023 à 9:37
Signaler
ho ! mais les travaux du futur tracé L G V Marseille.- NICE. pour bientôt ! un remède

à écrit le 22/07/2023 à 13:50
Signaler
L'industrie verte ? Ce n'est pas nouveau. Pourquoi pas plutôt l'administration verte, celle qui a une empreinte carbone moins élevée et est écologiquement soutenable ?! Parce que pour le moment, le boulet, c'est bien l'administration : elle pollue ...

à écrit le 22/07/2023 à 13:04
Signaler
Habitant le calaisis toute ma carrière sur Dunkerque ville prospère grâce à une main d’œuvre festive et courageuse qui sait se lever tôt , pendant la période covid nos vaccinations sur le Dunkerquois , le calaisis vit une montée du populisme qui...

à écrit le 22/07/2023 à 12:21
Signaler
Une région qui profite de milliers d'hectares industriels à l'abandon permettant de bien gérer les zones artificialisées. Attention quand même de garder les plus belles usines à l'abandon pour la mémoire et les si belles images qu'elles fournissent, ...

le 22/07/2023 à 15:36
Signaler
Premier degré? Oui, l'étendue des friches laisse en effet de la marge dans le cadre du ZAN. Mais à quel prix? Les entreprises sont parties et ont abandonné ces terrains pollués...à la charge de ceux qui restent. (confer Metaleurop). Les rendre à la v...

le 22/07/2023 à 19:31
Signaler
Il faut espérer quand même qu'ils les recycleront d'une façon ou d'une autre, ensuite c'est vrai qu'on est dans un vide juridique imposant que seul l'argent public encore et toujours gère le truc mais musées, galeries et autres centres de créations c...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.