La pandémie a fortement dégradé les conditions de travail en France

Surmenage, anxiété, pression, crainte... plus de 40% des salariés ont connu une détérioration ou une intensification de leurs conditions de travail depuis le début de la pandémie selon une vaste enquête des statisticiens du ministère du Travail.
Grégoire Normand
Dans la santé, le personnel a été mis à rude épreuve.
Dans la santé, le personnel a été mis à rude épreuve. (Crédits : Reuters)

Mal-être, dépression, stress, isolement, arrêt-maladie, hospitalisation... depuis le début de la pandémie, beaucoup de travailleurs expriment un profond malaise au boulot. Les vagues d'épidémie et les confinements à répétition ont accru la pression sur une bonne partie de la population active. Tous ces bouleversements ont eu des répercussions néfastes sur la santé des travailleurs. Dans deux enquêtes dévoilées ce vendredi 28 mai, la direction statistique du ministère du Travail (Dares) dresse un tableau alarmant de la détérioration des conditions de travail depuis l'arrivée du virus sur le sol européen.

La vaste enquête TraCov menée auprès de 17.000 personnes en emploi montre que globalement depuis la pandémie "le travail s'est allongé, l'intensité et l'insécurité de l'emploi ont augmenté par rapport à la période d'avant-crise. Dans le détail, 17% des actifs occupés déclarent travailler plus longtemps, 73% ont travaillé le même temps et 10% ont connu un recul du temps de travail" a expliqué Mickael Beatriz, adjoint au chef du département Conditions de travail et santé lors d'un point presse ce vendredi.

43% des travailleurs ont connu une intensification ou une dégradation

Le travail réalisé par les statisticiens montre que cette détérioration est loin d'être un phénomène isolé. Sur l'ensemble des travailleurs interrogés, 43% ont connu une intensification (32%) ou une dégradation (11%) de leur activité professionnelle. Evidemment, il existe des disparités importantes en fonction de l'âge, de la catégorie professionnelle, du secteur et de la profession. Sur le tiers concerné par une intensification du travail, "si le travail s'est allongé et intensifié, l'autonomie et la coopération ont progressé. Ce qui leur a sans doute permis d'absorber une surcharge de travail. Beaucoup de personnel dans la santé et les métiers jugés 'essentiels' ont été concernés par cette intensification" ajoute le statisticien. Une grande part des cadres (26%) et professions intermédiaires (30%) ont exprimé une recrudescence de ce sentiment.

Concernant la dégradation des conditions professionnelles, ce ressenti est particulièrement exprimé chez les femmes (55% contre 45% chez les hommes), les cadres et professions intermédiaires. "On retrouve du personnel de l'enseignement, des banques ou des assurances" explique Mickael Beatriz. A l'opposé, une bonne moitié des personnes interrogées n'a pas connu de changements majeurs dans leurs conditions professionnelles assure l'étude et 10% ont même connu "une accalmie" en raison par exemple des limitations ou des fermetures administratives.

Un état de santé en chute libre, un risque de dépression doublé depuis la crise

L'état de santé d'un grand nombre de travailleurs s'est considérablement détérioré depuis le début de la pandémie. Ainsi, 30% des répondants ont indiqué un état de santé altéré en janvier 2021 contre 25% dans une enquête de 2019. L'un des résultats les plus frappant de cette grande enquête est que "le risque de dépression est multiplié par deux. La dégradation des conditions de travail peut contribuer à ce risque de dépression. La dégradation de la santé des télétravailleurs doit également être pris en compte" a déclaré le chercheur. Avec l'allongement de la crise sanitaire, les séquelles laissées par la crise sur les travailleurs risquent de s'amplifier.

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18% des travailleurs contaminés

La crainte d'attraper le virus depuis le début de la pandémie hante une grande partie de la population française. Ainsi, près d'un travailleur sur cinq (18%) affirme avoir été contaminé et 28% d'entre eux pensent qu'ils ont attrapé cette maladie infectieuse sur leur lieu de travail. Sans surprise, "les métiers les plus concernés sont dans la santé, le social et la sécurité" a déclaré Thomas Coutrot, chef du département Conditions de Travail et Santé à la Dares lors du point presse. Comment expliquer ce niveau de contamination ? "Le respect des gestes barrières est parfois rendu difficile. La contamination est liée aux différentes sources de contact comme les collègues, les clients ou les transports en commun" ajoute-t-il. Il existe également des entorses au respect des mesures d'endiguement :

"Certains gestes barrière sont largement respectés comme ceux concernant le lavage des mains ou le port du masque. En revanche, les mesures de distanciation physique sont beaucoup moins respectées. L'intensité des contacts et du travail rend la distanciation plus difficile. D'autres facteurs comme les conflits éthiques, le manque d'aide des supérieurs, le bruit rendent difficiles le respect des mesures de distanciation. On a vu ça dans les clusters de contamination dans les abattoirs par exemple" affirme Thomas Coutrot.

Quant au télétravail, il réduit "les risques de contamination dans le cadre professionnel. Même lorsqu'ils viennent travailler sur site, les salariés qui télétravaillent régulièrement (au moins 1 jour par semaine en janvier 2021) ont moins de difficultés à respecter les gestes barrière" indique l'étude. En revanche, les télétravailleurs affirment plus souvent que les autres avoir été contaminés dans la sphère domestique.

"Les télétravailleurs se contaminent moins dans la sphère du travail mais plus dans le cadre de la sphère personnelle. Les télétravailleurs ne sont pas moins contaminés que les autres travailleurs en janvier 2021. Ils se contaminent moins au travail mais plus ailleurs. Le risque de télétravail peut s'expliquer par d'autres facteurs comme le logement exigu par exemple. Il y a un risque accru de contamination non professionnelle. L'autre facteur qui peut expliquer cette contamination chez les télétravailleurs est la hausse des contacts sociaux et amicaux chez les diplômés" précise l'économiste.

Le sentiment d'insécurité sur l'emploi en forte hausse

La mise sous cloche de l'économie française en 2020 et la chute abyssale de l'activité ont exacerbé les craintes de pertes d'emploi pour beaucoup d'individus. Ainsi, 25% des répondants affirment avoir plus de craintes pour leur emploi par rapport à la période d'avant crise. Si les destructions de postes ont été relativement limitées au regard de l'ampleur de la récession en 2020, beaucoup de grands groupes, ETI et PME ont déjà considérablement coupé dans leurs effectifs malgré les aides. Avec le déconfinement, la levée prochaine de toutes ces mesures pourrait multiplier les fermetures de sites et les licenciements.

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Grégoire Normand
Commentaires 3
à écrit le 29/05/2021 à 10:27
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Bref! La pandémie a bon dos, c'est a l'organisation humaine de s'adapter avant qu'il y ait une "répétition" bien plus sérieuse!

à écrit le 29/05/2021 à 9:49
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La pandémie ou la gestion de la pandémie, telle est la question !

à écrit le 29/05/2021 à 9:05
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LOL, reLOL et re-reLOL 🤣🤣😂. Les conditions de travail étaient déjà dégradées, voire pourries, bien avant le covid. Mais c'est bien l'effet recherché : faire rendre gorge à la classe ouvrière et aux classes moyennes!! De toute façon, le harcèlement m...

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