Les PME et ETI industrielles sont encore frileuses à embaucher des étrangers, selon Bpifrance

Seuls 6% des travailleurs des PME et ETI industrielles sont étrangers, contre 13% dans le BTP, note BPIfrance. Pourtant, ces secteurs manquent cruellement de main-d'oeuvre. Une solution pourrait venir de l’immigration selon la Banque publique, même si le recours à la main-d'œuvre étrangère n’est pas encore très bien accepté ou mis pratique dans les entreprises françaises.
Maxime Heuze
Seuls 6% des salariés des entreprises industrielles françaises sont étrangers, contre 13% dans le BTP.
Seuls 6% des salariés des entreprises industrielles françaises sont étrangers, contre 13% dans le BTP. (Crédits : DR)

« On fait face à de graves pénuries de main-d'oeuvre, ça va s'empirer et ça va être un problème ». Voilà le constat alarmant de Nicolas Dufourcq, le directeur général de la Banque publique d'investissement (BPI France) lors de la publication lundi d'une étude BPI France Lab qui a interrogé 2.454 entreprises industrielles de petites et moyennes tailles (PME et ETI) de 1 à 5.000 salariés. Résultat, 62 % des patrons disent rencontrer des difficultés régulières. Et 64 % rendent compte de difficultés structurelles antérieures au Covid.

« L'industrie est l'un des premiers secteurs en tension avec le BTP et elles sont croissantes depuis 2015 », pointe du doigt Bao-Tran NGuyen, chargée d'étude au Lab. D'après la Direction Générale des Entreprises (DGE), le nombre d'emplois vacants dans l'industrie a quasiment quadruplé depuis 2015. Dans le détail, les métiers les plus en tension sont ceux de techniciens, d'agents de maîtrise et d'ouvriers qualifiés (soudeurs, chaudronniers, électriciens), « des métiers où on manque de main d'oeuvre car ils sont techniques et demandent de la polyvalence », explique Bao-Tran N'Guyen.

Or, et c'est un paradoxe que pointe Bpifrance dans cette étude intitulée « Les collaborateurs étrangers dans les PME-ETI industrielles françaises », malgré ce besoin urgent de main-d'œuvre, seules 49% des entreprises industrielles ont embauché des travailleurs étrangers et seulement 29% d'entre-elles souhaitent y recourir dans les prochaines années (54% ne savent pas). Résultat, les PME et ETI industrielles ne comptent que 6% de main-d'œuvre étrangère contre 13% dans le BTP « alors qu'il y a autant de besoins », rappelle la chargée de cette étude. Si plus de 90% des entreprises de plus de 1.000 salariés emploient des travailleurs étrangers, ce chiffre tombe bien en dessous de 10% pour les entreprises de moins de 500 salariés, note BPIfrance.

Lire aussi« Il faut des textes clairs pour embaucher davantage de travailleurs étrangers sans être instrumentalisés » (Geoffroy Roux de Bézieux, Medef)

Un recours à la main d'oeuvre étrangère encore très faible

Comment expliquer cette réticence des petites et moyennes entreprises à faire appel aux étrangers ? La première des explications vient de la volonté des chefs d'entreprises. Selon l'étude, la plupart des recrutements d'étrangers sont initiés par opportunisme ou par contrainte, faute de trouver des travailleurs locaux correspondant aux besoins des entreprises. « En réalité, il n'y a pas beaucoup d'entreprises qui recourent aux étrangers par choix », confie Philippe Mutricy, directeur de l'Évaluation, des études et de la prospective. Si seuls un quart des chefs d'entreprises se prononcent fermement contre l'embauche d'étrangers dans le futur, ils sont nombreux à hésiter.

Leurs réticences proviennent notamment des règles qui régissent l'embauche. En effet, pour recruter un travailleur non ressortissant de l'Union européenne, une entreprise doit montrer que son poste est dans la liste des métiers en tension ou bien qu'elle a tout fait pour embaucher un salarié français.

« Les patrons interrogés nous confient qu'ils ont du mal à appréhender cette procédure et que ce n'est pas simple pour eux de recruter des collaborateurs étrangers », ajoute Philippe Mutricy.

Aussi, seuls 7% des patrons interrogés affirment avoir une politique d'accueil de travailleurs étrangers, un moyen pourtant crucial pour attirer et fidéliser la main-d'œuvre non-française. « Quelques entrepreneurs se portent caution pour leurs collaborateurs et ou proposent de les aider dans leurs moyens de transport ou dans leurs démarches administratives, mais cela reste une minorité » insiste Bao-Tran N'Guyen.

Enfin, la main-d'œuvre immigrée n'est pour le moment pas très nombreuse à toquer à la porte des entreprises tricolores, selon BPI France. « Il y a toute une partie d'étrangers performants en Europe et hors Europe qui préfèrent aller dans des pays industrialisés qui ont plus d'opportunités et peuvent davantage comparer les offres », précise Nicolas Dufourcq. Autrement dit, plus la France se réindustrialisera, plus elle pourra attirer des talents à l'international dans ce secteur.

Des tensions qui vont s'accroître d'ici à 2030

Dans cette optique, BPIfrance appelle les entreprises et l'Etat à mettre en place des solutions pour dynamiser l'embauche de travailleurs étrangers dans le futur dans le secteur industriel. Et pour cause, selon la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), les dynamiques démographiques vont être négatives sur l'emploi et s'empirer jusqu'en 2030 puisque l'organisme prévoit plus de départs à la retraite que d'arrivée de nouveaux travailleurs dans l'industrie. Pour la BPI, ce manque de nouvelle main-d'œuvre vient en grande partie d'un manque d'attractivité de l'industrie pour les jeunes.

Dans le même temps, les besoins devraient beaucoup augmenter avec la volonté de faire revenir une industrie verte en Europe dans les prochaines années. « Quand bien même la dynamique départs à la retraite / nouveaux travailleurs serait favorable, elle ne répondrait pas à l'augmentation des demandes dans l'industrie », alerte Bao-Tran NGuyen.

« On voit mal comment réindustrialiser à hauteur de 2 points de pourcentages de produit intérieur brut dans 12-15 ans (soit 59 milliards d'euros au PIB actuel ndlr) sans recourir à la main-d'oeuvre étrangère », assure le directeur général de BPIfrance qui rappelle que la France a pour objectif de recruter 500.000 personnes dans l'industrie d'ici 2030.

Pour ce dernier, « il faut redonner envie aux jeunes d'aller dans les industries mais il faudra aussi forcément faire venir des travailleurs étrangers » conclut Nicolas Dufourcq. Un point de vue qui risque de faire grincer les dents d'une partie des politiques et de la population.

Maxime Heuze
Commentaires 5
à écrit le 20/06/2023 à 10:08
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J'ai déjà travaillé avec des collègues étrangers qui ne respectent pas nos normes. Je constate qu'aucune leçon n'est tirée des problèmes rencontrés sur le chantier de Flamanville, ou encore du déploiement de la fibre optique. Les petites entreprises ...

à écrit le 20/06/2023 à 9:50
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Plutot que de résoudre les problèmes de formation, d'orientation , et même de réglementation , il n'y a qu'à coller un immigré sur le poste : triste pays, triste mentalité

à écrit le 19/06/2023 à 22:42
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Le problème c est que les immigrés qui toquent à la porte de la France sont ceux qui ont le bagage intellectuel le plus bas , sont les moins formés voir pas du tout et ne parle aucune langue étrangère a part leur langue d origine et un peu de Franç...

à écrit le 19/06/2023 à 22:42
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Le problème c est que les immigrés qui toquent à la porte de la France sont ceux qui ont le budget intellectuel le plus bas , sont les moins formés voir pas du tout et ne parle aucune langue étrangère a part leur langue d origine et un peu de Franç...

à écrit le 19/06/2023 à 20:18
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Bpifrance fait fausse route il serait plus judicieux d'inciter les entreprises à former leurs futurs collaborateurs , avoir recours à des étrangers est la solution de facilité à courte vue .A une époque la SUISSE recrutait des infirmières françaises ...

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