Lutte contre l'artificialisation des sols : l'Assemblée veut rassurer les maires

L'Assemblée nationale doit se prononcer ce mardi en première lecture sur un ensemble de mesures visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » dans les territoires. Un texte initié en mars au Sénat, que les députés ont remanié sur plusieurs points dans le but de rassurer les élus locaux, qui craignent d'être les perdants dans la lutte contre l' « artificialisation des sols ».
S'il y a un consensus sur la nécessité de freiner l'artificialisation, la mise en œuvre de la loi suscite la grogne des élus locaux, qui craignent d'être privés d'un levier déterminant pour leur développement économique et la création de logements.
S'il y a un consensus sur la nécessité de freiner l'artificialisation, la mise en œuvre de la loi suscite la grogne des élus locaux, qui craignent d'être privés d'un levier déterminant pour leur développement économique et la création de logements. (Crédits : © Stephane Mahe / Reuters)

C'est un vote dont l'issue ne devrait pas être une surprise à l'Assemblée nationale. Ce mardi en fin de journée, les députés devraient voter favorablement la proposition de loi sénatoriale visant à faciliter la mise en œuvre des objectifs de « zéro artificialisation nette » (ZAN) dans les territoires. Ils ont achevé vendredi dernier sans encombre son examen en première lecture. La voie serait ainsi ouverte pour de prochaines négociations serrées avec le Sénat en commission mixte paritaire (CMP).

Lire aussiComment l'Assemblée entend concilier réindustrialisation et « zéro artificialisation nette » des sols (ZAN)

Car les députés ont remanié plusieurs points du texte adopté mi-mars par les sénateurs. Sous l'impulsion du gouvernement notamment, inquiet d'une remise en cause du cap fixé par la loi Climat de 2021 pour une « zéro artificialisation nette des sols » (ZAN).

L'Assemblée durcit le texte du Sénat

Derrière ce sigle, un objectif en deux temps : réduire de moitié d'ici à 2031 la consommation d'espaces naturels et agricoles par rapport à la décennie précédente, puis, à l'horizon 2050, ne plus bétonner de sols à moins de « renaturer » des surfaces équivalentes. S'il y a un consensus sur la nécessité de freiner l'artificialisation, destructrice de biodiversité et facteur de réchauffement climatique, la mise en œuvre de la loi suscite la grogne des élus locaux, qui craignent d'être privés d'un levier déterminant pour leur développement économique et la création de logements.

Lire aussiLe Sénat veut soulager les maires démunis face au « zéro artificialisation nette » (ZAN)

Faciliter la tâche des maires est donc tout l'enjeu du texte initié au Sénat, par Jean-Baptiste Blanc (LR) et Valérie Létard (centriste). Mais la proposition ouvrait « trop largement » la porte à l'étalement urbain, selon le ministre de la Transition écologique pour qui des lignes « rouge écarlate » avaient été franchies.

À la baguette pour le gouvernement sur ce dossier sensible, Christophe Béchu a obtenu plusieurs évolutions du texte à l'Assemblée. Exit par exemple un article qui visait à rendre non-contraignants pour les communes les objectifs de réduction du rythme d'artificialisation fixés par les régions. Idem pour un autre assouplissant la définition des surfaces « non artificialisées », incluant par exemple des pelouses résidentielles. Ces articles ne figurent plus dans la version du texte soumise au vote de l'Assemblée, et le gouvernement s'est engagé à traiter ces points dans des décrets.

Un « forfait » pour les « projets d'ampleur nationale »

Sur l'une des mesures phares, l'Assemblée a maintenu le principe d'un décompte séparé des sols artificialisés pour des « projets d'ampleur nationale », comme des lignes ferroviaires à grande vitesse. L'objectif étant qu'ils ne grignotent pas les enveloppes de bétonisation attribuées à leurs régions d'accueil.

Les députés ont par contre créé un « forfait » de 15.000 hectares pour ces grands projets, soustraits de l'enveloppe de 125.000 hectares artificialisables fixée pour l'ensemble du pays pour la décennie. L'objectif global pour 2031 demeure ainsi inchangé. Et il resterait un solde de 110.000 ha à ventiler entre les régions. Comme le souhaitait Christophe Béchu, il est prévu dans le texte de l'Assemblée que même les projets estampillés « industrie verte » soient comptabilisés dans le forfait de 15.000 ha.

Cela promet un bras de fer avec les sénateurs : ils ont justement voté jeudi dernier leur exclusion des objectifs ZAN, lors de l'examen d'un projet de loi sur l'industrie verte. « Il y aura encore certainement des convergences à trouver » avec les sénateurs en CMP, a convenu vendredi Christophe Béchu.

Un droit à construire pour certaines communes

Parmi les autres points chauds, l'Assemblée a maintenu une autre mesure de « souplesse » voulue par le Sénat : un « droit à construire » d'au moins un hectare par commune. Les députés ont toutefois précisé que cette « garantie rurale » serait réservée aux communes « peu » ou « très peu denses », et couvertes par un plan d'urbanisme intercommunal. Elle serait par ailleurs « mutualisable » avec d'autres communes.

Lire aussiRéindustrialisation : Le Maire pousse à exempter l'industrie verte du zéro artificialisation nette (ZAN) des sols

Les écologistes ont fustigé une mesure « démagogique », ne faisant pas la différence entre « une petite commune de 1.000 habitants ayant artificialisé à outrance » et une autre « de 5.000 habitants ayant fait preuve de sobriété ». Les députés Les Républicains et Rassemblement national ont de leur côté tenté en vain d'exclure les communes des objectifs ZAN sous certains seuils de population. « Le ZAN est "ruralicide" », a lancé le député LR Marc Le Fur lors des débats. « La proximité des sénatoriales (ndlr : le 24 septembre prochain) pousse certains à des positions très offensives », a commenté un député du camp présidentiel.

(Avec AFP)

Commentaires 2
à écrit le 28/06/2023 à 8:30
Signaler
Nos maires sont sourds à cette zéro artificialisation des sols car influencés par des petits patrons ancrés dans les trente glorieuses et leur idéologie du gaspillage et de l’artificialisation de tout à outrance. Les initiatives pertinentes sont tout...

à écrit le 28/06/2023 à 7:03
Signaler
Sujet pas si anodin : dans quelques années (aussi sous l´action d´autres facteurs), on risque fort de n´avoir plus le droit de construire sa maison : donc seuls les plus riches pourront posséder une maison individuelle ? Pour consommer moins de surfa...

Votre email ne sera pas affiché publiquement.
Tous les champs sont obligatoires.

-

Merci pour votre commentaire. Il sera visible prochainement sous réserve de validation.