Avant le coup d'envoi officiel du "Grand débat" prévu devant 600 maires à Grand Bourgtheroulde, Emmanuel Macron a fait une étape surprise - sans même en avertir le maire -, à Gasny (Eure), commune de 3.000 habitants où il a participé au conseil municipal autour d'une longue table rectangulaire.
Pendant près d'une heure, le chef de l'État, en présence de Sébastien Lecornu, ministre chargé des Collectivités territoriales et co-animateur du "Grand débat", a écouté les élus locaux sur les sujets de la CSG et des retraites, avant d'afficher sa volonté de davantage "responsabiliser" les personnes en situation de difficulté économique et financière en France, estimant que si certains "font bien", d'autres "déconnent".
« Une partie du traitement de la pauvreté est dans les personnes qui vivent des situations de pauvreté, en les responsabilisant, en les aidant à s'en sortir, en les considérant. » La solution ne réside pas « dans le face-à-face entre ceux qui profiteraient d'un côté et ceux qui seraient les vaches à lait de l'autre, ce n'est pas vrai. Elle est dans un travail collectif qui est très fin que font les travailleurs sociaux. Les gens en situation de difficulté, on va davantage les responsabiliser parce qu'il y en a qui font bien et il y en a qui déconnent, mais ils sont tous acteurs. »
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[Crédits : Reuters]
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Malaise dans les rangs de l'opposition
Ces propos surviennent dans un contexte social toujours tendu après deux mois de mouvement des "Gilets jaunes", qui manifestent depuis neuf week-ends consécutifs pour réclamer plus de pouvoir d'achat et de démocratie participative. Et ils rappellent ceux prononcés le 11 janvier dernier où le chef de l'État a dit regretter que trop peu de Français avaient "le sens de l'effort".
Dans les couloirs de l'Assemblée nationale, la "petite phrase" a fait son effet. Olivier Faure, premier secrétaire du Parti socialiste, a rétorqué chez nos confrères de Reuters qu'il « y a (aussi) des riches qui sont de bons citoyens et des riches qui déconnent, et qui déconnent gravement. »
Pour le député Les Républicains (LR) Daniel Fasquelle, « c'est une petite phrase qui va choquer les Français, c'est même une petite phrase inadmissible, le président ne doit pas s'exprimer de cette façon-là. Le président de la République est un exemple et doit donner l'exemple. »
« S'il doit tenir ce genre de propos, il doit les tenir à l'égard de tous les Français, pas seulement ne stigmatisant une fois de plus les Français les plus modestes. »
La "crise des Gilets jaunes", une "chance" pour mieux associer la population aux décisions
Confronté depuis deux mois à un mouvement de protestation sans précédent contre sa politique économique et sociale, le chef de l'Etat a parallèlement affiché sa détermination à « continuer à agir » et ne « pas faire semblant ». Il a dit son souhait que le grand débat puisse déboucher sur « une transformation de notre pratique démocratique. »
« Je ne veux pas dire que les "Gilets jaunes" est un mouvement social d'un nouveau type, qu'on va attendre qu'il se fatigue et la vie reprendra son cours (...) Mais c'est une chance pour qu'on puisse réagir plus fort et plus profondément. »
« On a des réflexes dans lesquels on a continué à s'enfermer collectivement. Le premier de ces reproches est « pour le gouvernement, pour moi-même : quand on a la légitimité on considère que c'est bon, ça y est, on peut y aller (...) Or, même avec cette légitimité, il faut continuer à associer, partager. Le grand débat doit servir à ça. »
(avec Reuters et AFP)