En cette fin juillet, la bulle médiatique et politique frôle encore la surchauffe. Après des semaines d'attente, c'est peu dire que le dernier remaniement a laissé beaucoup de commentateurs sur leur faim. Exemple, cette semaine, avec la journaliste politique Laureline Dupont qui laisse échapper sa lassitude au fil de sa chronique dans L'Express : « Nous voici dans une situation ubuesque où les médias attendent, feuilletonnent et commentent des remaniements que le président a scrupuleusement vidés de leur substance et de leur intérêt ».
Cette situation du « spin doctor » à outrance qui finit par tourner en rond est-elle propre au règne d'Emmanuel Macron ? À la fin du quinquennat Hollande, les commentateurs politiques avaient tendance à relayer en boucle les états d'âmes soit de Matignon (Valls), soit de l'Élysée (Hollande), sans s'apercevoir de la montée en puissance d'un certain Emmanuel Macron.
Mais c'est dans Le Point que Nicolas Baverez à les mots les plus durs contre le président, pointant son « enfermement » et « son déni », « faute de disposer de la moindre solution à la crise existentielle de la France ». Et la sentence tombe, pour l'essayiste libéral, ce quinquennat est « mort né ». Des mots durs mais qui peinent à éclaircir l'état des rapports de force politique au cœur de l'État. Comme si la panique aidant, la cécité s'emparait des observateurs.
À l'aune de la crise de la police, certains pointent la tentative de « coup d'État » de Gérald Darmanin, le ministère de l'Intérieur, suspecté de se venger de ne pas avoir été nommé Premier ministre. Pour ceux-là, la chose est entendue : le Roi est nu, et Emmanuel Macron voit peu à peu son pouvoir dissout dans l'impuissance et l'inaction.
Attention cependant de prendre ses désirs pour des réalités. Car l'on a assisté ces derniers jours à de nombreux jeux de rôle entre différents pôles de la macronie. Et à ce jeu-là, celui du petit théâtre de la « comédie humaine » de la politique (expression fétiche du président), Emmanuel Macron continue d'exceller et, finalement, de n'en faire qu'à sa tête, face à des recours qui apparaissent de plus en plus paralysés. Certes, le président est loin de tirer toutes les ficelles, mais il aime surfer la vague de « bordélisation du pays », comme le déplore un ancien macroniste, cette stratégie du pire, cette stratégie de la tension, afin de récupérer, à la fin, sa mise de départ.
Cette semaine, la pièce de théâtre était ainsi à plusieurs niveaux. Le bal a commencé par les propos du président lui-même au sujet de son ancien Premier ministre, Édouard Philippe, qui pourrait « prendre le relais » en 2027. Loin d'être un adoubement, tant l'on connaît la mésentente entre les deux hommes, il s'agit plutôt d'un véritable baiser de la mort, à l'image de celui qu'un certain Mélenchon avait adressé au jeune Ruffin quelques mois plus tôt.
Faut-il y voir une inspiration mitterrandienne pour les deux leaders politiques ? Reste que ces paroles, fortement commentées, avaient été précédées d'un voyage, lui aussi fortement commenté, de Brigitte Macron au Havre. De son côté, Édouard Philippe est resté silencieux, se contentant de poster les photos de cette rencontre sur les réseaux sociaux, où l'on pouvait apercevoir son sourire crispé face à la première Dame.
Le second épisode s'est déroulé cette semaine avec la rencontre entre Philippe et Borne. Cette fois-ci, l'estime entre eux est réellement « réciproque ». Cette rencontre est une manière pour la Première ministre de se conforter face à leur ennemi commun, Gérald Darmanin. La « team » Borne, Kohler, et Philippe serre donc les rangs face à un ministre de l'Intérieur qui apparaît pour beaucoup en roue libre sur le dossier de la police, mais qui est en fait instrumentalisé par l'Élysée face à Édouard Philippe. C'est ainsi que le président a tenu à voyager avec son ministre de l'Intérieur jusqu'à l'autre bout du monde quand bien même les réseaux sociaux, la police et la jeunesse semblaient dans un état d'incandescence.
Sur ce dernier sujet (l'état du pays, de la société française), le président a préféré rester silencieux. Et comme le rappelle l'adage populaire, qui ne dit mot, consent. Toujours et encore, la stratégie de la tension. Car Emmanuel Macron a-t-il réellement abandonné toute ambition politique après 2027 ? Rien n'est moins sûr. N'oublions pas : en 2017, peu de commentateurs pariaient que ce jeune président allait rester si longtemps : « Il est là pour dix ans ! », me prédisait pourtant un ancien soutien de Nicolas Sarkozy. Aujourd'hui, le même pense qu'on n'en a pas fini avec ce président. N'en déplaise à Nicolas Baverez.
Marc Endeweld.