
Pas question de les réunir ensemble, tant l'atmosphère entre les industriels de l'alimentaire et les super(et hypermarchés) est électrique. Aussi, le gouvernement prend-t-il soin de les recevoir les uns après les autres : ce mercredi matin pour les représentants de la grande distribution, le jeudi pour les industriels.
Pourtant, depuis des mois, l'exécutif veut que ces professionnels reprennent langue, se remettent autour de la table et rouvrent des négociations commerciales. Alors que le cours de plusieurs matières premières - blé, céréales etc -, est en baisse, il souhaite que ces réductions se répercutent sur les étiquettes, dans les rayons.
Mais chaque camp se renvoie la balle. Et en attendant, les consommateurs paient le prix fort. Ce qui n'est pas sans conséquence sur l'activité du secteur.
Les distributeurs vent debout
Et pour cause : « Les consommateurs se privent de produits essentiels », c'est en ces termes alarmistes, qu'Alexandre Bompard s'exprimait ce mardi matin, sur FranceInfo. Le PDG de Carrefour fait état d'un véritable « tsunami de déconsommation », enregistrant des baisses des ventes à deux chiffres sur de nombreux produits - dentifrice, serviettes hygiéniques, couches... mais aussi poissons, viande, fruits frais etc-. Et d'ajouter, « les Français sautent des repas, pour faire des économies....»
Même son de cloche du côté de Dominique Schelcher, le patron de Système U. Dans un post sur LinkedIn, il confirme les données d'une enquête LSA : « 75 % des Français déclarent avoir des fins de mois difficiles... ce chiffre est une alerte majeure, le bouleversement est profond. »
Face à cette chute inédite de la consommation, les représentants des grandes surfaces estiment toutefois avoir déjà largement rogné sur leurs marges. La plupart ont mis en place des opérations promotionnelles, et notamment des dispositifs de « panier inflation » - chacun dans son établissement limite le prix de 100 à 150 produits essentiels -. Prévus pour quelques semaines, ces « paniers inflation » vont se poursuivre jusqu'à la fin de l'année. Soit des pertes estimées à plus de millions d'euros par les grandes surfaces, qui se tournent du côté des industriels.
Les industriels trainent les pieds
Mais, les industriels se défendent. Eux aussi, assurent faire le maximum pour préserver le pouvoir d'achat des consommateurs. Après les injonctions du gouvernement, une quarantaine d'entre eux, a consenti à des baisses de tarifs - entre 5 et 7 %-, sur 1.000 produits - comme les yaourts, la compote, l'huile etc.
Avec cet argument : il y a certes des baisses de prix des cours mondiaux, mais il faut aussi intégrer dans les tarifs, les salaires de la main-d'œuvre, le coût du transport, des emballages etc. Rien qui ne justifie, en tout cas à leurs yeux, d'avancer les négociations commerciales annuelles prévues, traditionnellement, en fin d'année jusqu'à fin mars.
Un gouvernement volontariste mais...
Dans ce contexte, le gouvernement craint que la colère des Français n'éclate. Septembre est un mois souvent difficile pour les familles. Beaucoup ne parviennent pas à boucler les budgets. Aussi, ce mardi, en marge de la REF, Bruno Le Maire, le ministre de l'Economie a-t-il insisté : « Payer moins cher est la priorité des Français. Et notre priorité. On doit tous se serrer les coude s».
Aussi le ministre compte-t-il demander aux industriels et distributeurs d'élargir le nombre de produits sur lesquels ils peuvent baisser les prix. « Je souhaite que plus d'industriels s'engagent contre la vie chère et plus fortement. Et je souhaite que ces décisions soient inscrites dans le temps. » Et du côté d'Olivia Grégoire, chargée des PME qui suit également le dossier, on veut leur demander de passer « du panier au caddie inflation. »
Les bonnes paroles peuvent-elles suffire ? Ne faut-il pas en passer par des sanctions comme le gouvernement l'a parfois évoqué avant l'été ? Bruno Le Maire, visiblement, n'y tient pas. En tout cas, pas tout de suite. « Si des industriels ne jouent pas le jeu, je ferai le nécessaire mais mon objectif n'est pas de mettre la tête sous l'eau des industriels qui ont des difficultés, » assure-t-il.
Quant à une possible arme fiscale - une taxe -, dont Bercy avait fait état au printemps, le ministre la brandit, certes, mais non sans privilégier, en premier lieu le dialogue, et les échanges.
Vers un moratoire de la loi Descrozaille ?
En attendant, Alexandre Bompard, le nouveau président de la fédération du commerce et de la distribution, demande un moratoire sur la mise en application de la loi Descrozaille. Voté en mars dernier, ce texte vise à limiter les promotions dans plusieurs secteurs : l'hygiène, les produits de soin, ou encore la droguerie.
Un frein de plus sur la consommation, selon les distributeurs. Le gouvernement a promis d'étudier cette proposition, mais sans grande conviction. « L'Assemblée nationale est souveraine, et si changement il y a... cela doit passer par elle » explique un conseiller à Bercy. Et étant donné le contexte politique à l'Assemblée... Sous-entendu, autant éviter.