Réforme des retraites : « Si des modifications sont faites, c’est le débat parlementaire qui les amènera » (Olivier Dussopt)

Le 20 janvier, au lendemain de la mobilisation contre le projet des retraites qui a mis quelque 1,1 million de personnes dans la rue (selon la police, et 2 millions selon les syndicats), le ministre du Travail Olivier Dussopt était en déplacement dans l’Hérault. Il s’est rendu au siège des entreprises Optitec et Carte Noire sur la thématique de la pénibilité au travail et de la prévention de l’usure professionnelle. Avec un mot d’ordre qui revient comme une rengaine : la prévention.
Cécile Chaigneau
Le ministre du Travail Olivier Dussopt était en déplacement dans l'Hérault le 20 janvier, notamment dans l'entreprise Optitec, spécialisée dans l'application de peintures industrielles pour les secteurs de l'industrie et du bâtiment et dirigée par Luc Martin.
Le ministre du Travail Olivier Dussopt était en déplacement dans l'Hérault le 20 janvier, notamment dans l'entreprise Optitec, spécialisée dans l'application de peintures industrielles pour les secteurs de l'industrie et du bâtiment et dirigée par Luc Martin. (Crédits : Cécile Chaigneau)

Le message de la rue est clair : le gouvernement doit renoncer au report de l'âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans, et à l'accélération de l'allongement à 43 ans de la durée de cotisation. La mobilisation contre la réforme des retraites a été très forte : pour cette première manifestation, le 19 janvier, plus de 2 millions de personnes ont manifesté, selon les syndicats, et 1,1 million de personnes selon le ministère de l'Intérieur.

Le ministre du Travail Olivier Dussopt était en déplacement dans l'Hérault le 20 janvier, au lendemain de cette journée de mobilisation. Il s'est rendu dans un premier temps au siège de l'entreprise Optitec à Vendargues, spécialisée dans l'application de peintures industrielles pour les secteurs de l'industrie et du bâtiment (210 salariés dans l'Hérault, le Rhône, l'Ain et en Tunisie). Il filait ensuite à l'usine Carte Noire (groupe Lavazza) à Lavérune, où l'entreprise concentre quasiment 100% de la production de ses cafés.

Pénibilité au travail et prévention de l'usure professionnelle

Dans le contexte de mobilisation contre le projet de réforme des retraites, le ministre avait orienté son déplacement sur la thématique de la pénibilité au travail et de la prévention de l'usure professionnelle.

Car c'est l'un des points de friction entre le gouvernement et les syndicats : la réforme des retraites prévoit de garder les six critères de pénibilité actuels et de ne pas réintégrer les quatre critères supprimés en 2018 (les postures, les charges lourdes, les vibrations mécaniques et l'exposition aux agents chimiques). Une suppression qui était intervenue sur insistance du patronat, qui dénonçait une usine à gaz et un casse-tête dans la mise en œuvre...

Lire aussiRetraites : pourquoi les anciens critères de pénibilité n'apparaissent pas dans la réforme

« Il ne faut pas se voiler la face, il y a des métiers plus pénibles que d'autres »

A la tête d'Optitec, même si son entreprise investit notamment dans des équipements d'automatisation pour réduire le risque pour ses salariés, Luc Martin confirme bien l'existence de pénibilité :

« Il ne faut pas se voiler la face, il y a des métiers plus pénibles que d'autres, et nous avons des problématiques de taux d'usure sur certains personnels en raison de port de charges lourdes, de postures sur la manipulation des pièces, et de gestuelle pour l'application de peinture. »

L'entrepreneur reconnaît la nécessaire prise en compte de ces sujets et sollicite un accompagnement du gouvernement des entreprises, par exemple sur les investissements destinés à réduire la pénibilité.

Olivier Dussopt n'envisage pas de revenir sur les 4 critères supprimés

A priori, pas question, pour le ministre, de revenir sur la suppression des quatre critères de pénibilité. Un mot d'ordre revient dans ses propos comme une rengaine : prévention.

« Dans le C2P (compte professionnel de prévention permettant de déterminer et de référencer les facteurs de risques professionnels d'exposition d'un travailleur au-delà de certains seuils, Ndlr), nous allons changer certains critères pour qu'ils soient plus faciles d'accès, par exemple, le travail de nuit qui sera comptabilisé comme facteur d'usure à partir de 120 nuits par an contre 100 auparavant », déclare le ministre.

Il explicite :

« En 2017, un constat a été fait : il y a dans le C2P des critères de pénibilité qui sont plus difficiles à mesurer individuellement. Plutôt que les réintégrer, puisque ça ne fonctionne pas, nous allons les traiter différemment et changer la logique : nous allons demander à la Sécurité sociale, notamment à la branche maladies professionnelles et accidents du travail, d'identifier les métiers les plus à risques, de façon à ce que les branches professionnelles puissent négocier des accords collectifs permettant de faire co-financer des actions de prévention de l'usure professionnelle par la branche maladies professionnelles et accidents du travail. Et ça, c'est 1 milliard d'euros qui seront consacrés sur les quatre prochaines années à ce financement. »

100.000 personnes à la retraite par an pour inaptitudes médicales

Pour accompagner le report de l'âge légal de départ à la retraite, le gouvernement propose également la mise en place d'un suivi médical renforcé auprès des salariés ayant un métier pénible « pour que les gens abîmés puissent partir plus tôt si nécessaire ».

« On préfère tous que les salariés puissent aller jusqu'à l'âge de départ en bonne santé. Donc, la prévention est très importante », ajoute-t-il pour enfoncer le clou.

Une représentante de l'Aipals, service de santé au travail héraultais, évoque une étude réalisée auprès des salariés de l'Occitanie sur les causes d'inaptitude médicale, « qui est le point d'entrée dans la désinsertion professionnelle », souligne-t-elle :

« Cette étude a mis en évidence que l'âge pivot est de 55 ans, avec une augmentation importante de ces inaptitudes au-delà de cet âge, principalement les troubles musculo-squelettiques. »

Olivier Dussopt répond :

« Il y a un chiffre peu connu : chaque année, on compte 800.000 départs à la retraite et plus de 100.000, soit 15%, qui partent avant l'âge légal pour inaptitude médicale. Ce n'est pas acceptable. Cela signifie que la prévention n'est pas présente partout. Il faut faire baisser ce chiffre, réforme ou pas. »

Emploi des seniors : pénibilité morale et problème d'évolution salariale

Pendant de la réforme des retraites, l'emploi des séniors s'impose dans le débat. A la tête d'Optitec, Luc Martin assure que « l'intégration des séniors, on sait le faire, d'autant qu'aujourd'hui, nous avons une vraie problématique de recrutement ».

Mais le chef d'entreprise expose un problème au ministre : « Si au bout de deux ans, un salarié de 55 ans déclare une maladie professionnelle, c'est compliqué car on hérite de son passif. »

« Nous allons changer ça, promet le ministre. Aujourd'hui, la majoration du taux de cotisation en cas de maladie professionnelle est appliquée à l'entreprise qui emploie la personne alors que, souvent, cette maladie se déclenche car le salarié a été exposé avant. Nous allons faire en sorte que cette majoration du taux soit mutualisée avec les autres entreprises où a travaillé le salarié. Nous l'avons intégré au projet. »

A l'entrepreneur qui évoque « une pénibilité morale pour nos salariés car on a du mal à accompagner les évolutions salariales légitimes au vu de notre rentabilité, surtout quand on se prend dix points d'évolution sur notre compte d'évolution en raison des coûts de l'énergie », le ministre répond : « C'est pour ça que nous sommes très attachés à ne plus augmenter, et même à continuer de baisser, les prélèvements obligatoires. »

Et maintenant ?

A l'exercice du micro tendu à la presse, le ministre assure que « le dialogue avec les partenaires sociaux n'a jamais été fermé, et jusqu'au bout de l'examen du texte, tant avec les partenaires sociaux qu'avec les groupes politiques, quand on pourra améliorer les choses, on le fera ».

Toutefois, pas de modification de texte envisagé avant le début des travaux parlementaires. Le texte devrait passer en commission à partir du 30 janvier, avant son examen en séance publique, prévu le 6 février.

« Les modifications ont été faites avant que le conseil d'État examine le texte, il va ensuite être examiné par le conseil des ministres, puis par le Parlement, conclut-il. Si des modifications sont faites, c'est le débat parlementaire qui les amènera par des amendements. Nous avons un double objectif : améliorer notre système de retraite et qu'il soit équilibré d'un point de vue budgétaire. »

Le front syndical (les huit principaux syndicats), quant à lui, s'est mis d'accord sur une nouvelle date de mobilisation le 31 janvier.

Cécile Chaigneau
Commentaires 21
à écrit le 07/02/2023 à 14:41
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Dussopt est trop optimiste sur l'adoption de la retraite , tout comme l'ensemble de Renaissance ... On ne peut rien contre le peuple quand il est déterminé... Si cette loi de retraite passe telle que la désire Renaissance après 10 jours de débats il...

à écrit le 22/01/2023 à 20:02
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Cette réforme des retraites va pas donner envie de faire des enfants. Quel avenir régressif !!!

à écrit le 22/01/2023 à 11:36
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Il serait aussi possible de plafonner les retraites par répartition dont celles de nos élus professionnels et de nos grands fonctionnaires à disons 3000 E

à écrit le 22/01/2023 à 5:15
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Stanislas Guérini déclare qu'il consacrera une part des sommes gagnées par cette réforme des retraites à mettre en oeuvre les reconversions professionnelles des personnes qui ne peuvent exercer leur emploi trop usant jusqu'à 64 ans. Ainsi, ce gouvern...

à écrit le 21/01/2023 à 16:59
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Pour favoriser les carrières longues il faudrait augmenter le nombre d'années de cotisation pour une retraite pleine à 45 ans et l'age minimum de retraite à 64 ans. C'est le meilleur moyen de garder un juste equilibre. La retraite minimum de 1200 eur...

à écrit le 21/01/2023 à 15:40
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Bonjour,.ils y a dans cette histoire des critères importants a prendre en compte... 43 année de cotisation, alors que malheureusement dans notre société ils y a parfois des études plus ou moins longue, et aussi des périodes de chômage et de recherch...

à écrit le 21/01/2023 à 13:15
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Il aurait fallu demander un effort aux actifs et aux retraités + taxer davantage les revenus du capital. Voir l'article : la retraite à 64 ans, une arnaque intergénérationnelle. Ainsi le report aurait pu être à l'âge de 63 ans et non pas 64.

à écrit le 21/01/2023 à 11:59
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Et comme le débat parlementaire sera confisqué....Tout faux sur la forme, hors sol, on dirait vraiment qu'ils n'ont aucune idée de la mentalité française.

à écrit le 21/01/2023 à 9:28
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Quand on pense Olivier Dussopt était contre les réformes de retraite précédentes de la droite quand il était au PS ,puis... Souvenir : Une grosse altercation a notamment eu lieu entre eux au mois de septembre 2014 à l’Assemblée nationale. Quelques ...

le 22/01/2023 à 5:00
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Revons un peu. On prend les actuels vendus et sans aucunes convictions, forts nombreux certes. On fait un saut dans le passe et on les accrochent tous a des reverberes. Ou mieux, on ressort le rasoir national.

à écrit le 21/01/2023 à 0:17
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Il faut que chacun cotise pour soi. Le principe de la repartition n'est plus adapté à notre société. Personne ne veut plus payer pour les autres et tout le monde croit avoir droit à plus qu'il n'a cotisé. Le seul moyen d'établir la justice entre to...

le 21/01/2023 à 5:14
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Le problème de votre suggestion est comment payer les retraites de ceux qui ont cotisés sans la ressources des actifs, bref comment assurer la transition. Mais cela dit le plus efficace serait la suppression de ce système par répartition et que chac...

le 21/01/2023 à 11:15
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Et que faites vous des droits de retraites acquises pour les 20 millions de retraités actuels? Qui les payent ? Ma génération post 1965 - j ai 54 ans -donc plus le temps nécessaire pour constituer une retraite perso et ma situation salariale a 2000€...

le 21/01/2023 à 11:18
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Et que faites vous des droits de retraites acquises pour les 20 millions de retraités actuels? Qui les payent pour ces 20-30 prochaines années ? Ma génération post 1965 - j ai 54 ans -donc plus le temps nécessaire pour constituer une retraite perso,...

le 21/01/2023 à 11:19
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Et que faites vous des droits de retraites acquises pour les 20 millions de retraités actuels? Qui les payent pour ces 20-30 prochaines années ? Ma génération post 1965 - j ai 54 ans -donc plus le temps nécessaire pour constituer une retraite perso,...

le 21/01/2023 à 12:17
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@Adieu BCE & 66yeardsold, votre analyse est la vérité même. Cela est d'autant plus vrai que des régimes par capitalisation existent en France: Tous les fonctionnaires (y compris députés et sénateurs, plus les grands privilégiés de la banque de France...

le 21/01/2023 à 12:57
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"abrogation progressive " sur 20, 30 ou 40 ans ?

le 21/01/2023 à 23:05
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@ Adieu BCE : La raison que vous évoquez est effectivement une raison pour passer à la capitalisation , mais la raison principale à mes yeux est la nécessité pour les Français d'être maître de leurs outils de production et seule les fonds de pension ...

à écrit le 21/01/2023 à 0:10
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En bref tout pour les entreprises qui ne sont contrainte à rien …mais les salariées qu’on. Obligent à partir e. Retraite plus tard pour permette des allègements de charges aux entreprises dixit Lemaire sur France Inter … la prévention une blague . D...

à écrit le 20/01/2023 à 21:27
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Le débat parlementaire à coup de 49.3 avec un parlement paillasson piétiné par un hyperpresident au service du 3e âge.

le 21/01/2023 à 8:43
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"Au service du troisième âge"? Rien n'est moins sûr, même si les vieux votent Macron. Par exemple, le pouvoir d'achat des pensions a baissé de deux points en 2022; Même revalorisées en janvier puis en juillet 2022, les pensions courantes n'ont progr...

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