Télétravail : le parcours tumultueux d'un accord national

Les syndicats et représentants du patronat ont entamé un cycle de négociations depuis le 3 novembre dernier sur le télétravail. Ces discussions paritaires doivent aboutir à un accord national interprofessionnel le 23 novembre prochain. En attendant, les points d'achoppement demeurent nombreux entre certaines organisations syndicales qui réclament un accord global et le patronat qui veut rester sur l'accord national de 2005.
Grégoire Normand
Au vu de la généralisation du télétravail, les représentants du Medef, de la confédération des PME (CPME), de l'U2P (entreprises de proximité), de la CFDT, la CGT, Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC ont convenu de resserrer le calendrier, fixant des réunions les 10, 13, 17 et enfin 23 novembre pour la dernière.
Au vu de la généralisation du télétravail, les représentants du Medef, de la confédération des PME (CPME), de l'U2P (entreprises de proximité), de la CFDT, la CGT, Force ouvrière, la CFE-CGC et la CFTC ont convenu de resserrer le calendrier, fixant des réunions les 10, 13, 17 et enfin 23 novembre pour la dernière. (Crédits : https://unsplash.com/photos/C3V88BOoRoM)

Les organisations patronales et syndicales ont engagé un cycle d'âpres négociations depuis le début du mois de novembre sur le télétravail dans un contexte économique et social très dégradé. Un accord très attendu par un grand nombre de travailleurs doit aboutir à la fin du mois de novembre. Les syndicats de salariés réclament un nouvel accord national interprofessionnel (ANI) alors que le dernier date de 2005. Malgré l'urgence, les points d'achoppement entre les organismes paritaires sont nombreux. En septembre, la CFTC avait même décidé de quitter les discussions relatives au télétravail déplorant "le refus de la partie patronale de répondre clairement aujourd'hui à la question d'ouvrir ou non avec les partenaires sociaux une négociation en vue d'aboutir à un nouvel accord national sur le télétravail".

Beaucoup de "non"

Pour la secrétaire confédérale à Force ouvrière, Béatrice Clicq, "il fallait absolument mettre cette question dans l'agenda social. Le patronat est resté longtemps réticent. On a obtenu un premier pas avec l'ouverture de la négociation. C'est un peu comme un combat de boxe mais avec des temps plus serrés. Il ne faut surtout pas laisser de temps à l'arbitre pour reprendre la main, en l'occurrence le gouvernement. On est déterminés à aboutir", a-t-elle expliqué lors d'un point presse ce mardi. Mais "pendant les négociations, il y a eu beaucoup de 'non'", a-t-elle ajouté.

De son côté, les représentants du patronat sont plus optimistes. "On ne rentre pas dans une négociation pour échouer. On rentre dans une négociation pour réussir", a dit Hubert Mongon (Medef), après cinq heures de négociation, lors d'un point presse téléphonique. D'après des propos rapportés par l'Agence France Presse, il a loué des "points de convergences" lors de cette rencontre, qui s'est selon lui tenue "dans un climat constructif" avec la CFDT, la CGT, FO, la CFE-CGC, la CFTC, la CPME et l'U2P, refusant de parler "à ce stade, de points de désaccord". Pour lui, il y a de la place pour un accord "utile, efficace, interprofessionnel".

Un plan en sept chapitres

Le week-end dernier, le Medef a soumis aux négociateurs un plan en sept chapitres avec différents points à négocier. Ces différents chapitres portent aussi bien sur le bénévolat, la cohésion sociale, le volontariat, la réversibilité, l'éligibilité d'un poste au télétravail, la charge de travail, les frais professionnels, la formation des manageurs, l'isolement des salariés, le handicap ou encore l'intégration des nouveaux collaborateurs. Le télétravail exercé en temps de crise est abordé dans le septième chapitre. Autant dire que les risques de friction sont multiples.

Un télétravail en hausse depuis septembre, loin des niveaux du printemps

L'arrivée de la seconde vague au cours du troisième trimestre a incité certaines entreprises et salariés à pratiquer le télétravail. S'il est encore difficile d'avoir des chiffres récents sur cette forme d'organisation, l'Insee - dans une note d'éclairage rendue publique ce mardi 10 novembre -, indique qu'environ 30% des personnes interrogées durant la dernière semaine de septembre avaient travaillé à domicile au cours des quatre semaines précédentes. C'est un niveau en forte hausse mais qui reste très loin des pics enregistrés au printemps au moment du confinement strict. À cette période, près de 55% des répondants affirmaient qu'ils avaient travaillé à distance pendant la mise sous cloche de l'économie.

Des entreprises réfractaires

Depuis le début du second confinement, les témoignages de salariés à l'encontre des entreprises récalcitrantes se multiplient. Alors que le télétravail était amplement répandu lors du premier confinement, les entorses au protocole sanitaire publié par l'exécutif semblent bien plus nombreuses. Pour inciter les entreprises qui le peuvent, la ministre du Travail Élisabeth Borne s'est rendue à la Défense la semaine dernière dans les locaux de Total et Engie afin de rappeler le caractère "indispensable" du télétravail pour les activités qui le permettent, au vu de l'épidémie "très brutale" de Covid-19. Auparavant, la ministre de la rue de Grenelle avait rappelé que le télétravail n'était pas "une option".

> Lire aussi : Le télétravail devient la règle, ce n'est "pas une option", prévient Elisabeth Borne

Un protocole assez flou et instable

Le protocole mis en ligne par l'administration sur la question du télétravail est jugé assez flou par plusieurs organisations syndicales et laisse beaucoup d'interprétations possibles, notamment sur les postes télétravaillables et les tâches qui peuvent être réalisées à distance ou non. "Dans les circonstances exceptionnelles actuelles, liées à la menace de l'épidémie, il doit être la règle pour l'ensemble des activités qui le permettent. Dans ce cadre, le temps de travail effectué en télétravail est porté à 100% pour les salariés qui peuvent effectuer l'ensemble de leurs tâches à distance. Dans les autres cas, l'organisation du travail doit permettre de réduire les déplacements domicile-travail et d'aménager le temps de présence en entreprise pour l'exécution des tâches qui ne peuvent être réalisées en télétravail, pour réduire les interactions sociales", explique le document officiel. Outre ce caractère assez flou des règles communiquées par l'exécutif, le document des questions/réponses censé apporter un éclairage aux entreprises et aux salariés est régulièrement mis à jour. Ce qui empêche d'avoir de la visibilité pour organiser au mieux le fonctionnement des organisations.

Grégoire Normand
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