Pour tout comprendre du télétravail à 100% : règles du jeu, sanctions, mode d'emploi

COMPRENDRE, EN 6 QUESTIONS. Pour limiter la propagation du nouveau coronavirus, durant ce deuxième confinement, le gouvernement veut faire du télétravail à 100% la règle, dès que la situation le permet. La ministre du Travail, Élisabeth Borne, a même prévenu : les entreprises qui ne jouent pas le jeu s'exposent à des sanctions. Mais que risque réellement l'employeur en cas de manquements ? Quels sont les droits du salarié ? Eléments de réponse avec Thierry Meillat, avocat associé en droit social au cabinet Hogan Lovells.
Bien que non normatif sur le plan légal, le protocole sanitaire en entreprise engage l'employeur, prévient l'avocat Thierry Meillat.
"Bien que non normatif sur le plan légal, le protocole sanitaire en entreprise engage l'employeur", prévient l'avocat Thierry Meillat. (Crédits : Hogan Lovells LLP.)

LA TRIBUNE - Le télétravail à 100% doit devenir la règle et non l'exception, a martelé ces derniers jours Élisabeth Borne. Voyant que toutes les entreprises ne jouaient pas le jeu, la ministre du Travail a haussé le ton, et évoqué des sanctions en cas de manquement, précisant que « la responsabilité des employeurs pourrait être engagée ». Concrètement, les employeurs encourent-ils un risque à ne pas mettre leurs salariés en télétravail et, si oui, dans quels cas ?

THIERRY MEILLAT - La réponse n'est pas évidente. De manière générale, le télétravail est fondé sur la base du volontariat : le salarié fait une demande, l'employeur accepte ou motive son refus le cas échéant. L'article L1222-11 précise qu'en cas de risque épidémique, l'employeur a la faculté d'imposer le télétravail, afin de protéger la santé et la sécurité des salariés.

À cela, viennent s'ajouter les nouvelles recommandations du protocole sanitaire en entreprise, révisé le 29 octobre dernier, qui enjoint l'employeur à mettre en place le télétravail à 100% dès lors que le poste le permet. Ce texte, bien que non normatif sur le plan légal, engage l'employeur. Ne pas respecter les préconisations du protocole l'expose à un risque, en vertu de son obligation de sécurité à l'égard de ses salariés. Dit autrement, un salarié contaminé sur son lieu de travail par le Covid-19, alors qu'il aurait pu télétravailler, pourrait engager la responsabilité de l'employeur.

L'État peut-il vraiment sanctionner les employeurs, en sachant que le protocole sanitaire en entreprise précise que la mise en place du télétravail reste à l'appréciation de ces derniers ?

Oui, il le peut. Sur la base du protocole sanitaire en entreprise, un inspecteur du travail peut se rendre sur le lieu de l'entreprise pour demander, à l'employeur, de justifier la présence de ses salariés. Si les éléments apportés ne donnent pas satisfaction, l'inspecteur peut notifier une mise en demeure à l'employeur de se mettre en conformité, c'est-à-dire de mettre en télétravail tous les salariés pouvant l'être. En cas de non-respect par l'employeur, les mesures peuvent aller jusqu'à la fermeture de l'établissement dans les cas les plus graves.

Si l'employeur refuse le télétravail, le salarié a-t-il des recours ?

Oui, il en existe plusieurs. L'action la plus probable de la part du salarié serait de saisir soit l'inspection du travail, avec les conséquences potentielles décrites plus tôt, soit le Comité social et économique (CSE), autrement dit les représentants du personnel qui saisiront, à leur tour, l'inspection du travail ou le tribunal. Le but ultime étant que la justice ordonne à l'employeur de respecter les mesures du protocole sanitaire en entreprise.

Est-ce qu'il faut s'attendre à une explosion des procédures ?

À mon avis non, parce que, malgré tout, les employeurs font des efforts assez importants pour mettre en place le télétravail quand c'est possible. Par ailleurs, la plupart des cas litigieux devraient probablement se régler en interne, en lien avec le CSE (Comité social et économique). On peut toutefois anticiper une augmentation des contrôles de l'inspection du travail.

Des négociations sont actuellement en cours entre syndicats et patronat pour mieux encadrer ce mode de fonctionnement. Elles devraient aboutir dans le courant de ce mois de novembre. Quel sujet devrait être posé sur la table ?

La principale pierre d'achoppement concerne tout ce qui tourne autour du volontariat ou de l'imposition du télétravail. Il y a une appréhension, côté patronat, à ce que le télétravail devienne de droit dans certains cas, après négociation collective, et que cela pose problème dans les entreprises, au cas par cas.

Qu'est-ce qu'une activité télétravaillable ? Existe-t-il une définition à l'heure actuelle ?

Pas du tout, et c'est un point intéressant même si, à mon avis, c'est un peu mission impossible. Il existe trois cas de figure : les postes "évidemment" télétravaillables (par exemple, la saisie de données), les postes qui ne le sont "évidemment" pas (dans l'industrie notamment) et puis il y a tous les autres. Pour cette dernière catégorie, il y a souvent une partie qui est télétravaillable et l'autre qui ne l'est pas. Quoiqu'il en soit, le gouvernement n'a, a priori, pas envie de s'engager sur cette question car elle doit rester du ressort des entreprises, au niveau des branches.

Lire aussi : Six conseils pour gérer au mieux son télétravail en période de confinement

Propos recueillis par Ivan Capecchi

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Commentaire 1
à écrit le 08/11/2020 à 12:30
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hypocrisie de haute ampleur combien de collaborateur de ministre sont en emploi de télétravail et combien au ministère du travail car avant de vouloir imposer un système un dialogue avec les les syndicats est fondamentale et que sont ces mena...

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