Les sondages n'avaient donc pas exagéré la popularité de Donald Trump au sein des électeurs républicains. L'ancien président s'est largement imposé lors de la toute première primaire du parti républicain dans l'Iowa, cumulant plus de 50% des voix, loin devant ses rivaux, le gouverneur de la Floride Ron DeSantis (21%) et l'ex-gouverneur de la Caroline du Sud Nikki Haley (19%). Vivek Ramaswamy, arrivé quatrième, a quant à lui jeté l'éponge.
La primaire républicaine est donc désormais une triangulaire, dans laquelle Donald Trump fait largement la course en tête. À moins d'un rebondissement de dernière minute ou d'une remontée spectaculaire de l'un de ses deux concurrents, il semble bien parti pour s'imposer.
Un colistier mystère
Le suspense se concentre sur l'identité de son colistier, le potentiel futur vice-président. Un retour de Mike Pence (qui a lui aussi tenté d'obtenir l'investiture avant de jeter l'éponge en octobre), ancien titulaire du poste, semble totalement exclu. Les deux hommes sont en froid depuis que Pence a choisi de ne pas suivre Trump dans sa tentative de contester le résultat de l'élection de 2020. L'ancien président avait alors qualifié son bras droit de « traître », tandis que Mike Pence, dans un livre récemment paru, a pointé la responsabilité de son ancien patron dans l'attaque du Capitole le 6 janvier 2021.
Le choix de Trump pourrait se porter sur Kristi Noem, gouverneur du Dakota du Nord. Fervente conservatrice à l'impeccable CV pro-armes et anti-avortement, c'est une fidèle de Trump de la première heure, qui a dénoncé le caractère politique des attaques judiciaires lancées contre lui et est récemment montée sur scène à ses côtés lors d'un rallye dans l'Iowa. Trump a lui-même confirmé qu'elle faisait partie des options, et Kristi Noem a déclaré qu'elle accepterait l'offre « en un clin d'œil ».
Vivek Ramaswamy, qui a appelé à voter Trump en même temps qu'il annonçait son retrait de la course, est également un choix possible. Il partage une certaine radicalité dans le discours avec l'ancien président, promettant d'arrêter toute aide à l'Ukraine, de déporter tous les immigrés illégaux et d'envoyer l'armée américaine au Mexique pour éradiquer les cartels. Nikki Haley, ancienne ambassadrice de Trump à l'ONU, pourrait également être une option, même si elle fait actuellement campagne contre lui. Figure plus traditionnelle et expérimentée du parti, elle pourrait rassurer certains électeurs, une stratégie similaire à celle que Trump avait adoptée en choisissant Mike Pence. Les noms de J.D. Vance, gouverneur de l'Ohio, de Tom Cotton, sénateur de l'Arkansas, et de Mike Pompeo, l'une des figures de proue de l'ancienne administration Trump, ont également été évoqués.
Casseroles judiciaires à gogo
Le principal obstacle entre Trump et l'élection ne vient pas de ses rivaux au sein du parti républicain, mais plutôt de la justice. La Cour suprême du Colorado a décrété en décembre que, du fait de sa contestation des résultats de l'élection ayant mené à l'attaque du Capitole le 6 janvier 2021, Trump ne pourrait participer à la primaire républicaine dans l'État. La Cour invoque un article du 14e amendement qui, adopté après la guerre de Sécession, interdit aux personnes ayant mené une insurrection contre le gouvernement de se présenter à une élection. C'est la première fois dans l'histoire que cet article est invoqué pour exclure un candidat à la présidentielle d'un scrutin. Le Maine a depuis suivi l'exemple du Colorado.
La Cour suprême des États-Unis doit toutefois examiner la question, et il est probable qu'elle retoque la décision du Colorado, d'une part parce que les juges républicains sont plus nombreux que leurs homologues démocrates à la Cour suprême (cinq contre quatre), mais aussi et surtout parce que l'exclusion de Trump semble difficile à défendre tant d'un point de vue pragmatique que juridique.
L'ex-président est également accusé d'avoir emporté chez lui des documents confidentiels et tenté de supprimer les images de vidéosurveillance prouvant sa culpabilité, dissimulé un paiement versé à une star du porno et tenté de changer les résultats de l'élection de 2020. Les différents procès doivent avoir lieu au printemps. Trump nie toute culpabilité et dénonce des procès politiques. Sa cote de popularité auprès des électeurs républicains a plutôt bénéficié de ses ennuis judiciaires.
Joe Biden en lice pour sa réélection
Côté démocrate, Biden a choisi de se représenter et personne au sein du parti n'a osé remettre en cause cette décision. Il sera donc selon toute vraisemblance le champion du parti lors de l'élection qui aura lieu début novembre. On se dirige ainsi vers un match retour de 2020. Mais le contexte est fort différent.
Biden a terminé l'année 2023 avec 39% d'opinions favorables, soit moins qu'aucun autre président récent à cette échéance. À titre de comparaison, Donald Trump pouvait compter sur 45% d'opinions favorables en décembre 2019, un chiffre alors considéré comme très bas. George W. Bush, pourtant guère populaire, jouissait de 58% d'opinions favorables en décembre 2003, avant de jouer sa réélection l'année suivante. Les Américains jugent sévèrement sa gestion de l'économie (31% d'opinions favorables) et ne sont que 28% à penser que son esprit est suffisamment alerte pour lui permettre de diriger le pays. Sauf surprise, la colistière de Joe Biden devrait être la vice-présidente Kamala Harris.
Prochaines échéances
Ron DeSantis et Nikki Haley ont tous deux promis de poursuivre leur campagne malgré leur défaite dans l'Iowa. Les prochains scrutins auront lieu dans le New Hampshire, le Nevada et la Caroline du Sud. Mais c'est le Super Tuesday, le 5 mars prochain, lors duquel 16 États tiendront leur primaire, qui devrait trancher en faveur d'un candidat ou de l'autre.
Si le parti républicain doit normalement confirmer l'identité de son candidat lors de sa Convention Nationale en juillet, une succession de victoires écrasantes de Trump pourrait lui assurer la victoire bien plus tôt si ses deux adversaires décident de jeter l'éponge.
Si Joe Biden fait face à une popularité en berne, Trump ne fait pas beaucoup mieux, puisque seulement 42% des Américains ont une opinion positive de lui. La réélection d'un président précédemment battu est en outre un phénomène rarissime aux États-Unis. Pour trouver un précédent, il faut remonter au XIXe siècle : Grover Cleveland, président démocrate élu en 1884, avait été battu lors de sa tentative de réélection par Benjamin Harrison, avant de l'emporter en 1892 face à celui-ci.
Donald Trump est en outre le premier candidat à se présenter avec un tel bagage judiciaire : un total de sept procédures lancées à son encontre devraient déboucher cette année sur des procès et d'éventuelles condamnations. Mais l'ancien président est passé maître dans l'art de déjouer les prédictions.